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R. c. J.L., 2012 QCCQ 2509 (CanLII)

Date :
2012-03-14
Numéro de dossier :
500-01-009045-060
Référence :
R. c. J.L., 2012 QCCQ 2509 (CanLII), <https://canlii.ca/t/fqx2h>, consulté le 2024-04-16

R. c. J.L.

 

ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION DU NOM DE LA VICTIME OU DE TOUT DÉTAIL PERMETTANT DE L'IDENTIFIER

2012 QCCQ 2509

JL2407

 
 COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre criminelle et pénale »

No :

500-01-009045-060

 

DATE :

Le 14 mars 2012

_____________________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

LOUIS A. LEGAULT, J.C.Q.

_____________________________________________________________________________

 

 

LA REINE

POURSUIVANTE

c.

J... L...

ACCUSÉ

 

 

_____________________________________________________________________________

 

PEINE

Version  écrite

_____________________________________________________________________________

 

[1]               Monsieur J... L..., l'accusé, a reconnu sa culpabilité à une accusation d'inceste entre 1984 et 1987 sur la personne de X (article 150 (2) du Code criminel SC 1953-54, C-51) et à une seconde accusation d'avoir eu des rapports sexuels avec cette personne sachant qu'elle était liée par les liens du sang entre 1988 et 1997 sur cette même victime (article 155 (2) du Code criminel).

[2]               Le tribunal n'a pas à sanctionner la conduite de la victime en l'instance. Elle n'est pas poursuivie. Le tribunal pourrait prendre note aussi de ce qui dans son comportement pourrait constituer un facteur atténuant additionnel. Le tribunal prend acte de la déclaration de la poursuivante que si aucune poursuite criminelle en inceste n'a été portée contre la victime qui était alors majeure, c'est que la poursuivante considérait que la preuve permettrait à celle-ci de se prévaloir du moyen de défense de s'être engagée « par contrainte, violence ou crainte émanant de la personne avec qui elle avait eu des rapports sexuels » (article 155 (3) du Code criminel). Le tribunal n'est pas lié par la teneur de cette observation.

[3]               Le tribunal n'a entendu aucun témoignage en défense. Néanmoins, les prétentions de l'accusé et sa version des faits apparaissent aux rapports présentenciels.[1] Ces rapports offrent un éclairage sur la personnalité de l'accusé, sur sa vision des infractions commises, sur les dynamiques en cause, sur ses réactions par rapport à la victime et ces autres victimes que sont ses enfants et enfin sur la présence d'un risque de récidive.

[4]               RAPPEL DU FARDEAU DE LA PREUVE EN CE QUI CONCERNE LES FACTEURS AGGRAVANTS - Le tribunal constate qu'entre autres débats, celui sur les facteurs aggravants est au coeur du litige dont l'existence doit  être établie hors de tout doute raisonnable[2]. La défense escompte que la faiblesse du témoignage de la victime et la crédibilité de la version de l'accusé ne permettront pas de conclure à l'existence de facteurs aggravants additionnels, notamment quant à l'allégation d'une première relation sexuelle qui aurait été sans consentement comme le déclare la victime. La défense aussi escompte que le manque de crédibilité de la victime combiné aux décisions des tribunaux supérieurs permettront de relativiser, remettre en perspective ou questionner tout autre facteur potentiellement aggravant.

[5]               Le juge Michel Proulx de la Cour d'appel du Québec a affirmé avec une grande habileté la mission du tribunal dans l'établissement de la vérité dans l'arrêt La Reine c. Tabard [1993] A.Q. no. 82 en page 5 et ces principes qui doivent guider le tribunal même si en l'instance le tribunal n'est pas confronté à des versions contradictoires. Même si l'accusé n'a pas choisi la voie du témoignage pour questionner la version de la plaignante et qu'il escompte que la version de la victime ne sera pas digne de foi, il a aussi offert des pistes de réflexion sur l'évaluation de la preuve.

[6]               L'opinion du juge Proulx, JCAQ, a toute sa pertinence:  « Quitte à le redire, le juge du procès, confronté à des versions contradictoires, n'a pas à décider pour en arriver à un verdict, laquelle de ces versions l'emporte sur la vérité… mais bien, si la preuve, dans son ensemble, le satisfait hors de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé; en conséquence, on ne saurait imposer à un accusé le fardeau de démontrer que la victime ne dit pas la vérité… C'est le poursuivant qui a le fardeau de satisfaire le Tribunal que la vérité qu'il propose soit démontrée hors de tout doute raisonnable.  Le fardeau de cette vérité appartient toujours au poursuivant.  Quand un accusé témoigne, comme en l'espèce, il soumet sa vérité, il ne lui incombe pas pour autant de convaincre le juge de sa vérité, que la plaignante ne dit pas la bonne vérité.  Exiger des accusés la démonstration du mensonge des plaignants, atrophie la présomption d'innocence.  Un doute raisonnable surgit si le poursuivant échoue dans sa tentative de convaincre le tribunal de sa vérité.»


GRAVITÉ OBJECTIVE

[7]               Les deux infractions sont passibles de quatorze ans d'incarcération.

ANALYSE DE LA PREUVE

[8]        ENSEMBLE DE LA PREUVE - Certains constats s'imposent à l'analyse du témoignage de la victime X considéré dans la pleine dynamique de l'éclairage que la preuve fournit et des dynamiques dont fait état le rapport présentenciel

[9]         Le tribunal fera l'analyse de la crédibilité de la version de l'accusé à partir du compte-rendu qui en est fait dans les trois rapports déposés comme présentenciels, l'accusé n'ayant pas témoigné en défense.  La version de l'accusé, notamment quant aux faits aggravants de la première relation et aux circonstances de la poursuite de la relation de l'accusé et de la victime, tout comme en ce qui concerne les conséquences dramatiques aux victimes, ne sera pas considérée digne de foi. Cette version pêche par son invraisemblance, la réticence, ses contradictions, ses tergiversations, la tendance lourde de l'accusé à adapter la vérité, à la déformer. L'accusé dénigre tout un chacun pour arriver à ses fins. Il tente de contrôler la vérité. Il tait ce qui ne lui convient pas. Il a osé défier ceux qui font l'analyse des dynamiques de sa personne tout en cherchant à les intimider, à adapter la vérité à ses besoins sans égard à ce qu'elle est, à tout rationaliser à ce point qu'il ne s'inscrit pas dans la vérité de la réalité tout en niant l'évidence.

[10]            Il a un contact très tenu avec la réalité des émotions d'autrui, peu d'empathie, une compréhension souffrant de perceptions inadéquates de la réalité modifiées par son besoin d'adapter la réalité à son regard, aucun regret ou aucun remords quant à son comportement incestueux, quant aux victimes, un rapport à l'émotion qui s'efface devant sa croyance dans son récit et une certaine imperméabilité à l'humain et qui cède dans cette dynamique de pouvoir, de contrôle, un besoin d'avoir raison dans des relations qui deviennent de pouvoir, et un sens de la justice et de la mesure d'équité qui d'autant en souffre.

[11]            Le tribunal procédera à une analyse de la preuve. La défense conteste que la preuve est faite hors de tout doute raisonnable de plusieurs facteurs aggravants. Si l'inceste a fait l'objet d'une reconnaissance de culpabilité, il y a une contestation vive du fait que la victime aurait été soumise à une relation non-consensuelle.

[12]            La défense allègue que le témoignage de la victime lors de l'audition de la peine n'est pas digne de foi. Le tribunal retiendra un certain nombre de faits qui s'imposent comme fiables, pertinents ou utiles.

[13]            Les rapports présentenciels aussi offrent une abondance d'informations et d'analyses relativement aux facteurs pertinents et utiles pour rendre une peine proportionnelle à la gravité des infractions commises et au degré de responsabilité du délinquant.

[14]            Tous ces éléments de preuve et facteurs pertinents et utiles seront soumis à cette analyse ultime des objectifs et principes qui guident le tribunal dans le prononcé d'une peine.

[15]            CRÉDIBILITÉ DE LA VICTIME - La crédibilité de fond du témoignage de la victime est-elle questionnée par la preuve entendue?  La défense prétend qu'il en est particulièrement ainsi. La défense allègue que le témoignage de la victime n'est pas digne de foi. Elle allègue que les éléments aggravants allégués notamment quant à l'absence de consentement à la première relation sexuelle et quant aux conséquences subies par la victime ne sont pas établis ou sont relativisés sinon contredits. Au surplus, la défense fait valoir que tribunaux civils ont rendu des décisions d'intérêt et emportant un constat qui s'imposait au terme de longs et difficiles débats alors que la garde des enfants maintenant majeurs avait été confiée à l'accusé.

[16]            La victime est portée par une méfiance dont l'accusé, la poursuite et le tribunal feront les frais allant jusqu'à requérir qu'un avocat en pratique privée la représente et fasse entendre un témoin. Cette femme bouleversée est révoltée, déstabilisée et désespérée. Elle manifeste une détermination ponctuelle à révéler son côté de la médaille et son appréciation du caractère de l'accusé. Sur le caractère de l'accusé, sa contribution n'est pas pertinente.

