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Une Cerisaie qui ressemble à Tchernobyl

A Garnier, Philippe Fénelon propose une adaptation glacée et étriquée de la pièce de Tchekhov.

Par Pierre Gervasoni

Publié le 28 janvier 2012 à 14h41, modifié le 28 janvier 2012 à 19h07

Temps de Lecture 2 min.

La Russie semble de mise dans les créations lyriques à l'Opéra national de Paris. A l'honneur en 2011 avec Akhmatova, du jeune Bruno Mantovani, elle l'est encore en 2012 avec La Cerisaie du chevronné Philippe Fénelon. Présenté en première audition au Palais Garnier, vendredi 27 janvier, le sixième opéra de ce compositeur français né en 1952 s'inspire en effet de la pièce éponyme d'Anton Tchekhov et repose sur un livret russe (Alexei Parine) défendu par une distribution de même nationalité.

Qu'on prononce le nom de Tchekhov devant un amateur de musique contemporaine et il citera immédiatement Trois soeurs du Hongrois Peter Eötvös, immense réussite de l'opéra des années 1990... Hélas, il ne suffit pas de faire chanter les personnages du grand dramaturge slave pour fournir un équivalent musical à son univers d'intense psychologie. La nouvelle production de l'Opéra national de Paris le prouve de la première à la dernière minute d'un spectacle qui se cherche pendant près de deux heures. Rares sont les moments de justesse artistique...

Vaste propriété que le moujik Lopakhine a rachetée à la noble mais désargentée Liouba, la Cerisaie devient un improbable territoire de rêves pour les protagonistes (de Firs, l'ancien valet de chambre, aux enfants de Liouba) et de fantasmes pour les maîtres d'oeuvre de l'opéra.

Lourds symboles

Dans les décors de ramures givrées de Jean-Pierre Vergier, elle ressemble plus à une forêt sibérienne ayant souffert du voisinage de Tchernobyl qu'à un domaine entretenu pendant des décennies. Qu'il accueille un bal (début du premier acte) ou une suite de confessions sentimentales (second acte), ce cadre aux lourds symboles (de vent et de glace) ne sollicite pas l'imaginaire du spectateur.

La mise en scène de Georges Lavaudant non plus. Eclairés (et souvent aussi habillés) en noir et blanc, les acteurs sont déplacés, plutôt que dirigés, comme les pièces d'un échiquier. Posés devant des meubles recouverts de draps, alignés dans une diagonale stratégique, doublés par des mimes grotesques, Liouba, Lionia, Ania, Varia et les autres éprouvent en long et en large le vide de leur situation. Si le plateau paraît trop grand pour eux, la fosse semble en revanche trop petite pour la musique de Philippe Fénelon dont la partition sonne parfois comme la bande-son d'un film avec accord parfait tenu pour sacraliser un mot ou un instant.

Grand amateur d'opéra et fin connaisseur des travaux de ses prédécesseurs, le compositeur se plaît à multiplier les mises en abyme. Il en résulte une musique sans portée et artificielle. Que Fénelon se soit pris de passion pour ses personnages, cela ne fait aucun doute, mais il ne nous permet de frémir avec lui que lors de très brefs passages intimistes (à base d'effectifs restreints). Pour un délicat solo de clarinette, combien de séquences surchargées (flonflons de la danse ou entrées canoniques) ? Et le chant n'échappe pas à ce constat. Uniformément dramatique, il passe pour un simple faire-valoir d'excellents interprètes (belle Liouba d'Elena Kelessidi, remarquable Varia d'Anna Krainikova). On eut aimé au fond moins d'intellect et plus d'abandon.


La Cerisaie

(création scénique), opéra de Philippe Fénelon. Jusqu'au lundi 13 février. Palais Garnier, place de l'Opéra, Paris 9e. De 10 € à 140 €.

Tél. : 08-92-89-90-90.

Operanationaldeparis.fr

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