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Benjamin Millepied en fait-il trop ?

Par Par Annick Cojean

Publié le 17 décembre 2011 à 00h00, modifié le 17 décembre 2011 à 00h00

Temps de Lecture 16 min.

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Vif, félin, solaire. On le sent prêt à bondir, tout en énergie et en bonheur de vivre. Prêt à rire aussi, joyeux, espiègle. Il piaffe, des fourmis dans les pattes, mille projets dans la tête. Deux amours -- une compagne, un petit garçon de 6 mois - qui l'obsèdent, le bouleversent, avec lesquels il veut passer du temps. L'envie de mordre la vie, le maximum de vie. Elle est, dit-il, tellement « intense »« Oui, vraiment ! »

. Qu'importe la ville où il se pose, qu'importe le continent. Il est à l'aise partout. C'est ainsi. Benjamin Millepied danse et fait danser les autres. Il fait ce pour quoi il pense être né. Et sa mère confirme : le couffin dans la salle de danse où elle donnait des cours, à Dakar, au son du tam-tam ; le gamin de 3 ans s'avançant spontanément pour sautiller au milieu d'une troupe de Casamance ; l'écolier sortant en hâte du collège pour travailler tous les soirs à la barre, des heures durant. Il danse et crée des chorégraphies, fou de musique et d'image. A New York, Paris, Genève, Londres, Moscou, Los Angeles. La danse pour le partage et le plaisir. La danse comme une pulsion et comme une fête. Comme en Afrique, cette terre d'éveil. Et il se dit heureux.

Et pour une fois il prend l'air grave.

Les photographes s'obstinent à traquer le sérieux que peut prendre son regard pour exalter l'allure d'un romantique anxieux. Foutaise ! Il leur donne ce qu'ils souhaitent, acteur doué et capteur de lumière. C'est un pro en toutes choses et le spectacle l'enchante. La marque Yves Saint Laurent en fait son égérie et un spot d'Air France un prince dansant ? Il feint de s'étonner : « C'est assez inattendu de jouer au mannequin ! » Inattendu ? Une jolie gueule attire forcément la lumière... Il s'offusque : « Si c'était la question, ils auraient choisi quelqu'un d'autre ! Le but est d'associer un danseur à l'image d'un artiste ouvert à tous les arts comme Saint Laurent. Je trouve ça plutôt classe. Pour Air France, c'est encore plus simple : je danse ! Tout ce qui rapproche la danse du grand public m'apparaît positif. »

L'Afrique, donc. En 1977, au tout début. Pas très longtemps, à peine quatre ans. Pourtant ce continent l'habite. Il en a capté la vie, la chaleur, le rythme, la force, la fièvre. Il a 3 mois quand ses parents y débarquent. Le père athlétique, force de la nature, champion de décathlon et entraîneur sportif, aventureux en diable ; la mère, petite, très fine, qui, découvrant à 13 ans le film West Side Story en compagnie du garçon qu'elle épouse à 15, décide, éblouie, qu'elle consacrerait sa vie à la danse et crée, dès son arrivée à Dakar, une école de danse contemporaine et africaine ; deux frères aînés, posés, qui deviendront musiciens. La maison est joyeuse et ouverte aux amis. Le père joue du piano, de la guitare et chante volontiers. Les voisins, eux, sont fous de percussions. Doudou N'Diaye Rose, issu d'une famille de griots et star absolue des musiciens d'Afrique, grand maître des tambours, capable de diriger plus de cent batteurs sur des rythmes différents, habite juste à côté et imprègne les nuits chaudes de ce quartier de Dakar. C'est d'ailleurs l'un de ses fils qui accompagne au sabar - ce tam-tam qui se joue avec une main et une fine baguette - les cours de danse de la maman. « Musique et danse étaient indissociables, dit Benjamin. Le désir de danser venait de ce goût pour la musique qui envahissait la tête, le coeur, le corps. Danser, depuis toujours, me semble si naturel ! »Le bébé, puis l'enfant, assiste à tous les cours de la maman et sans doute se met-il un jour debout à seule fin de pouvoir danser. Aucune timidité, aucune inhibition. Il se mêle aux élèves, aux danseurs, aux musiciens ; bouge près des tam-tams, bondit, rebondit, se tortille. La liberté et la joie de ces premières années ne le quitteront jamais. « Je me suis souvent demandé pourquoi, parmi tous les danseurs d'une promotion, il en est un qui s'impose et fait la différence, confie Dimitri Chamblas, qui fut son compagnon d'internat au conservatoire de Lyon et qui est devenu son producteur pour ses projets liés à l'image. Eh bien, pour Benjamin, c'est sans doute cette racine africaine. Quand les petits gars de l'Opéra de Paris enfilaient des collants, apprenaient rigueur et discipline, enchaînant les exercices marqués par la contrainte, lui, il commençait au rythme des percussions par une danse de tripes, de dépense, de plaisir. Il a plus tard assimilé les exigences de la danse classique. Mais il n'a jamais perdu cette liberté et cette fête du début. Il reste ce gamin aux pieds nus. »De retour près de Bordeaux, la maman ouvre, dans la maison familiale, une nouvelle école de danse. Et Benjamin en devient le pilier, attentif, passionné. « Il avait 4 ans, se souvient-elle. J'organisais un petit spectacle, et il m'a dit : "Je vais faire ma chorégraphie, choisir ma musique et mes costumes ; je veux que tu ne t'occupes de rien !" Il a choisi La Mort du cygne de Saint-Saëns, s'est fait fabriquer un costume par mes élèves, a installé un tabouret dans les coulisses et hop !, il a sauté sur scène pour danser un solo. Son premier grand succès ! » Il n'a peur de rien, danse dans tous les spectacles, petit lutin joyeux. Il fait de la musique aussi, comme tout le monde à la maison. Un frère est flûtiste, un autre guitariste. Lui apprend la batterie. Toujours les percussions. Et puis il fait du sport. Foot, athlétisme. La technique l'intéresse. Il observe, décortique le mouvement et le geste parfait, capte et sait parfaitement reproduire. « Mon père me demandait parfois de montrer la technique du saut à des athlètes de saut à la perche, même si j'arrivais beaucoup moins haut. J'adorais cela. Que mon corps soit une éponge. Essentiel dans la danse. »

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