[17]            La victime aura tendance à vouloir communiquer ce qu'elle considère opportun sinon urgent que le tribunal entende. Il faudra la rappeler à l'ordre afin qu'elle réponde aux questions. Plusieurs de ses réponses ne visent qu'à faire connaître son opinion de l'accusé qui est sans valeur légale. Les faits parlent et parleront.

[18]            Le tribunal constate que les réponses de la victime traduisent plutôt un destin devenu tragique, un investissement de la victime dans cette relation qui mérite un éclairage pour cette femme qui entre ses 23 ans et 36 ans environ aura mené une vie commune avec ses enfants et l'accusé.

[19]            Le Ministère public aura demandé qu'une ordonnance de non-publication du nom de la victime ou de tout détail permettant de l'identifier soit rendue. Et cette ordonnance a été rendue. La victime se sera insurgée contre cette demande. Madame la victime désirait qu'aucune ordonnance de publication n'entrave le fait que l'entièreté de ces débats y compris le nom de l'accusé soit révélée au public. Madame la victime aurait dû savoir mieux comme elle est une victime, qu'elle n'aura pas été capable d'affronter ouvertement la vie en révélant son statut d'incestuée et le fait que ses enfants étaient nés de relations incestueuses.

[20]            Il est manifeste qu'elle aura manqué de sagesse et de jugement en demandant qu'aucune ordonnance de non-publication ne soit prononcée quant au nom de l'accusé et des enfants.  Elle est animée par un désir que l'accusé ne sorte pas impuni de ses comportements illégaux et de révéler au monde qui est l'accusé.

[21]            Le présent dossier a en soi comme victime non seulement la plaignante, mais aussi potentiellement les enfants nés de son union. La victime a une incertaine inconscience des conséquences que représenterait la publication de tous les noms et personnes potentiellement indirectement victimes dans cette affaire. Si au mieux, elle est animée par un souci que justice très ouverte soit rendue contre l'accusé, elle n'a pas à l'esprit ce prix très élevé à payer que serait cette publicité en raison de la connaissance publique que les enfants sont nés des rapports incestueux des parties.

[22]            Le tribunal ne conclut pas en raison de ce comportement que la victime agit dans l'ensemble des procédures de façon à travestir la vérité quant aux circonstances notamment de la première relation sexuelle entre les parties qui a une influence combien déterminante dans le sort de la présente cause et quant aux conséquences dans sa vie. Le tribunal conserve à l'esprit qu'elle n'est sûrement pas sortie indemne des débats civils relatifs à la garde de ses enfants.

[23]            Le tribunal aura également noté qu'elle avait des velléités de faire un récit combien plus vindicatif contre l'accusé et ne répondait pas toujours aux questions qui lui étaient posées comme elle voulait dire tant et plus au-delà des questions posées.

[24]            C'est un fait que l'accusé aura eu la garde légale des enfants nés de son union avec la victime. Ces enfants sont maintenant majeurs quoique aucun ne soit totalement autonome et que la plus jeune enfant aurait récemment atteint sa majorité. Ces enfants dont la preuve permet de croire qu'ils connaissent le lien qui unissait la victime et l'accusé, sont et seront toujours des victimes qui auront à assumer ces circonstances particulières de leur vie. 

[25]            La victime craint que ses enfants ne soient à leur tour victimisés par les comportements et croyances et débordements de l'accusé. Ce n'est pas un souci anodin. Une expertise qui prononce sur un risque même en le qualifiant de minime ne dit pas que cette improbabilité constitue une impossibilité.  Son souci est celui de tout parent et la protection des enfants et leur bien-être demeure un impératif.

[26]            La victime vit manifestement mal la décision des tribunaux et ce qui lui apparaît comme la perte de ses enfants. Les décisions des tribunaux relativement aux enfants ont été rendues. Un tribunal compétent ayant en main l'ensemble des données du dossier aura dans le passé décidé des mesures qui touchent à la garde des enfants au terme des plaidoyers et moyens de droit plaidés par les parties. L'accusé aura obtenu la garde de ses trois enfants.

[27]            Le tribunal ne préjugera pas, ni ne peut questionner ce ou ces jugements rendus qui devaient tenir compte de plusieurs facteurs qui touchent tant la capacité parentale, le bien-être et le bon développement des enfants. Cela était de leur compétence. Un tribunal décide en fonction de la compétence qu'il exerce, des preuves qui lui sont faites et dont il reconnaît l'admissibilité comme en l'instance. Le débat devant ce tribunal est tout autre et le tribunal adjugera selon les inférences et les dispositifs que les faits et la loi justifient.

[28]            PERTINENCE DES RAPPORTS PRÉSENTENCIELS DANS LA CONSIDÉRATION DE L'ENSEMBLE DE LA PREUVE - Le tribunal bénéficie de rapports professionnels présentenciels pointus, néanmoins avec ces limites et ces inférences que les faits suggèrent de cet individu qui aura apporté une collaboration mitigée et contrôlante aux experts. Il apparaît que l'accusé aura tenté de contrôler la teneur des rapports sans offrir cette pleine collaboration requise sans compter le fait que les propos de l'accusé suggèrent un individu qui aura louvoyé.

[29]            RECONNAISSANCE DE CULPABILITÉ - La version de l'accusé dans le rapport présentenciel quant à sa connaissance qu'il était le père biologique de la victime offre des réponses variables contradictoires même.[3]  Il prétendra ne pas avoir cru que la victime était issue de cette relation jeunesse. Il parlera de cette possibilité et aussi assumera le fait que la victime était issue de son union avec la mère biologique.  Cela ne se sera pas fait sans écorcher sérieusement la réputation de la mère biologique, dénigrant la mère biologique pour les seules fins de mettre en doute sa paternité qu'il finira par reconnaître.

[30]            Il dira avoir reconnu sa culpabilité en raison des contraintes financières associées à sa défense devant le tribunal comme les procédures au civil lui avaient été onéreuses et comme il pouvait bénéficier d'une ordonnance de non-publication de son nom épargnant ainsi ses enfants des inconvénients y reliés. L'accusé aura louvoyé dans l'expression de sa reconnaissance.

[31]            Au moins particulier sinon incroyable que l'accusé aura moins craint une sentence sur des infractions aussi objectivement importantes alléguées parce qu'il craignait encore plus de subir de pertes monétaires.[4] Mais pourquoi reconnaître une culpabilité qui ne serait pas la sienne et avoir tant prétexté de toutes sortes de raisons qui d'aucune façon ne justifiait qu'un homme sacrifie son droit de protester de son innocence.

[32]            Le tribunal n'aurait pas admis un tel plaidoyer sans une reconnaissance de culpabilité claire sur les infractions telles que portées. Après avoir offert déni et doute, l'accusé reconnaîtra qu'il est le père de la victime, Mme X et qu'il connaissait légalement ce fait ou avait fait preuve d'ignorance volontaire équivalent à connaissance au moment de la commission de l'infraction.

[33]            HISTOIRE DES RELATIONS DE LA VICTIME ET DE L'ACCUSÉ - La victime, malgré le désaccord de sa mère adoptive quant à la recherche de son père biologique et quant à la poursuite d'études universitaires, recherchera son père. Si le récit de la victime surprend par l'apparente simplicité à avoir accès à son dossier d'adoption et à retrouver son père et qu'il semble possible que ses démarches n'aient pas été aussi courtes et simples que celles alléguées tant dans ses contacts avec sa mère biologique que dans l'accès obtenu à son dossier d'adoption, sa crédibilité n'est pas questionnée par cette partie de son récit.

[34]            Elle est animée par une impulsion irrésistible de découvrir cet homme. Elle le retrouvera avec bonheur au terme de toutes ses démarches, bonheur dont elle dit qu'il se réclamera aussi. Cela ne laisse pas de doute.

[35]            La victime hébergera l'accusé chez elle alléguant sa compassion pour cet homme qu'elle considère démuni.  La rencontre de l'accusé et de la victime se fait alors que celle-ci a 23 ans environ et que l'accusé en aurait environ 43 ans. Leur relation durera 13 ans environ au cours de laquelle elle en viendra à avoir ponctuellement des relations sexuelles avec l'accusé qui amèneront 4 grossesses, 3 naissances d'enfants qui sont désormais majeurs.  Elle fera toujours chambre à part avec l'accusé.

[36]            Si la victime allègue avoir hébergé dans les maisons dont elle a été propriétaire, l'accusé dont elle allègue la précarité de revenus qui aura amené sa générosité envers l'accusé, laisse entendre qu'il gagnait généralement bien sa vie, qu'il s'est toujours sorti de ses mauvaises passes financières et qu'il aurait pu avoir la maison à son nom[5]. Tel ne fut pas le cas dans les faits comme la victime a acheté les maisons avec ses revenus et actifs.

