Les raisons du déchaînement de violence des dernières années entre bandits de Serbie et du Monténégro demeurent parfois mystérieuses. Fusillades dans les cafés, explosions de voitures, cadavres retrouvés dans les rues de Belgrade, de Kotor ou de Podgorica, sans compter un nombre inconnu de disparus : sept années de « guerre » des gangs, d’assassinats et de vengeances ont fait au moins cinquante morts.
Les principaux déclencheurs sont cependant connus, tous deux intervenus en 2014. D’une part, la disparition d’au moins 200 kilos de cocaïne dans le port espagnol de Valence a apparemment commencé à diviser le cartel dirigé par Darko Saric et marqué l’éclatement de la « guerre de Kotor » entre deux bandes rivales, le clan de Skaljari et le clan de Kavac. D’autre part, l’arrestation de Saric lui-même aurait ouvert une guerre de succession entre ses plus fidèles – qui dirigent son empire pendant qu’il est en prison – et des ambitieux rêvant de plus d’autonomie et des profits qui l’accompagnent.
La guerre des gangs a pris davantage d’ampleur deux ans plus tard, en 2016, après l’assassinat d’Aleksandar Stankovic, dit « Sale Mutavi » (« Sale le Muet »), le chef du gang des Janjicari (« les janissaires »), formé par des supporteurs ultras du club de football belgradois Partizan. Traditionnellement, en Serbie, les groupes d’ultras sont un vivier pour la pègre, comme ils le furent pour les milices paramilitaires durant les guerres des années 1990.
L’icône de ce monde parallèle fut, durant le règne du président et chef de guerre Slobodan Milosevic (1989-2000), Zeljko Raznatovic, dit « Arkan », chef des supporteurs de l’Etoile rouge, l’autre club de football de Belgrade, puis des Tigres d’Arkan, un groupe paramilitaire ayant œuvré sur ordre de la police secrète serbe. Arkan, inculpé comme Milosevic de crimes contre l’humanité par la justice internationale, a été assassiné à l’Hôtel Intercontinental de Belgrade, peu avant la chute du président serbe, par un tueur ayant comme lui un flingue de bandit dans une main et un badge de la police dans l’autre.
Depuis la chute du communisme et les guerres d’ex-Yougoslavie, les mafias balkaniques se sont tellement développées qu’elles sont désormais considérées comme un acteur majeur du crime organisé international. Les gangs serbes, monténégrins et albanais, qui ont commencé à prospérer il y a trois décennies à partir des trafics d’armes et de cigarettes, sont désormais au cœur de l’arrivée de la cocaïne sud-américaine en Europe. Ils trafiquent également de l’héroïne et produisent de la marijuana et des drogues de synthèse. Leurs profits sont tels qu’ils ont investi de larges pans de l’économie légale.
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