1976, une année dans le siècle

Publié le 28 avril 2016 - Bruno Colombari

Michel Hidalgo fait ses débuts et lance Six, Bossis et Platini contre les futurs champions d’Europe. Chirac démissionne de Matignon, Mao meurt, la terre tremble en Chine, Taxi Driver est sur les écrans et U2 se forme. Qui dit mieux ?

6 minutes de lecture

Le contexte historique

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Un tremblement de terre dévaste l’Amérique centrale et notamment le Guatemala et le Honduras en février, avec 100 000 morts et blessés. Un autre en Chine fin juillet fera 240 000 victimes. En Argentine, l’armée renverse Isabel Peron et le général Videla prend le pouvoir. Sept ans de dictature commencent et feront 30 000 disparus. Un an après la fin de la guerre le Viet Nâm est réunifié en une république socialiste soutenue par l’URSS. En octobre, après la mort de Mao, la bande des quatre est arrêtée par le comité central du PCC présidé par Hua Guofeng.

En Espagne, c’est la fin du franquisme, un an après la disparition du dictateur. Aux Etats-Unis, Jimmy Carter devient le 39e président américain, il succède à Gerald Ford. Le Premier ministre français Jacques Chirac démissionne en août, il est remplacé le lendemain par Raymond Barre. Au cinéma sort Taxi Driver de Martin Scorsese, 1900 de Bernardo Bertolucci et Rocky de John G. Avildsen. Alors que Téléphone sort son premier album, U2, The Cure et The Clash font leurs débuts.

Le contexte sportif

En Europe, c’est le Bayern Munich qui est hégémonique après le règne de l’Ajax. Depuis 1974, les coéquipiers de Franz Beckenbauer font la loi sur le continent et l’emportent pour la troisième fois en mai à Glasgow contre Saint-Etienne. Les Verts réalisent quant à eux le triplé en championnat mais lâchent la coupe de France qu’ils avaient remportée en 1974 et 1975. Enfin, le championnat d’Europe 1976 (qui pour la dernière fois, se joue à quatre chez l’un des demi-finalistes) est remporté, à la surprise générale, par la Tchécoslovaquie qui bat la RFA (tenante du titre et championne du monde) lors de la première séance de tirs au but en match international, avec celui, entré dans l’Histoire, d’Antonin Panenka.

Le sélectionneur en poste

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Nommé à la fin de l’année 1975 pour succéder à Stefan Kovacs dont il était l’adjoint, Michel Hidalgo est surtout connu pour son activité à la tête de l’UNFP — le syndicat des joueurs professionnels — dans les années 60. Sa carrière de joueur l’a vu passer par le Stade de Reims (avec lequel il a joué une finale de coupe d’Europe en 1956) et l’AS Monaco, avant d’entraîner l’équipe amateur de Menton en 1968. Son objectif avec les Bleus est de décrocher enfin une qualification en coupe du monde, après deux échecs cuisants en 1970 et en 1974. Bien malin qui pourra deviner, au début de l’année 1976, que le Nordiste restera pendant les quatre décennies suivantes comme le sélectionneur avec la longévité record à la tête de l’équipe de France.

Le récit de l’année

Tout commence donc dans l’indifférence générale au Parc des Princes devant moins de 10 000 spectateurs le 27 mars 1976. Eliminés de l’Euro, les Bleus affrontent la Tchécoslovaquie de Viktor, Ondrus et Nehoda. Privé des Stéphanois qui préparent le match européen contre le PSV Eindhoven, Michel Hidalgo fait preuve d’audace et convoque six nouveaux joueurs, dont trois vont porter les Bleus au sommet : Didier Six, Maxime Bossis et Michel Platini, 200 sélections au total. Patrice Rio, Gilles Rampillon et Robert Pintenat ne connaîtront pas la même réussite, mais qu’importe. Gérard Soler ouvre le score à la 17e, et Michel Platini réalise son premier coup d’éclat à la 73e quand les Bleus obtiennent un coup-franc indirect dans la surface. Il demande à Henri Michel, 47 sélections au compteur, de lui passer le ballon. Et il marque le premier de ses 41 buts en équipe de France. L’égalisation tchécoslovaque dans le dernier quart d’heure est anecdotique (2-2). Une étoile est née.


 

Un mois plus tard à Lens, c’est Henri Guérin qui est sur le banc (Michel Hidalgo est à Moscou avec les Espoirs) pour diriger les Bleus contre la Pologne, troisième à la dernière coupe du monde. Le milieu de terrain Synaeghel-Larqué-Guillou assure la maîtrise du jeu et cette fois, la défense dirigée par le Franco-Uruguayen Carlos Curbelo ne lâche rien face au jeune Boniek et aux expérimentés Deyna et Lato (2-0).


 

Fin mai à Budapest, Michel Hidalgo continue à expérimenter en ajoutant Platini à Larqué et Guillou dans un milieu à trois meneurs de jeu, déjà... Le test n’est pas concluant (0-1), avec il est vrai une attaque très moyenne (Emon, Pintenat, Sarramagna). Mais c’est un match de fin de saison sans grande importance.


 

Les choses sérieuses commencent à la rentrée, avec un ultime match amical à Copenhague contre le Danemark avant que ne commencent les éliminatoires pour le Mundial 1978. Menés au score au retour des vestiaire et dominés physiquement, les Bleus pensent s’incliner une nouvelle fois quand, à deux minutes de la fin, une faute sur Battiston dans la surface est sanctionnée d’un coup-franc indirect. Larqué passe à Platini qui marque son deuxième but en sélection (1-1). Raymond Domenech et ses grosses moustaches ont remplacé Gérard Janvion à la mi-temps.