[37]            L'accusé fera alors valoir qu'il a eu de gain de cause en matière de garde d'enfants et que cela encore disqualifie la version de la victime sur ses prétentions quant à son comportement et donc que sa bonne nature apparaîtrait du fait qu'il a laissé madame être propriétaire de la maison et qu'il n'aura pas insisté pour avoir son nom porté comme père sur les certificats de naissance.

[38]            Cette interprétation de l'accusé n'est pas retenue par le tribunal.  Faut-il rappeler que l'accusé, qui aura dit ne pas vouloir d'enfant, aura invoqué qu'à ce moment « il croyait que son instabilité au niveau du travail pouvait limiter sa capacité à assumer la responsabilité financière qui en découle »[6].

[39]            Cela aussi confirme la victime dans le fait qu'elle a hébergé son père alors que ses moyens financiers étaient plus précaires.[7]  La dynamique de ces enfants nés de l'inceste apparaît comme une raison majeure qui explique pourquoi l'accusé ne retrouve pas son nom sur le certificat de naissance.

[40]            PREMIÈRE RELATION SEXUELLE, UNE RELATION NON-CONSENSUELLE - Lors de la rencontre de la victime avec l'accusé, la victime est manifestement en état de déséquilibre en raison d'évènements familiaux qui tiennent au stress familial et aussi au suicide de son père. Cette situation est connue de l'accusé.  Elle consultait durant cette période la «voyante Jojo Savard».

[41]            La victime affirme que l'accusé l'aura agressée sexuellement et aura eu une relation complète avec elle sans qu'au départ et en aucun temps elle ne donne son consentement.  L'accusé dans le rapport fait état de relations consensuelles et d'un projet commun qui les aura amenés à avoir des enfants.

[42]            La victime allègue que la première relation sexuelle aura lieu dans des conditions d'agression, sans son consentement. L'accusé aurait offert de la masser alléguant qu'elle souffrait de problèmes internes, d'infections pour lesquelles ses connaissances en médecine et les traitements sous forme de massage contribueraient à sa guérison et qu'elle bénéficierait de ce transfert d'énergie qu'il lui offrait.

[43]            L'accusé lui aurait dit qu'elle devait être totalement nue pour que ce massage soit efficace. L'accusé l'aurait assuré que comme il était son père, elle pouvait avoir une entière confiance en sa démarche.  Sa passivité et sa nudité invitées par l'accusé à l'occasion d'une offre de massage ne doivent pas être considérées comme une expression forte ou implicite à avoir avec cet homme des relations sexuelles. Avec réticence, candidement, étonnamment, elle agrée au massage, sur la foi des représentations de l'accusé et se place sur le ventre dans la position demandée.

[44]            Ce massage se transformera en relation sexuelle complète avec pénétration. Elle ne l'a pas anticipé. Elle ne résiste pas. Elle demeure interloquée.  Il consomme cet acte à son grand désarroi. Elle sait que les relations intimes avec son père sont interdites par la loi. Elle ne s'est pas insurgée. Elle a subi cette relation intrusive mentalement et psychologiquement bousculée et muette.

[45]             Elle n'aura pas exprimé son désaccord lors de cette première relation intime dans laquelle l'accusé l'a prise sans son consentement; elle aura été impuissante à lui communiquer verbalement ou manifester son refus.

[46]            L'accusé fait valoir des relations consensuelles dans les rapports, il a dénié toute agression. La défense allègue la faiblesse du témoignage de la victime, la crédibilité alléguée de l'accusé et cette longue histoire de 13 ans, 3 enfants et la ou les décisions des tribunaux en matière de garde d'enfants. [8]  L'accusé n'est pas cru. Il en fera des pirouettes pour rationaliser ses prétentions de non-culpabilité.

[47]            Pourtant, l'accusé n'aura jamais fait état ou donné sa version de cette première relation sauf pour nier l'agression et même des relations amoureuses et un projet commun avec la victime. Il a osé et misé sur sa prise de possession de la victime exécutée sans une protestation formulée par la victime. Le tribunal ne croit nullement que les parties se sont engagées dans un projet commun porté par la passion. Tel ne fut pas le début de cette aventure. C'est incroyable.

[48]            Ce sera le départ d'une relation fort dramatique dans laquelle la victime sera de plus en plus piégée et en état de captation. Elle ne sait révéler ce secret qui l'étouffe, qui la rend honteuse. Et plus ça va, plus elle sera prisonnière de ce secret par crainte de ne pas être crue, manifestement aussi parce que ses enfants ne devraient pas payer le prix de son impuissance à rompre les relations avec cet homme.

[49]            L'accusé vivra confortablement cette relation ponctuée de relations où environ mensuellement il obtiendra d'avoir des relations intimes avec elle. Il acceptera et voudra aussi les grossesses qui viendront. L'accusé espérera le silence complice de la victime dans la normalité apparente et trompeuse d'un couple faisant abstraction de leur lien incestueux.

[50]            L'accusé dira qu'après qu'ils ont appris à se connaître, « ensuite ça été la passion »[9]. Manifestement pas, ni du récit de la victime, ni finalement du récit de l'accusé. Cette passion, que la victime dénie et dont l'accusé parle, apparaît avoir été la sienne dès le départ pour cette femme, pour le corps de la victime. On y retrouve le stéréotype ou cette pensée que le tribunal en infère que la victime pour lui était tout simplement irrésistible.

[51]            Il est porté par une pulsion passionnelle dont il va parler et dont il va en d'autres temps dénier que leur relation fut passionnelle. Elle ne le fut que pour lui. En effet, il dira que « étant très belle femme à ses dires, il prétend qu'il aurait succombé. Il rajoute que l'homme est très faible en compagnie de la Femme, laquelle contrôle le premier et le désarme. Dès lors, il lui devient impossible de lui résister »[10].

[52]            Le tribunal ne doute pas que les relations qui auraient pu être plus fluides jusqu'à ce massage aient été contaminées et détournées de leur relation empreinte de bonté parentale et filiale.

[53]            POURSUITE DURANT 13 ANS DE LEURS RELATIONS EN VIE COMMUNE - C'est une relation sans passion et sans magie que la victime ne voudra pas encourager et dont elle n'aura pas le courage de se distancer.  L'accusé aussi le dira.  Leur sexualité aura été « ''ordinaire'' et ''sans passion'' », l'accusé « nommant également une insatisfaction à cet égard, ce qui aurait fait en sorte au fil des ans d'endormir son besoin sexuel. Le rapport psychiatrique (mars 2010) fait plutôt état d'une vie sexuelle avec elle sans particularité »[11].

[54]            Cet homme fait chambre à part et vient ponctuellement dans la chambre de la victime pour partager et vivre une relation sexuelle désirée. Cela ne pointe pas nécessairement à une participation épanouie de la victime; cela n'est pas le cas.

[55]            Trois enfants naîtront de leur union. L'infraction d'inceste, de relations consanguines à la connaissance de l'accusé est consacrée. Il est vrai que le nom de l'accusé n'aura pas été inscrit sur les certificats de naissance.

[56]            Invraisemblable de croire que ce refus de porter le nom de l'accusé au certificat de naissance n'était pas en relation avec le fait que les enfants étaient nés des relations incestueuses de l'accusé et de la victime. Ces relations incestueuses sont au coeur des dynamiques incapacitantes de la victime et de cette impuissance qui longtemps paralysera la victime dans la poursuite de relations alourdies par ce poids des illégalités commises. Elle se dira honteuse.

[57]            Clairement, la paternité du grand-père ne se disait pas, ne se dénonçait pas dans un acte de naissance. Cela était aussi une question de moralité sociale même si l'accusé se plaint dans les rapports que cela lui aura été refusé. De deux choses l'une ou sa plainte est invraisemblable ou cet homme n'a aucune idée de la mesure de sa transgression d'un tabou combien universel.

[58]            Malgré sa reconnaissance de culpabilité qu'il renouvellera après la production du rapport présentenciel, l'accusé aura dit à la criminologue bien après qu'il aura obtenu la garde de ses enfants et qu'il y aurait eu un test d'ADN confirmant sa paternité, que « son ex-conjointe aurait eu trois enfants dont il précise ne pas avoir la certitude d'être le père biologique, ajoutant que les ''enfants sont au nom de celle-ci'' ». [12] Il aura aussi fait état du fait qu'il se savait le père des enfants. [13]Formidablement dénigrant de la victime et que dire combien inqualifiable quant aux enfants. Toute cette guérilla judiciaire menée pour «avoir» les enfants, pour s'assurer leur garde.

