Négociations commerciales 2017 : peut mieux faire
Les échanges entre grandes marques et distributeurs lors des négociations commerciales ont été globalement moins conflictuels que les années précédentes. Mais, sur le fond, la situation mesurée par le baromètre de l’Ilec que LSA dévoile en exclusivité s’est légèrement dégradée, avec des discussions focalisées sur le prix, au détriment du reste.
Morgan Leclerc
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Morgan Leclerc
L’exercice de décryptage des relations commerciales n’est pas aisé. Mais l’Institut de liaison et d’études de la consommation (Ilec), le lobby des grandes marques, qui y consacre une bonne part de son énergie et de ses ressources, s’y est employé juste après la période des négociations 2017, conclues fin février. Pour la cinquième fois depuis 2011, l’Ilec a décortiqué tous les aspects des échanges entre les industriels et les distributeurs. Le résultat est un baromètre, « outil subjectif mais homogène, à valeur statistique », selon les propos de Richard Panquiault. Le directeur général de l’Ilec, association qui regroupe près de 80 adhérents fabricants de grandes marques (pour un chiffre d’affaires cumulé de 36 milliards d’euros et 50 % des marques vendues en grande distribution), a dévoilé à LSA cette photo d’ensemble, dont « l’objectif n’est pas de stigmatiser mais de saluer les pratiques vertueuses, les progrès, et d’inciter à les généraliser ».
Les enseignements
- Sur la forme, les relations et les négociations sont un peu plus apaisées entre industriels et distributeurs.
- L’effet des alliances à l’achat est très perceptible et vient renforcer les tensions, déjà fortes avec la guerre des prix.
- La focalisation sur le prix empêche l’exploitation optimale de sources de développement et des innovations.
- Les préoccupations portent sur la généralisation de nouvelles sources de financement et le contenu économique du contrat.
Un point bas
Évolution de la note globale du baromètre de la relation commerciale.
La note globale recule de 0,1 point sur un an, et confirme la tendance à la dégradation régulière du score depuis la création du baromètre.
Source : Ilec
Une charte signée en 2016
Le premier enseignement est d’ailleurs plutôt positif, « puisque la forme des relations apparaît globalement moins conflictuelle que les années précédentes. Nous voulons y voir un impact de la charte de la Fédération du commerce et de la distribution », assure-t-il. Cette dernière, signée en octobre 2016, visait à apaiser certaines tensions formelles trop courantes dans les box. Pour analyser tous les aspects de la relation entre les deux parties, l’Ilec a adressé à ses adhérents un questionnaire portant sur 57 points. À charge pour eux de donner une note de 0 à 5 sur les différents sujets, un score supérieur à 3,5 étant caractéristique d’une bonne pratique alors qu’une note inférieure à 2,5 est synonyme de mauvaise pratique.
Sur la tenue des négociations, la plupart des notes s’échelonnent entre 3,3 et 3,8, mais trois centrales d’achat se distinguent de manière négative (Inca-A, ITM et le Galec), notamment sur le sujet du non-respect des horaires de rendez-vous. Toutefois, les méthodes comme le harcèlement par SMS ou appels téléphoniques à toute heure de la journée se sont calmées. Parmi les bonnes nouvelles, citons également « une amélioration nette et généralisée en matière de respect du cadre légal, avec en particulier un recul sensible des déréférencements pendant la période des négociations ».
Des discussions moins brutales dans la forme
Notes obtenues sur les questions de comportement lors des négociations
Les rapports entre fournisseurs et distributeurs ont été globalement moins tendus lors des négociations 2017, par rapport aux années précédentes. Pour l’Ilec, la signature de la charte de la FCD a eu un impact sur la qualité de la forme de la relation, ce qui est une source de progrès et de satisfaction. Les actions des pouvoirs publics ont également incité à mieux respecter le cadre légal et le formalisme.
Source : Ilec
Insatisfaction et inquiétude autour du contenu économique des accords
Notes obtenues sur les questions de fond des négociations
Parmi les problèmes les plus fréquents et les plus critiques figure le contenu économique des accords, source d’insatisfaction et d’inquiétude, avec des plans d’affaires « traités de manière très variable selon les enseignes ». L’Ilec pointe aussi l’absence de rationalité dans les demandes, la tentation d’imposer des clauses contractuelles et le défaut de contreparties proportionnées.
Source : Ilec
Déconnexion avec le cours des matières premières
Si les angles ont été arrondis en ce qui concerne l’environnement des négociations, la situation est moins consensuelle dès lors qu’on aborde les contrats et leurs contenus. Car le cœur du réacteur reste le tarif. Et autant dire qu’avec la guerre des prix qui sévit depuis des années, la déflation et la baisse des étiquettes semblent devenues des préalables à toute discussion, même lorsque les cours des matières premières évoluent à la hausse. Avec la constitution récente de regroupements à l’achat et de supercentrales, cette pression est redoublée, selon l’Ilec. « Il y a clairement un effet des alliances. Le partage des conditions a fait apparaître des écarts dont les gens n’avaient pas conscience. Cela a créé des crispations très dures », analyse Richard Panquiault.
Au-delà de cet effet, les industriels ont fait état de plusieurs tendances et dérives observées au niveau d’un grand nombre d’enseignes, quand ce n’est pas la totalité. Elles portent notamment sur la création de nouvelles sources de financement, reposant sur des déductions d’office, ou des « pénalités infondées », souvent d’ordre logistique. Ces problèmes non commerciaux viennent pénaliser la relation. Autre point surligné en rouge, le contenu économique du contrat est source de conflits (plans d’affaires, contreparties proportionnées, contrôle des investissements promo)… ou d’améliorations, diront les optimistes. Les industriels ont recensé des demandes d’avantages disproportionnés, l’imposition de dispositions contractuelles et des demandes pas toujours justifiées. Plus problématique, la focalisation des discussions autour du prix oblitère les discussions sur la collaboration. « Elle empêche l’exploitation optimale de sources de développement et les innovations rentrent trop lentement », juge l’Ilec.
« Globalement, tout cela traduit un manque de confiance dans la relation », regrette Richard Panquiault, qui se refuse toutefois à la stigmatisation des mauvais élèves. « La dégradation des notes n’est pas inexorable. Il faut casser le pseudo-lien qui fait croire que plus je suis méchant, plus je suis performant. C’est un pari sur l’intelligence et la vertu », conclut le DG de l’Ilec.
La guerre des prix pèse énormément sur le contenu des négociations
Prix en HM + SM en mars 2017 (par rapport à une base 100 calculée en 2010)
La déflation des prix de vente finaux oriente les attentes des distributeurs vers la baisse des étiquettes et donc des prix d’achat, malgré les évolutions des cours des matières premières, qui peuvent être assez amples. Depuis 2013, les indices n’ont cessé de chuter, traduisant une bataille toujours plus forte autour des prix.
Source : Ilec