 

Le 9 octobre à Sofia, il est indispensable de ne pas perdre contre la Bulgarie, l’une des deux bêtes noires de l’équipe de France (l’autre étant la Yougoslavie). Les Bleus sont en effet dans un groupe de trois (avec l’Eire) et tout se jouera sur seulement quatre rencontres. Michel Hidalgo aligne pour l’occasion un 4-4-2 avec deux récupérateurs (Synaeghel et Bathenay) et deux attaquants (Lacombe et Six), Platini évoluant derrière eux avec Jean Gallice à sa droite. A cinq minutes de la mi-temps, l’affaire semble pliée avec deux buts de Platini, encore sur coup-franc indirect (37e) et Lacombe de près (40e). Mais Bonev réduit la marque (1-2) juste avant le retour aux vestiaires. Rien n’est joué. Les Bleus laissent passer l’orage et comme ils sont supérieurs techniquement aux Bulgares, ils se créent une énorme occasion de break quand Platini est crocheté dans la surface par le gardien Krastev. Pénalty ? Non, décide l’arbitre écossais, un certain M.Foote. Sur le contre, les Bulgares égalisent de près par Panov en position de hors-jeu. Et à trois minutes de la fin, Hristo Bonev entre dans la surface française et s’affale sans avoir été touché. Pénalty. Mais comme cette équipe de France-là est née coiffée, le ballon sort du cadre et on en reste à ce 2-2 à la fois frustrant et prometteur.


 

En novembre, l’équipe de France retrouve la République d’Irlande qui lui avait barré la route de la précédente coupe du monde. Il y a donc de la revanche dans l’air, et comme Saint-Etienne a mis le vert à la mode, le quotidien sportif L’Equipe appelle les Français à soutenir les Bleus. Jacques Ferran : « Et puisque les Verts ont tracé le chemin qui conduit aux sommets internationaux, pourquoi les Bleus ne l’emprunteraient-ils pas ? ». C’est la première fois dans l’Histoire que le terme est employé pour la sélection française [1], et dans les travées du Parc, le public reprend en chœur des « Allez les Bleus ! » fervents. On les entend à 7’30 dans la vidéo du match intégral.


 

Si la première partie est équilibrée, avec le breton Raymond Kéruzoré au milieu avec Bathenay et Platini, les choses s’accélèrent après la pause avec Six qui contre Johnny Giles (sélectionneur-joueur, une originalité) et qui sert Platini, lequel marque d’un plat du pied au second poteau. Les Bleus pensent faire le break juste après avec un tir victorieux de Marius Trésor, refusé pour une faute de main peu évidente du libéro marseillais. Les Irlandais croient de leur côté avoir égalisé car sur un centre de Stapleton, Givens trompe Baratelli de la tête, mais l’arbitre refuse le but pour un hors-jeu que personne n’a vu. C’est finalement Dominique Bathenay qui mettra tout le monde d’accord avec une lourde frappe du gauche dont il a le secret en toute fin de match (2-0). Avec trois points sur quatre possibles, l’affaire est bien engagée pour l’équipe de France.


 

La révélation de l’année

Aucun suspense, on ne va pas faire dans l’originalité : même si le défenseur nantais Maxime Bossis ou l’ailier gauche valenciennois Didier Six sont d’incontestables révélations, ils ne peuvent concurrencer les éclatants débuts de Michel Platini. Parti pour jouer surtout les Jeux Olympiques de Montréal à l’été, le meneur de jeu nancéen s’installe au milieu de terrain des Bleus dès le mois de mars, marque sur coup franc contre les futurs champions d’Europe et débute onze ans d’une fabuleuse carrière internationale. A vingt ans et neuf mois, il est déjà une évidence. Il marque encore à Copenhague en septembre, puis à Sofia en octobre, puis contre l’Eire en novembre. Cinq sélections, quatre buts dont trois sur coup franc. On n’avait pas vu pareil phénomène depuis les débuts de Kopa, en 1952.

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Les joueurs de l’année

Pour sa première année, Michel Hidalgo a ratissé très large : 32 joueurs appelés en seulement six rencontres. Et parmi eux, pas moins de 12 débutants ! Alors, forcément, avec un tel brassage, il y a des échecs : trois d’entre eux ne connaîtront pas de deuxième sélection (Farès Bousdira, Gérard Farison et Francis Meynieu), et deux autres termineront leur carrière internationale la même année que leurs débuts (Carlos Curbelo et Robert Pintenat).

Et sur les six autres, deux ne feront pas beaucoup mieux (Raymond Kéruzoré et Gilles Rampillon). Deux autres, Olivier Rouyer et Patrice Rio, atteindront les 17 sélections. Mais les trois derniers vont s’avérer être des coups de maître, on l’a vu plus haut : lancer Didier Six, Maxime Bossis et Michel Platini lors du même match, c’est du grand art. Jean-Pierre Adams, Jean-Michel Larqué, Jean Gallice et Christian Sarramagna feront pour leur part leurs adieux aux Bleus.

Les buteurs de l’année

Georges Lech a marqué trois buts, Hervé Revelli et Philippe Gondet deux, Yves Herbet, Fleury Di Nallo, Hector De Bourgoing, Gérard Hausser, Bernard Blanchet et Joseph Bonnel un. L’absence d’un véritable buteur s’est faite lourdement sentir.

Carnet bleu

Naissances de Patrick Vieira (23 juin, photo), Ludovic Giuly (10 juillet) et Nicolas Gillet (8 novembre). Décès de Maurice Depaepe (11 avril).

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[1Comme le révèle Didier Braun sur son blog Une autre histoire du foot.

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