[59]            Cela surprend quand l'accusé encore doute malgré le test d'ADN et la reconnaissance de paternité offerte et la déclaration combien singulière alors de l'accusé que ces enfants étaient le résultat d'un projet commun développé dans la passion, le bonheur et la joie de l'accusé d'avoir les enfants. Voilà une confirmation que l'accusé voulait les enfants et cela aussi confirme l'affirmation de la victime que l'accusé n'aura pas voulu notamment qu'elle se fasse avorter pour son troisième enfant. [14]

[60]            Difficiles alors de comprendre ces remarques de l'accusé qui dit douter de sa paternité et qui manifestement contrôlera le propos tous azimuts contre la mère. Il tire dans toutes les directions et espère que sa rationalisation des vérités qu'il mêlera à ses mensonges et demi-vérités lui donneront raison. Il ne doutera pas de la paternité de ces enfants quand cela lui sied.

[61]            L'histoire de ces débats intérieurs que vivra la victime de mettre fin à ses grossesses dans deux des trois cas, alors que dans l'autre cas, ses quatre mois de grossesses interdisent cette démarche, dira beaucoup. Elle dira beaucoup de la volonté de ne pas avoir d'enfants de son union avec l'accusé, de sa conscience vive de la nature des relations qu'elle entretient avec son père ici accusé, du fait qu'elle n'aura pas su dire avec clarté et force l'essentiel besoin d'avortement en raison du fait que ces enfants viennent de son père, le manque de réseau social entourant la victime ou tout simplement son manque de courage pour se dire en raison de sa crainte de ne pas être crue, d'être jugée et aussi que ses enfants portent ce regard de leur héritage parental socialement et personnellement porteur de drames et difficultés, tous un peu prisonniers de cet héritage.

[62]            Elle allègue avoir presque élevé ses enfants seule, que l'accusé n'aura pas été d'une grande présence ou soutien bien qu'ils aient partagé des vacances ou les repas. Les prétentions de l'accusé sont différentes, mais ce constat n'est pas de grande utilité dans le dossier bien que le tribunal ne doute nullement, acceptant le témoignage de la mère même avec certaines nuances, qu'elle assumera un rôle majeur dans les tâches parentales jusqu'en 1997 quand la victime se séparera de l'accusé.  Même si le rôle de l'accusé ou de la victime aura pu être plus grand que celui qu'ils se reconnaissent, il n'est pas essentiel de trancher le tout.

[63]            Néanmoins, il apparaît que la victime aura été le contact unique avec les services de santé, le milieu scolaire, l'intermédiaire pour ses enfants auprès des instances. Cela aussi est tel qu'il ne permet certes pas de disqualifier le rôle de la mère.

[64]            Tout ce débat sur la contribution de la victime pour s'occuper de ses enfants quand elle illustre tout ce qu'elle devait faire pour s'en occuper pour pourvoir à leurs besoins, ne saurait fonder un constat défavorable à l'apport de la victime et encore moins fragiliser sa crédibilité.

FIN DE COHABITATION EN 1997 ET CORTÈGE DE DÉBATS

[65]            En 1997, elle mettra fin à ses relations avec l'accusé. La garde des enfants des deux parties sera confiée à l'accusé au terme de débats qui apparaissent avoir été vigoureusement contestés et elle n'a plus de contact avec eux depuis longtemps. De là à croire que le rôle de la victime aura été secondaire et qu'elle aura été une mauvaise femme et une mauvaise mère, le tribunal trouve les propos de l'accusé formidablement réducteurs.

[66]            L'accusé dira que ses relations avec la victime jusqu'en 1997 étaient adéquates.[15] Mais, leur séparation commencera par des poursuites criminelles qui se termineront par un acquittement et un Engagement signé par l'accusé de ne pas troubler l'ordre public en vertu de l'article 810 du Code criminel. Cela minimalement et sans plus d'admission signifie que l'accusé reconnaissait que la victime avait eu à l'époque des raisons de craindre pour son intégrité. Ce n'est pas sans pertinence.

[67]            Dès lors, il dira qu'elle serait devenue quérulente. [16]  Elle osera confronter cet homme ce qui était son droit tout comme celui de l'accusé d'avoir les tribunaux régler cette question. Le droit d'avoir les tribunaux régler une affaire bénéficie aux deux parties. Les parties s'engageront dans des procédures manifestement éprouvantes où les justiciables de part et d'autre avaient des doléances, faits et arguments à faire valoir.

[68]            L'expertise permet de conclure que l'accusé aura eu des « comportements opportunistes et manipulatoires d'un individu au profil délinquant atypique ». L'ensemble de la preuve supporte ce constat. [17]

[69]            Ces constats s'imposent de la lecture des rapports produits à la cour. Les rapports ne lui sont généralement pas favorables. Il aura tenté de manœuvrer pour que son point de vue triomphe. L'accusé travestit la vérité et l'accorde à sa pensée. Il a tellement besoin d'avoir raison qu'il menacera la criminologue de poursuites advenant que le rapport ne lui soit pas favorable. L'accusé se présente vraiment comme une victime de sa fille biologique. Il est d'autant plus victime que c'est avec réticence qu'il reconnaîtra tant sa paternité que sa grand-paternité. Cela est malgré une expertise d'ADN confirmant l'un et l'autre.

[70]            L'accusé sera qualifié de manipulateur. Cela apparaît notamment de sa façon d'être «évasif et (à) de faire preuve d'évitement, et ce, avec une subtilité déconcertante. Une telle adresse n'est pas sans rappeler le stratagème mis en place lors du passage à l'acte »[18] faisant alors référence au set-up de la première relation sexuelle extorquée et non consensuelle.

[71]            Il se positionne aussi en victime en disant de la victime qu'elle est une « fraudeuse, toxicomane, quérulente, borderline et mère incompétente. »[19]  Triste drame que ces débats qui auront opposé les deux parents. L'accusé dénigre la victime auprès de ses enfants pour avoir gain de cause. Assez particulier si tout allait bien jusqu'en 1997,[20] alors qu'il la discrédite et dépeint négativement à compter de ce moment.

[72]            Il est raisonnable de conclure que l'accusé « s'acharne à dénigrer les personnes qui l'ont pris en défaut au sein de son parcours comme (il sera) à court de justifications pour expliquer ses implications délictuelles et son cheminement conflictuel. »[21]

[73]            Des exemples suivront d'une élégance discutable et d'un mauvais goût certain quant aux mœurs de la plaignante pour que sa plainte chemine, quant aux mœurs dissolues de la mère biologique de la victime, quant à sa stratégie et propos quant à la crédibilité des personnes qu'il perçoit comme obstacle sur son chemin qui reflète le peu de considération que l'accusé a pour autrui.[22]

[74]            L'accusé à travers les rapports présentenciels préparés se présente comme une victime d'une femme malicieuse, de mauvaise vie qui est une mauvaise mère. Il la discrédite de façon impitoyable et virulente.  Il se repose sur le fait que les tribunaux civils lui ont laissé la garde de ses enfants. Mais c'est avec cette femme qu'il a eu trois enfants. L'accusé étrangement nie sa paternité pour ensuite en douter et ensuite s'en réclamer avec force.

[75]            La vérité chez I'accusé est flexible et s'adapte aux circonstances qui le confrontent. Et maintenant, ces enfants sont protégés et reposeraient à l'entendre leur confiance en lui qui n'a même pas eu quelque considération éthique et morale et personnelle et sociétale pour cette femme qui était sa fille.

[76]            En ce qui concerne le début des relations intimes de l'accusé avec sa fille, la victime, l'accusé argumentera la beauté de cette femme comme si l'homme ne pouvait résister à une femme… comme si l'homme n'avait plus de contrôle devant cette beauté de cette femme alors dans la vingtaine. Et lui qui voit l'amour comme un espace de magie et de passion aura été insatisfait. Cela ne peut être que parce que la victime ne lui a pas donné sa ration de passion et de magie. Il se déclarera insatisfait de sa relation dans l'intimité avec la victime. N'est-ce pas que cela aussi potentiellement confirme qu'elle ne l'aura pas aimé sinon avec réticence et pour acheter la paix tout en n’ayant pas la force de se distancer.

[77]            Il est incompréhensible qu'il croie que le fait que les enfants se reposent totalement en lui, les dispensera des misères et des débats intérieurs et d'identification et autres qui viendront sûrement s'ils connaissent la situation des parties et de leur père-grand-père. Un cortège de questions les attend.

[78]            Par quelle magie l'accusé prétend-il pouvoir leur épargner les questionnements d'identité et autres qui se poseront sûrement dans leur vie ? L'accusé semble conscient que les enfants souffrent de tous les litiges qu'il y a eu entre la victime et lui. Il fait état du fait que « le fait d'être le père de leur mère et donc leur père et leur grand-père n'a aucun impact sur eux » (page 8, Rapport de Mme Chantal Huot, criminologue, membre du regroupement des intervenants en matière d'agression sexuelle).

[79]            La criminologue fait état du fait que l'accusé « porte peu d'égard à ce que peuvent vivre ses enfants, y compris sa victime, eu égard aux décisions prises et conduites qu'il a adoptées dans le passé. »[23]  Le constat de la criminologue est à l'effet que l'accusé a un discours « très rationnel et détaché de quelque émotion » [24]  L'accusé est un homme très en contrôle, un homme de contrôle et même de surcontrôle. [25]  Il sera même intimidant avec la criminologue advenant que le rapport ne lui soit pas favorable.

