Récit : Plongée dans la secte du Mandarom, la cité sainte nichée dans les montagnes du Sud de la France

Fondée en 1969 par le « messie cosmoplanétaire » Gilbert Bourdin, la secte du Mandarom s’est installée non loin de Castellane, en Provence-Alpes-Côte-d’Azur. La cité sainte, dotée d’imposantes statues et de temples, a plusieurs fois défrayé la chronique.
Alain BENAINOUSGammaRapho via Getty Images
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Nichée dans les montagnes des Alpes-de-Haute-Provence, une cité résiste. Voilà plusieurs décennies que la secte du Mandarom s’est imposée dans le paysage du département, non loin de Castellane. Pourtant, leur présence ne plaît guère. Le 30 avril 2021, le groupe a été définitivement condamné par la justice française à remettre en l’état une partie de la colline du Verdon, qu’ils ont aménagée en installant un temple-pyramide de 33 mètres de haut, malgré l’annulation d’un permis de construire en 1992. Une bataille judiciaire qui ne cesse de faire parler dans le Sud de la France et intrigue d’autant plus lorsqu’on regarde d’un peu plus près les personnes qui séjournent sur place.

Alain BENAINOUS/Gamma-Rapho via Getty Images

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Le siège mondial de l’aumisme

En 1960, Gilbert Bourdin, un martiniquais très bien renseigné sur le yoga et la naturopathie, réalise un séjour en Inde dans l’ashram d’un maître spirituel. Il devient Swami Hamsananda Sarasvati, alias « le messie cosmoplanétaire ». Revigoré par son voyage, il rentre en France deux ans plus tard et s’isole dans une grotte du Vaucluse où il pratique la méditation dans des traditions proches de celles des moines tibétains. Après avoir exercé en tant que professeur de yoga dans des centres qu’il a lui-même créés, il finit par fonder en 1969 la cité sainte que l’on connaît aujourd’hui, « Mandarom Shmabasalem », à Castellane. D’un point de vue spirituel, les lieux incarnent le siège mondial de l’aumisme, qui consiste à pratiquer des « Batailles Terrestres et Cosmiques », pour « mettre fin au règne du mal cosmique ». Ainsi, toutes les religions sont rassemblées en une seule et même croyance, tandis qu'un édifice est érigé pour chacune d’elle. Le dogme revendique alors « l’Unité des visages de Dieu ». Autrement dit, une seule présence supérieure est reconnue. Sur place, un Bouddha assis de 22 mètres de haut a été érigé en 1981. Il serait, d’après les adeptes du mouvement, sa plus grande représentation dans le monde occidental.

Certains aménagements n’ont pas été construits en toute tranquillité. En effet, le mouvement reçoit en 1992 un permis de construire pour un temple-pyramide de 8000 m2 et de 33 mètres de haut, finalement annulé. Cette décision ne les empêche pourtant pas de lancer de nombreux travaux, leur permettant d’ériger une immense statue du « messie cosmoplanètaire », à l’effigie de Gilbert Bourdin. Dans la foulée, un écologiste nommé Robert Ferato, par le biais de son association, attaque en justice la cité et l’emporte. La sculpture est dynamitée le 6 décembre 2001 et s’écroule dans un nuage de poussière.

Alain BENAINOUS/Gamma-Rapho via Getty Images

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Une association cultuelle reconnue

Mais qu’en est-il des personnes vivant sur place et du groupe qu’elles forment ? Considéré comme une secte à partir de 1995, le mouvement du Mandarom a finalement été requalifié en 2008. Lors d’une interview, le président de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires a estimé que certains groupes étaient « rentrés dans les clous » et seraient moins dangereux, en citant notamment la secte du Mandarom, rapporte Le Monde. Depuis 2009, après une brève dissolution, cette dernière est officiellement devenue l’association cultuelle du « Vajira triomphant », dont l’objet se résume au « culte de l’âge d’or ». Mais la France, qui ne reconnaît pas se statut, a été condamnée en 2013 par la Cour européenne des droits de l’Homme à verser 4 millions d’euros à la cité, pour « entrave à la liberté de penser, de conscience et de religion ».

Si l’aumisme déclare viser « l’équilibre du corps et de l’esprit », il recommande notamment à ses adeptes de préserver leur santé en pratiquant le végétarisme, le hatha yoga, les arts martiaux ou encore la naturopathie. Lorsqu’ils ne se préoccupent pas de leur bien-être, les adeptes de la secte du Mandarom suivent les recommandations de Gilbert Bourdin, qui les somme de chasser « les lémuriens de Pluton » la nuit, à l’aide de pistolets en plastique. Une mission bien précise pour une personnalité atypique, qui s’est également retrouvée au centre d’une procédure judiciaire en 1995 et en 1996. Accusé de viol par deux anciennes adeptes qui étaient mineures au moment des faits, il n’a jamais été jugé car il décède finalement en 1998, après avoir souffert de diabète et de la maladie de Parkinson.

Alain BENAINOUS/Gamma-Rapho via Getty Images

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En 2014, la secte du Mandarom revendiquait plus de 1200 membres dans le monde, dont un tiers se situe dans le Sud de la France. Le reste des adeptes serait réparti dans une dizaine de pays, dont les États-Unis, la Belgique et le Québec. Près de Castellane, ils seraient encore aujourd’hui une dizaine à vivre dans la cité. Depuis la mort du gourou, c’est Christine Amory-Mazaudier, une chercheuse en physique au CNRS et à Polytechnique, qui a repris le flambeau sacré et vit tout en harmonie et en prières avec ses semblables. La majorité d’entre eux attendent d’ailleurs aujourd’hui le retour du messie : Gilbert Bourdin.