Publicité

Une Carmen désincarnée

Carmen (José Maria Lo Monaco) habite un quartier chaud de Paris où elle évolue dans le monde des revues de music-hall. Stofleth

À Lyon, Olivier Py signe une mise en scène très spectaculaire, mais le chef dirige la partition à la serpe et les chanteurs sont dépassés.

Jamais content, le critique d'opéra? Syndrome de l'agriculteur tout aussi mécontent, qu'il pleuve trop ou pas assez? Théorème de la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine? C'est l'impression que l'on a après la nouvelle Carmen à l'Opéra de Lyon. On sortait de plusieurs représentations lyriques dont la tiédeur scénique ne parvenait pas à rehausser une exécution musicale de haut niveau. À Lyon, on espérait bien qu'Olivier Py allait prendre les choses en main et nous en mettre plein la vue. Vœu exaucé au centuple, mais… patatras! Cette fois, c'est la qualité musicale qui n'était pas au rendez-vous! Et voilà que pour des raisons diamétralement opposées l'émotion ne s'installe pas davantage. Juste histoire de confirmer que la réussite d'une représentation d'opéra tient à l'alchimie entre de multiples paramètres.

Olivier Py, avec son décorateur, Pierre-André Weitz, dont le nom ne devrait pas être inscrit en dessous de celui du metteur en scène, a réalisé un spectacle littéralement éblouissant, étourdissant même. Transposant Carmen dans le monde des revues de music-hall, dans un quartier chaud de Paris où le commissariat de police fait face à un hôtel borgne, il joue jusqu'à satiété des ressources du décor tournant où illusion et réalité s'entrelacent jusqu'à ne plus se démêler.

Ce monde, où les personnages sont en représentation, est le prétexte à un déluge d'images qui conservent leur cohérence narrative, même si la production souffre d'une certaine lourdeur, celle du dispositif même: les mouvements giratoires du décor sont bruyants et finissent par détourner l'attention de la musique. Py est un pléthorique, un peu plus de retenue n'aurait pas nui à un propos qui reste virtuosissime et bigarré.

Voix instable et peu contrôlée

Si la musique n'y trouve pas son compte, c'est aussi parce que le chef Stefano Montanari, venu du baroque, dirige la partition si subtile de Bizet à la serpe, ne laissant jamais respirer la mélodie et l'harmonie. Et parce que la distribution fait souffrir l'amoureux d'opéra français. D'abord parce que la Carmen de Josè Maria Lo Monaco et le Don José de Yonghoon Lee chantent dans un volapük plus scandaleux encore sur une scène française, mais aussi parce que la voix monochrome de la première et l'émission laryngée du second s'accompagnent d'une absence totale d'incarnation des personnages. L'Escamillo de Giorgio Caoduro est dépassé par les événements, seule la Micaëla de Nathalie Manfrino, appelée au dernier moment, sauve l'honneur du chant français, avec toutefois une voix instable et peu contrôlée. Les oreilles à Strasbourg et Toulouse, les yeux à Lyon: quel théâtre saura réconcilier nos sens écartelés?

Opéra de Lyon, jusqu'au 9 juillet. www.opera-lyon.com

Une Carmen désincarnée

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
1 commentaire
    À lire aussi