[80]            Ses transgressions et comportements antisociaux et malicieux sont lourds de conséquences. Bien au-delà de la relation non-consensuelle, l'accusé continuera de requérir et d'obtenir la continuation de leur relation incestueuse. Par la suite des naissances ou de la poursuite de la relation incestueuse, il n'a pas cette réaction attendue de moralité publique et personnelle. Il n'a aucun remords.  [26]

[81]            C'est cette réalité de la transgression de ce tabou et des conséquences vivantes de ce tabou qui constituera pour elle un fardeau beaucoup trop lourd. Et l'accusé apparaît ne pas avoir réalisé cette lourdeur vécue par la victime dont il est clair qu'elle n'a pas entretenu avec l'accusé une relation vraiment amoureuse. La victime a sa part de responsabilité par son impuissance à s'élever et à rompre cette relation et cet engrenage d'enfer qui va durer 13 ans. Quel prix à payer pour tant de personnes!

[82]            Déresponsabilisation va de pair avec le fait que « poursuivant son manège, il discrédite la victime dans son entourage, mais également auprès des instances gouvernementales et judiciaires. »[27] Ces agissements étant selon l'agent de probation et les experts attribuables à des traits de personnalité narcissiques et antisociaux. Si facile pour les observateurs de condamner la victime, la mère, la femme qui aura été étouffée dans son impuissance et une captation dont le constat s'avère.

[83]            L'accusé aura été d'une insensibilité lourde sur les conséquences de cet inceste non seulement dans la vie de la victime, mais aussi dans la vie de ses enfants[28]. Il aura démontré une inconscience grossière face à ses responsabilités dans ces simples rapports incestueux ayant conduit à un certain nombre de grossesses et face aux transgressions lourdes et répétées du tabou de l'inceste.

[84]            Il aura eu un comportement déplorable en s'attaquant à la victime et indirectement à ses enfants en dénigrant cette victime sans égard au besoin fondamental des enfants qu'au moins leur père ne dénigre pas leur mère, ne saborde pas cette base émotive sur laquelle les enfants aussi se bâtissent.  C'est sûrement un devoir qui est celui de tout parent dans ses relations avec ses enfants et qui aussi est celui de la mère que ses enfants soient préservés de tout comportement aliénant.

[85]            L'accusé se présente comme la seule personne en qui ses enfants ont confiance [29].  Incroyable inconscience que l'accusé soit « d'avis que le fait d'être le père de leur mère et donc leur père et grand-père, n'a aucun impact sur eux. » [30] C'est un constat à bien courte vue de ce qui attend les enfants déjà acquis dans ce conflit de légitimité que l'accusé croit avoir gagné comme si les enfants étaient des gagnants et de simples pions. Regret exprimé par l'accusé que ses enfants souffrent de la présence de tous ces procès et aussi cette conviction qu'il est celui qui mérite le titre de père par « l'ensemble des soins apportés toute leur vie ». 

[86]            Il bâtit sa légitimité en dénigrant sans nuance la victime, colportant des faits ou rumeurs ou croyances auxquels il serait indécent d'exposer ses enfants. Pourtant, il semble des rapports que l'accusé aura été satisfait de cette femme comme mère jusqu'à ce qu'elle ose se plaindre au criminel dans la mesure où il allègue que la situation du couple s'envenimera en 1997.

[87]            Quelle prétention dévastatrice que celle de son rôle pivot qui lui confère à lui seul la confiance des enfants dans la mesure où elle trouve son fondement dans les mensonges et fabulations et manque d'introspection dans lesquels l'accusé se réfugie et enferme les enfants.  L'aliénation parentale qu'elle provienne de l'un ou l'autre des parents ouvre des voies d'impasse et d'inacceptabilité claire au sens de la loi.  La rationalisation et le comportement guerrier qu'il déploie devant tout ce qui peut lui être antagoniste le qualifient comme un individu qui n'est pas de bonne foi, ni digne de foi.

[88]            L'accusé comme un mythomane croit dans les faits qu'il rapporte et aussi s'y enlise, dit n'importe quoi et son contraire quand son discours est examiné à la lumière de trois rapports qui en disent long sur la tendance de l'accusé à inventer sa vérité et y croire et à faire preuve non seulement d'une parfaite mauvaise foi, mais aussi d'une insensibilité flagrante à la réalité de la victime et à celle de ses enfants issus de sa relation, des victimes combien importantes.

[89]            Cet état de victime de ses enfants prendra une dimension d'autant plus lourde qu'il devient évident des faits communiqués dans les rapports qu'il aura aussi mis ses enfants dans le coup de son histoire, de ses fabulations, de la réalité qu'il travestit pour se donner du crédit, pour monter les enfants contre leur mère pour enfin avoir raison.[31] C'est ce que le tribunal comprend de sa prétention que les enfants n'ont confiance qu'en lui et que tout son entourage connaît son opinion de la victime, opinion dévastatrice et réductrice fondée sur sa vision tronquée de la réalité.

[90]            L'accusé aura été d'une insensibilité lourde sur les conséquences de cet inceste dans la vie de la victime et dans la vie de ses enfants[32], dans la démonstration d'une grossière inconscience face à ses responsabilités dans ces simples rapports incestueux ayant conduit à un certain nombre de grossesses et face aux transgressions lourdes et répétées du tabou de l'inceste.

[91]            Le rapport de Madame Chantal Huot fait des recommandations dont elle conclut néanmoins que l'accusé n'y est pas éligible. L'accusé aurait bénéficié d'un programme spécialisé en délinquance sexuelle. Elle dira que ce programme aurait été utile « pour qu'il puisse développer une compréhension entourant les passages à l'acte, travailler les distorsions cognitives inhérentes, diminuer les facteurs de risque présents et relevés au plan de l'intimité et de la maîtrise de soi en général, puis accroître les éléments de protection pour limiter les probabilités de récidive » ajoutant que « sa façon de voir et d'interpréter les gestes sexuels déviants qui lui sont reprochés rejoint grandement le négateur. » [33]

[92]            Ne semble pas sans pertinence en écho du témoignage de la victime sur les circonstances de l'agression sexuelle commise par l'accusé sa condamnation qu'il qualifie d'injuste pour pratique illégale de la médecine, notamment pour avoir recommandé un traitement de transfert d'énergie par l'imposition des mains et avoir posé des diagnostics. Mais, cela est plutôt typique du caractère de l'accusé qui aura encore débattu en cour et perdu ce débat.

[93]            Pour la victime, c'est un lourd héritage que de vivre ce tabou social si dur à révéler par elle, d'une trop grande lourdeur à partager. Et il est clair que cette dynamique et l'isolement de la victime l'auront paralysée et profondément perturbée, bousculée et blessée.

[94]            Clair aussi que l'accusé a abusé d'elle, de ses prétendus pouvoirs, de sa naïveté qui défie le bon sens et qu'il est tombé amoureux passionnément épris de sa beauté, en attente d'elle, avec une certaine dépendance à elle… Elle aura été incapable d'indépendance, de se respecter et de dire le secret socialement inacceptable. C'est une femme écrasée par ce secret, par cette conscience vive qu'elle a transgressé un tabou social étouffant en ayant un premier enfant et ensuite les autres qui encore plus la confineront dans un silence où victime et accusé sont compromis dans un silence qui ne se dénoue pas.

[95]            L'un et l'autre et particulièrement la victime est dans une incapacité de sortir de son silence, obsédée par la vérité, handicapée par la vérité, par le regard imaginé des autres où elle serait perdante à dire, à oser dire socialement coupable comme l'est l'accusé aux yeux du public. Le tribunal ne considère pas surprenant la déroute de la victime, ses désespérances.  Elle est sans aucun doute aussi compromise psychologiquement comme partie à ces incestes. Elle est anéantie et réduite au silence. Elle porte le secret des enfants nés de l'inceste.

[96]            L'ampleur du bouleversement et de l'impuissance voire de la colère de la victime n'ont d'égal que cette perception d'une désorganisation qui aura crû au fur et à mesure de l'impasse dans laquelle elle est enlisée.  Le tribunal croit vraiment que la victime est devenue captive de l'impasse dans laquelle elle se retrouve. Toute sa dynamique nous apparaît révélatrice et symptomatique d'une femme dont la vie s'est formidablement complexifiée de façon quasi-inextricable dans la continuation de comportements incestueux avec l'accusé et aussi depuis le début du cortège des litiges mettant en cause accusé et victime. Les reproches et attaques tous azimuts de l'accusé contre la victime apparaissent résulter d'une guerre très longue et acrimonieuse entre les parties, mais ne viennent nullement contrer la véracité des allégations de la victime.

