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"L’Innocence des musulmans", Charlie Hebdo et les ravages du journalisme préventif

A Paris comme au Caire, on a annoncé le scandale mieux qu'on ne l'a couvert.

Par Christophe Ayad

Publié le 21 septembre 2012 à 16h01, modifié le 23 septembre 2012 à 15h42

Temps de Lecture 2 min.

Le consulat des Etats-Unis à Benghazi, en Libye, le 11 septembre 2012.

Depuis le début de la crise provoquée par la vidéo islamophobe L'Innocence des musulmans, les médias ont écrit à peu près sur tout : l'extrémisme copte, le danger salafiste, "l'arrogance" de l'Occident et "l'arriération" du monde arabe, le choc entre la civilisation du sacré et celle de la liberté d'expression, la différence entre chiisme et sunnisme, etc. Sur tout, sauf sur le traitement de cette affaire, relancée par les caricatures de Charlie Hebdo, par eux-mêmes.

Peut-on encore parler de journalisme quand la télévision égyptienne diffuse en boucle la vidéo concoctée par une poignée de coptes extrémistes aidés par des fondamentalistes chrétiens en Californie, alors même que personne n'en a entendu parler sur les rives du Nil ? Cette diffusion, suivie de débats et talk-shows, a fini par aboutir au résultat "souhaité" : une manifestation peu suivie (2 000 personnes dans une ville de 16 millions d'habitants), mais violente, autour de l'ambassade américaine au Caire.

Ce journalisme pyromane est l'exact pendant du journalisme préventif pratiqué de ce côté-ci de la Méditerranée, qui a consisté, pendant la soirée du 18 septembre, à tirer la sonnette d'alarme et à annoncer, à grands renforts d'éditions spéciales ou de titres racoleurs, les troubles à venir provoqués par les caricatures d'un journal satirique pas encore sorti dans les kiosques. Le journalisme consistant - en théorie, du moins - à rapporter des faits de la manière la plus exacte possible, on s'en est, en l'espèce, largement éloigné en confectionnant la bande-annonce d'un spectacle attendu, voire inconsciemment souhaité.

A Paris comme au Caire, on a annoncé le scandale mieux qu'on ne l'a couvert, en confondant une manifestation et une attaque planifiée par Al-Qaida contre le consulat américain de Benghazi, en sommant les politiques de réagir avant même que des troubles n'éclatent, en oubliant de mettre en exergue le peu d'écho rencontré par les appels à manifester. Comme si les chiffres, dont les médias, toujours en quête de faits quantifiables, sont si friands, étaient soudainement devenus vides de sens. Pour une fois, le monde arabe et l'Occident ont parlé à l'unisson. Et il n'y a, hélas, pas lieu de s'en féliciter.

Il ne s'agit pas ici de décerner des bons ou des mauvais points, mais de pointer une dérive qui consiste à annoncer les choses de peur de ne pas les avoir vues venir avant qu'elles surviennent. Et, au final, à les provoquer, par crainte qu'elles ne se produisent pas, puisque les médias, comme la nature, ont horreur du vide. Se souvient-on de la quasi-déception des commentateurs lorsqu'il s'est avéré que le "big bug" tant annoncé de l'an 2000 a fait un flop ? Toute cette couverture pour rien, tous ces envoyés spéciaux en pure perte, toutes ces apocalypses d'experts démenties, tous ces politiques sommés de réagir, d'annoncer des mesures et des plans...

Lorsqu'on fait de l'information un spectacle, ce dernier est au mieux décevant, toujours mauvais.

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