[97]            La victime n'aura pas su déployer les ressources intérieures pour sortir de cette impasse, ni n'aura accédé à un réseau social ou professionnel qui lui aurait ouvert des voies de solution en fonction de la vérité de ce qu'elle vivait. Cette réalité n'était pas « photogénique » socialement et était d'un inconfort qui l'aura paralysée et dans lequel elle demeurera emprisonnée. La victime a vécu dans un état d'impuissance et d'incapacité d'agir sainement.

[98]            Elle n'a pas su prendre ses distances de l'accusé. Elle ne l'a pas expulsé de chez elle. Elle a survécu sur un mode automatique au bénéfice de ses enfants qu'elle aura alors protégés de ce malheureux secret qui la minait. Elle vivait cette maternité au-delà de ce qui l'implosait comme secret qui tue socialement, qui handicape. La victime a offert un témoignage digne de foi.

FACTEURS AGGRAVANTS ET SUBJECTIFS

[99]            DURÉE DE L'INCESTE - Les parties ont entretenu des relations incestueuses ponctuelles qui se sont échelonnées entre 1984 et 1997.

[100]      PREMIÈRE RELATION NON CONSENSUELLE - Cette première relation s'est déroulée dans un contexte d'absence de consentement et de prise de possession sexuelle et de subjugation de cette jeune femme majeure par cet accusé qui aura argumenté avec elle  pour faire valoir son ultime bien-être, un peu comme un gourou porteur de ses prétentions et aura tant et si bien manipulé et trompé la victime qu'il lui imposera une relation sexuelle complète.

[101]      NOMBRE DE RELATIONS INCESTUEUSES - Entre 1984 et 1997, l'accusé imposera un grand nombre de relations sexuelles alors qu'il en sera sûrement l'instigateur et que de dépit et de guerre lasse, elle y consentira. Ces relations seront nombreuses et ponctuelles.

[102]      QUATRE GROSSESSES ET TROIS ENFANTS MAINTENANT DEVENUS MAJEURS - C'est un facteur très aggravant que ce comportement de l'accusé qui agira pour avoir des enfants, voudra ces enfants et refusera même que la victime avorte. La victime est isolée dans ce contexte où manifestement l'accusé vit bien le fait que la victime ait des enfants de son union avec lui.

[103]      CONSÉQUENCES SUR LA VICTIME - Les conséquences sont dramatiques dans la vie de la victime. Dans un premier temps, victime d'une relation sexuelle non consentante extorquée dans la manipulation par son père biologique et poursuivant cette relation durant 13 ans, concédant des relations intimes pour acheter la paix, cette femme captée par le secret de cette relation incestueuse, s'y enferme, est incapable de  briser les liens de cette union suffocante. Elle va briser, bouleversée, dans un tourbillon d'impuissance. Cette femme est désorganisée et accablée par le fait d'avoir osé avoir des enfants avec cet homme.

[104]      La déclaration de la victime sur les conséquences du crime fait état d'anxiété, de cauchemars, de difficultés à dormir, de flash-back, de méfiance, d'incapacité de faire confiance, de perte de concentration, de sentiment d'impuissance, de victime d'injustice, de faible estime, d'incapacité ou de difficulté à s'engager dans une vie amoureuse et intime normale, de la difficulté de vivre le jugement des amis et connaissances.

[105]      Ces conséquences sont certes reliées à  ces comportements incestueux, à cette première agression sexuelle et aux rapports intimes continués avec ces trois enfants mis au monde. Il y a lieu d'avoir une prudence en raison du fait que les débats autour de la garde des enfants et leur cortège d'inconvénients, anxiété et désarroi se départagent difficilement des conséquences de l'inceste vécu.

[106]      CONSÉQUENCES SUR LES ENFANTS NÉS DE L'UNION DE L'ACCUSÉ ET DE LA VICTIME - Le poids social de la transgression de ce tabou sera omniprésent dans la vie de la victime et ce poids personnel, psychologique, social aussi est et sera celui de ces enfants.

[107]      ABSENCE D'EMPATHIE POUR LES ENFANTS DES PARTIES - L'attitude de l'accusé manque d'empathie et de compréhension quant aux conséquences de cette ascendance incestueuse dans la vie de ses enfants. Il est incapable de comprendre que ses enfants nés de ses rapports incestueux sont des victimes aussi directes de l'audace qu'il aura eue de transgresser ce tabou de l'inceste. Des jours potentiellement difficiles attendent ces enfants conscients du fait que leur père est leur grand-père. Il faut une inconscience lourde et une absence réelle d'empathie et de compassion pour être fermé à toutes ces conséquences et traumatismes auxquels sont exposés ses enfants.

[108]      L'impression lourde d'insensibilité n'a d'égale qu'un manque majeur de connaissance de l'âme humaine et des tourments et déchirements que vivront ces enfants. Les enfants ont au surplus besoin que ni leur père ni leur mère ne tentent de saborder l'autorité et l'amour de leurs enfants pour chacun des parents. En sabordant l'image parentale de l'autre parent dans ces circonstances si tristes, les parents s'attaquent clairement à l'équilibre émotif de leurs enfants et compromettent l'équilibre émotif des enfants. De part et d'autre, il y a lieu de s'inquiéter.

[109]      Ce secret de leur ascendance n'en est pas moins lourd. Il a un potentiel perturbateur insidieux susceptible de miner ou complexifier leur regard sur leur vie, leur épanouissement, leur capacité d'affronter la vie. S'il n'est pas nécessaire, ni opportun d'amplifier ce qui déjà a ses lourdeurs par quelque publicité, il est raisonnable et prévisible de croire que ces êtres issus de fille et père porteront un héritage lourd et triste de ce fait.

[110]      ABUS DE CONFIANCE - L'abus de confiance de l'accusé auprès de la victime n'est pas celui d'un père auprès de son enfant mineur. Il y a néanmoins abus de confiance majeur. Ce n'est pas cette confiance d'un enfant qui se conjugue avec autorité pour asservir. Pourtant, c'est aussi une relation de confiance que la victime entretient avec l'accusé. Cet homme avait une responsabilité particulière et une confiance qui aurait dû transcender ses pulsions intimes. Une jeune femme même adulte doit pouvoir croire que son père n'abusera pas d'elle et ne tentera pas de l'abuser, qu'il ne tentera pas de transgresser ce tabou, ni ne l'invitera à le transgresser. Et l'accusé avait ce devoir d'être à la hauteur de la confiance qu'un adulte plus âgé dans cette position de confiance tant sociétale que personnelle n'oserait pas passer outre à ce tabou. C'est un échec lourd de l'accusé qui ne se conforme pas aux obligations qui sont siennes de ne pas avoir de relations incestueuses.

[111]      Cet abus de confiance d'un père qui n'a aucun jugement en matière de comportement incestueux s'il est d'opinion que cela soit acceptable si la victime y a consenti ou ne s'y est pas opposée. Abus de confiance de la part d'un homme dans la quarantaine qui aurait dû savoir mieux, qui aurait dû ne jamais s'engager dans un comportement incestueux ou le répéter. C'est toute une société qui a une attente que ce tabou de l'absence de relations sexuelles entre un père biologique et sa fille est fondamental et que sa transgression constitue un crime depuis toujours reconnu même universellement.

[112]      ABSENCE DE REMORDS, DE REGRET ET D'EMPATHIE - L'accusé n'a aucune empathie pour la victime, n'a aucun regret, aucun remords. Pour lui, d'invoquer le consentement de la victime lui achetait le droit d'avoir des relations intimes avec la victime. Il est surprenant qu'il ne fasse pas preuve d'empathie envers la victime en aucun temps et que tout ce qui l'anime est une attaque tous azimuts contre la victime pour la dénigrer et gagner.

[113]      En terme de déresponsabilisation, l'accusé atteint des sommets d'inconvenance et de manque de jugement et d'empathie. Il ne semble pas avoir vécu ce poids social d'avoir osé transgresser un tabou qui amène un tel jugement social et un fardeau personnel accablant exceptionnel.

[114]      RISQUE DE RÉCIDIVE - S'il est vrai que le risque de récidive a été évalué comme léger, il est à noter qu'il aurait été vraiment opportun que cet homme qui manque de jugement et qui pratique la manipulation comme un sport, comme un exercice de pouvoir comme une caractéristique des relations humaines, suive le programme préparé à l'attention des délinquants sexuels. Néanmoins, il ne se qualifie pas par tant de ses dénégations.

[115]      Il est possible que désormais, le fait que l'accusé soit septuagénaire, réduise ou soit susceptible de réduire substantiellement dans le contexte des présentes le risque de récidive.  Le risque demeure bien que léger et tout risque semblable ne saurait être anodin comme l'accusé n'aura eu aucune inhibition qui l'aurait amené à s'abstenir à répétition de ces comportements incestueux.  Le tribunal conserve une certaine inquiétude quant au risque de récidive. Le tribunal prend note que les tribunaux civils n'auront pas craint la récidive de l'accusé qui prend de l'âge.

FACTEURS SUBJECTIFS

[116]      Le tribunal ne voit comme seul facteur de mitigation que la reconnaissance de culpabilité offerte dont il aura sûrement espéré qu'elle lui éviterait ce long débat et cette exposition d'un passé non glorieux, voire honteux.

[117]      Le tribunal peut également considérer dans l'imposition de la peine à imposer les 71 ans atteints de l'accusé et le fait que les risques de récidive sont minimes.

[118]      L'accusé reconnaissait sa culpabilité dans la mesure de son ignorance volontaire alors que les faits pointaient à sa paternité.  Cette connaissance même ainsi acquise ne saurait constituer un facteur de mitigation de la sanction à imposer. Une fois la connaissance acquise par l'accusé, cette connaissance ouvre une pleine mesure de considération des sanctions applicables, L'ignorance volontaire n'est pas un bouclier d'immunité de la pleine mesure des sanctions applicables. De toute façon, le tribunal ne doute pas à l'examen de tous les faits que l'accusé connaissait sa paternité ou avait toutes les raisons d'y croire comme il le laissera entendre quand il aura admis que si la mère biologique l'affirmait, il devait en être ainsi.

[119]      Le tribunal ne considère pas que le fait qu'il ait encore à des degrés divers la responsabilité financière des enfants et le fait qu'il leur fournisse présentement un toit soit un motif substantiel de mitigation tel qu'il permettrait de considérer une toute autre sentence. Les enfants sont majeurs sans être autonomes.

ANALYSE DE LA SENTENCE À RENDRE

[120]      RECOMMANDATIONS - La poursuite suggère l'imposition d'une peine de 3 ans de prison. La défense suggère une peine de sentence avec sursis avec probation qui garderait l'accusé en liberté quel qu'en soit le cadre, servirait les fins de la justice.

[121]      OBJECTIFS ET FACTEURS DE LA PEINE À PRONONCER - Le Code criminel énonce les facteurs et les objectifs dont le tribunal doit tenir compte. C'est une question de principe qu'une peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité de l'accusé. Dans l'ensemble des circonstances, comme les multiples relations sexuelles incestueuses sont marquées de nombre de facteurs aggravants et entre autres d'une première relation sexuelle non consensuelle, il y a lieu que le tribunal impose une sentence qui privilégie les objectifs de dissuasion personnelle, sociétale, de réprobation, de rétribution, qui ici serviront les objectifs de réinsertion sociale et de réhabilitation.  L'incarcération, l'isolement de l'accusé s'imposent et représentent un moyen d'atteindre les objectifs sociaux et personnels que la peine symbolise.

[122]      Si cette dénonciation, cette réprobation ont une priorité moindre comme la victime n'est pas une enfant qui était mineure en raison de la poursuite de nombreuses grossesses et relations intimes dont l'accusé aura été l'instigateur, l'initiateur et le quémandeur, par l'abus de confiance de cet adulte qui ne se sentait pas lié par l'obligation légale de ne pas transgresser le tabou de l'inceste, par l'absence de remords, d'empathie, de compassion et de prise de conscience de l'accusé non seulement quant aux conséquences dans la vie de la victime et de ces victimes que sont et seront les enfants des parties.  Sa responsabilité à l'égard de ses enfants est importante et les conséquences dans leur vie seront immensément lourdes.

[123]      Par ailleurs, le Tribunal a l'obligation d'envisager les sanctions les moins contraignantes possible lorsque les circonstances le justifient. Cette règle vise aussi le terme d'emprisonnement, lorsque comme dans le présent cas, il y a lieu de considérer l'imposition d'une sentence d'incarcération.

[124]      Même si l'accusé ne présente pas un risque important de récidive, ce risque demeure et inquiète le tribunal. L'accusé est loin d'avoir effectué la prise de conscience voulue qui devrait rassurer le tribunal. Son insensibilité lourde quant au caractère inacceptable de ses comportements incestueux et quant aux conséquences dans la vie de la victime et de ses enfants demeure préoccupante.

[125]      Ces infractions de relations incestueuses amènent des sentences qui au niveau canadien vont de la sentence suspendue dans les cas les moins graves à de multiples années de pénitencier (jusqu'à 5 et 7 ans de pénitencier). Ces sentences sont généralement lourdes lorsque les relations incestueuses d'un parent avec son enfant ont eu cours durant les jeunes années de cette fille mineure. Elles sont d'autant plus lourdes qu'une grossesse aura suivi, qu'un enfant sera né de cette union.  Le tribunal a pris connaissance de la jurisprudence fournie par les procureurs. [34]

[126]      Les relations sexuelles non consensuelles qu'un agresseur impose à une personne non en lien de filiation lorsque aussi intrusives, avec de semblables conséquences, justifient généralement une sentence de pénitencier ou qui s'en approche.

[127]      La relation incestueuse non consensuelle est d'autant plus objectivement grave qu'en plus elle s'inscrit dans un contexte d'abus de confiance et d'inconscience lourde quant à l'éventail des conséquences que subissent les victimes et quant à la gravité de la relation d'inceste et que cette situation durera 13 ans et que trois enfants naîtront de cette relation incestueuse désirée par l'accusé.

[128]      Les enfants nés de cette union ne peuvent servir de paratonnerre à l'accusé pour éviter l'imposition d'une peine de prison en pénitencier.

[129]      La multiplication durant des années de temps de ces relations incestueuses une première fois imposée et ensuite tolérées par une victime dans ce contexte de la poursuite de relations incestueuses constitue aussi, par la durée et la répétition de ces relations incestueuses, un facteur aggravant.

[130]      Il est vrai que c'est déjà une épreuve porteuse de dénonciation que le passage à la cour, que le regard social de réprobation. Les défenses et inhibitions intégrées en chacun, qui auraient généralement agi pour contrecarrer cet inceste, n'ont nullement opéré et la poursuite de la relation aura constitué une chape de plomb qui aura écrasé au moins la victime et qui menace désormais les enfants de l'accusé et de la victime.

[131]      Le risque d'alourdir ou plutôt de paraître alourdir le sort des enfants nés de cette union peut paraître vraisemblable. Le Tribunal ne doute pas que la vie, en raison des circonstances particulières de ces infractions, mettra à l'épreuve les enfants des parties, leur occasionnera des inconvénients, traumatismes, bouleversements, anxiété et des remises en question majeures.  Ces enfants sont issus de la relation boiteuse et inconsidérée de deux adultes qui auraient dû ne pas engager ni leur avenir, ni celui d'enfants issus de leur union dans cette malheureuse aventure. Il n'y a pas d'enfant qui ne soit pas d'importance dans une société. Le tribunal ne peut néanmoins pas les protéger des conséquences lourdes du comportement paternel qui doit être sanctionné. Ces enfants sont des victimes innocentes.

[132]      Ce n'est pas le fait que l'accusé et leur mère ont eu des enfants qui automatiquement justifierait une mesure d'incarcération ferme. À la limite, le sursis aurait pu être considéré. Néanmoins, il aurait fallu faire une évaluation dans la peine à rendre de l'impact de tous ces facteurs aggravants que sont toutes les années de relations incestueuses, les enfants nés de cette union en transgression volontaire et assumée du tabou de l'inceste, les conséquences lourdes dans la vie des victimes et une absence d'empathie, de compassion et de prise de conscience de la gravité de l'infraction.

[133]      Le tribunal souligne que la présente voie de sanction s'imposait avec cette première relation sexuelle non consensuelle. Une peine de pénitencier s'impose et aurait pu singulièrement être encore plus lourde avec les autres faits aggravants en l'instance.

[134]      L'accusé a trahi cette confiance que la société place en celui qui est père avec ses obligations, ses responsabilités, les frontières de comportement qui s'imposent comme convention sociétale voulue, comme obligation personnelle qui contre-indique toute transgression du tabou de l'intimité sexuelle par un père.

[135]      La peine de 3 ans recommandée par le Ministère public est raisonnable et constitue une mesure raisonnable et adéquate de sentence en l'instance. Il ne s'agit pas de la seule mesure de sévérité qui aurait raisonnablement pu être rendue. Elle est toutefois la mesure la moins contraignante que le tribunal croit approprié de rendre en l'instance.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL CONDAMNE L'ACCUSÉ À UNE PEINE DE TROIS ANS DE PRISON.

INTERDICTION À L'ACCUSÉ EN VERTU DE L'ARTICLE 109 DU CODE CRIMINEL, POUR UNE PÉRIODE DE 10 ANS, D'AVOIR EN SA POSSESSION DES ARMES À FEU, ARBALÈTES, ARMES PROHIBÉES, ARMES À AUTORISATION RESTREINTE, DISPOSITIFS PROHIBÉS, MUNITIONS PROHIBÉES ET SUBSTANCES EXPLOSIVES.

LE TRIBUNAL ORDONNE À L'ACCUSÉ DE SE SOUMETTRE AUX DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 487.051 DU CODE CRIMINEL ET AUTORISE LE PRÉLÈVEMENT DE SUBSTANCES CORPORELLES DE L'ACCUSÉ JUGÉES NÉCESSAIRES POUR ANALYSE GÉNÉTIQUE.

LE TOUT SANS SURAMENDE.

 

 

__________________________________

LOUIS A. LEGAULT, J.C.Q.

 

ME LOUISE BLAIS

PROCUREURE DU MINISTÈRE PUBLIC

 

ME KATIA LÉONTIEFF

PROCUREURE DE LA DÉFENSE

 

 

Dates d’audience :

Les 10 novembre 2009, 1er décembre 2010, 18 janvier, 4 mai et 22 novembre 2011

 



[1]    Rapport présentenciel du 22 septembre 2010 préparé par Monsieur Yannick Turcotte, agent de probation et en annexe le Rapport d'expertise psychiatrique du Dr Martine Bérubé, Clinique médico-légale de l'Université de Sherbrooke et le Rapport d'évaluation spécialisée en délinquance sexuelle de Madame Chantal Huot, Centre d'intervention en violence et agressions sexuelles de l'Estrie (CIVAS).

 

[2]    R. c. S (W.D.), 1994 CanLII 76 (CSC), [1994] 3 RCS 521; R. c CLI, 2008 CSC 2 (CanLII), [2008] 1 RCS 5.

[3]    Rapport présentenciel de Monsieur Yannick Turcotte, 22 septembre 2010, page 7, l'accusé «nous laisse entendre que la mère de la plaignante était une femme aux mœurs dissolues et que vu ces circonstances, il ne peut être assuré de son lien de filiation».Rapport du Dr Martine Bérubé, psychiatre, Clinique médico-légale de l'Université de Sherbrooke, page 4, «Il mentionne que la jeune femme (victime) en savait tout autant que lui sur le fait qu'il était possiblement son père…» et en page 5 «il mentionne qu'il étaient tous les deux consentants (contesté par la victime) et connaissant du lien direct de filiation».

[4]    Rapport de Monsieur Yannick Turcotte, page 3; rapport de Madame Chantal Huot, page 8, premier paragraphe.

[5]    Rapport de Madame Chantal Huot, page 4, 4e paragraphe, page 6, 4e paragraphe

[6]     Rapport de Madame Chantal Huot, précité, page 6.

[7]    Rapport de Madame Chantal Huot, précité, page 4, 4e paragraphe.

[8]    Rapport de Madame Chantal Huot, page 7.

[9]    Rapport du Dr Martine Bérubé, page 4.

[10]    Rapport de Madame Chantal Huot, page 5.

[11]    Rapport de Madame Chantal Huot, page 7.

[12]    Rapport de Madame Chantal Huot, précité, page 6.

[13]   Rapport de Madame Chantal Huot, page 6, 4e paragraphe.

[14]    Rapport du Dr Martine Bérubé, précité, page 4, 5 «… ils ont appris à se connaître et  ''qu'ensuite ça a été la passion'' Il mentionne que le couple aurait mis de côté le fait qu'ils étaient possiblement père et fille pour faire vie ensemble. … Il raconte qu'il aurait été content d'avoir les enfants…»

[15]    Rapport de Monsieur Yannick Turcotte, page 5 « Puis, en 1997, du jour au lendemain, il prétend que sa conjointe serait devenue une toute autre personne dont il avait peine à reconnaître. Il ne voit aucune raison à ce changement drastique … elle l'aurait accusé à tort de voies de fait, ce qui aurait entraîné la séparation du couple. Par la suite, elle aurait abandonné ses enfants raconte-t-il et se serait adonnée à la prostitution »; page 6, « … elle l'aurait accusé à tort de voies de fait, ce qu'aurait entraîné la séparation du couple. »

[16]    Rapport de Monsieur Yannick Turcotte, page 6; rapport de Madame Chantal Huot, page 8 « Quant à sa capacité d'introspection de même que celle à réfléchir et à remettre en question ses attitudes puis ses conduites actuelles et antérieures, elles nous semblent quelque peu limitées par sa tendance à se justifier. »

[17]    Rapport de Monsieur Yannick Turcotte, page 5.

[18]    Rapport de Monsieur Yannick Turcotte, page 6.

[19]    Rapport de Monsieur Yannick Turcotte, page 4.

[20]    Rapport de Madame Chantal Huot, page 12, niant l'agression sexuelle, « il n'hésite pas à la dépeindre négativement de manière à la discréditer. »

[21]    Rapport de Monsieur Yannick Turcotte, page 6.

[22]    Rapport de Monsieur Yannick Turcotte, page 7.

 

[23]    Rapport de Madame Chantal Huot, page 12.

[24]    Rapport de Madame Chantal Huot, page 13.

[25]    Rapport de Madame Chantal Huot, page 13.

[26]   Rapport de Monsieur Yannick Turcotte, page 4 «Ne remettant aucunement ses comportements en question, le sujet mentionne qu'il regrette uniquement que la situation a pris une telle ampleur au niveau judiciaire », ne regrettant ni cette relation incestueuse avec la victime comme il l'assume, mais aussi n'ayant aucune expression en aucun temps de remords ou regret d'avoir transgressé le tabou de l'inceste.

[27]    Rapport de Monsieur Yannick Turcotte, page 5.

[28]    Rapport de Madame Chantal Huot, page 8.

[29]    Rapport de Madame Chantal Huot, page 8.

[30]    Rapport de Madame Chantal Huot, page 8.

[31]    Rapport de Madame Chantal Huot, page 8, 2e paragraphe, page 6, 1er paragraphe. Page 8 « Il est le seul homme en qui ils ont confiance » page 12, « le genre d'individu qui se présente ainsi aux autres cherche à contrôler les comportements d'autrui pour satisfaire ses propres besoins sans empathie pour eux. Il estime pouvoir dire, faire et obtenir exactement ce qu'il veut, sans considérer ce qu'il en coûte aux autres, ce qui va dans la même direction que le narcissisme nommé précédemment. Il est donc à la fois exigent et dominateur…. Précisons que cela renforce indirectement la version de la victime qui va jusqu'à le percevoir comme un gourou. »

[32]    Rapport de Madame Chantal Huot, page 8.

[33]    Rapport de Madame Chantal Huot, page 14.

[34]    R. c. M… B…, 460-01-014239-069,sentence du juge François Marchand, en date du 28 juillet 2008: 2 ans moins un jour de prison avec sursis, fille majeure, père biologique sur sa fille majeure, R. c. Comtois, [1981] CA 247, relation sexuelle en une occasion avec sa fille consentante, 90 jours de prison; R. c. M… L…, 450-01-048475-078 et 450-03-007397-079, inceste sur sa sœur, enfant né de leur union, victime d'âge mineur, peine de 18 mois dans la collectivité; R. v D.A.H. (2003) 2003 CanLII 48216 (ON CA), 171 CCC (3d) 309, CA Ontario, 2 ans moins un jour pour actes répétés d'inceste par autochtone sur demi-sœur; R v G.A. [1998] OJ no 2037 9 mois avec sursis entre frère de 21 ans et sœur de 17 ans, une seule relation sexuelle; R v. R.P.F. (1996) 1996 NSCA 72 (CanLII), 105 CCC (3d) 435 (NSCA) un an de prison pour inceste par mère sur fils consentant; R. v. D.L.E. [1995] NJ 336 (Nfld S.C.) 39 mois de prison pour 4 ans de relations sexuelles par frère sur sa sœur alors âgée entre 13 et 17 ans; R. v. G.O.M. (1991) 62 CCC (3d) 0 (NWTCA) 5 ans pour viol avec violence de sa sœur durant 4 ans; R. c. Demers (1981) 1981 CanLII 3209 (QC CA), 63 CCC (2d) 351, 5 ans pour relations sexuelles par père avec sa fille durant 5 ans avec naissance d'un enfant; R. c. G.A. 1998 OJ no 2037 9 mois de prison avec sursis par frère de 21 ans sur sœur de 17 ans; R. c. R.P.F. (1996) 105 CCC (3d) 435 (NSCA) père incestueux avec fils adolescent consentant. Un an de prison; R. c. D.L.E. [1995] NJ no 336 (NFID SC) 39 mois de prison pour agressions sexuelles répétées sur ses sœurs entre 13 et 17 ans; R c. M.T.P. 1999 OJ 827; R. c. Clayton (1982) 1982 CanLII 3860 (ON CA), 69 CCC (2d) 81; R c. (S) M (1996) 1996 CanLII 17945 (BC CA), 111 CCC (3d) 467, 1997 SCCA no 500; R c. G.T. [2000] J.Q. no 4514 contacts sexuels entre accusé et filles, 15 mois avec sursis re une victime et 3 mois avec sursis re autre victime; référence à de nombreuses peines prononcées en matière de crimes sexuels impliquant père et enfant; R. c. G.C., [1982] OJ 69 CCC (2d) 81, sentence suspendue maintenue avec probation de deux ans avec opinion d'intérêt du Juge Cory alors en Cour d'appel de l'Ontario; R. v. M.S, 1984 BCJ no 1028 opinion d'intérêt.