Un roman de jeunesse inédit de Perec refait surface

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Un roman de jeunesse inédit de Perec refait surface

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Portrait de Georges Perec datant du 25 octobre 1965.
Portrait de Georges Perec datant du 25 octobre 1965.
© AFP - UPI

Son "premier roman abouti ". Ce sont par ces mots que Georges Perec désignait Le Condottière, qui vient de paraître au Seuil trente ans après la mort précoce du très célèbre oulipien.

Le Condottière
Le Condottière

> Retrouvez ces jours-ci sur France Culture plusieurs émissions consacrées à Perec et au* Condottière* : - La Lecture du soir des 27, 28 et 29 février - La Grande Table du 1er mars - Mauvais genres du 3 mars

  1. Perec a vingt ans et se lance dans l'écriture du Condottière , un roman qu'il termine en 1960. Malheureusement, après avoir été successivement refusé par les comités de lecture du Seuil et de Gallimard , le tapuscrit tombe dans l'oubli.

En 1966, Georges Perec déménage et le jette par mégarde, l'ayant confondu avec de vieux papiers. L'écrivain, très attaché à ce livre datant d'avant sa période oulipienne et sa grande notorieté - il commence à être connu seulement après que Les Choses a reçu le prix Renaudot, en 1965 -, regrettera toute sa vie ce moment de distraction.

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Au début des années 1990, une copie du tapuscrit est retrouvée par David Bellos, biographe de Perec, chez un ancien journaliste, Alain Guérin. Alors, pourquoi Le Condottière paraît-il seulement aujourd'hui ? Maurice Olender , qui en a dirigé la publication, explique que les ayants-droits se sont longtemps interrogés sur ce qu'il convenait de faire de cette oeuvre ressurgie.

Le Condottière met en scène Gaspard Winckler, un faussaire de génie sous la coupe d'un personnage, Anatole Madera. Il s'est engagé à réaliser pour lui un faux *Condottière, * semblable à tout point de vue à l'original peint à la Renaissance par Antonello de Messine. Malgré son talent et le mal qu'il se donne, Winckler ne parvient pas à réaliser cette toile et décide de supprimer son commanditaire afin de recouvrer sa liberté. Tout le livre est une sorte de méditation du personnage sur le sens de son geste. On y voit, par flashs successifs, quelques éléments de sa vie et de celle des personnages qu’il fréquente.

Marcel Bénabou
Marcel Bénabou

Nous avons rencontré Marcel Bénabou , écrivain, historien et membre de l'Oulipo qui fut un grand ami de Perec. En 1960, il avait eu l'opportunité de lire une version antérieure du tapuscrit, qui s'intitulait alors Gaspard pas mort :

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Photo : Marcel Bénabou © RF/ Hélène Combis-Schlumberger

Marcel Bénabou et Georges Perec
Marcel Bénabou et Georges Perec

C'est à l'hiver 1958, en pleine guerre d'Algérie, que Georges Perec avait fait la connaissance de Marcel Bénabou. Ce dernier, un peu plus jeune que lui, était encore étudiant en hypokhâgne au lycée Louis-le-Grand de Paris. A cette époque, les jeunes gens avaient pour projet commun de créer, avec d'autres camarades, une revue d'esthétique néo-marxiste - pourtant en rupture complète avec l'idéologie du Parti Communiste.

D'après Marcel Bénabou, *Le Condottière * témoigne véritablement des préoccupations qui nourrissaient l'ébullition intellectuelle de ce petit groupe :

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"Le héros du Condottière est un peu la projection de Perec lui-même. Il reprendra le nom de Gaspard Winckler plusieurs fois, surtout dans W ou le Souvenir d'enfance. Ce personnage qui est un faussaire, qui vit dans l’illusion, la tromperie, va accomplir un acte gravissime : un meurtre. Mais ce crime va être le début de sa libération. On comprend très bien qu’un jeune écrivain qui souhaite incarner cet idéal de maitrise du monde ait choisi, avec beaucoup de soin, ce type de héros et ce type d’histoire à raconter. ", affirme Marcel Bénabou qui ajoute en riant : "C’est assez drôle de voir Le Condottière présenté comme un polar car, à part le crime, il n’y absolument rien de polar là dedans ! "

Depuis ses dix-huit ans, Georges Perec se voulait écrivain, n'hésitant pas à se présenter comme tel avant même ses premières publications. Le peu d'intérêt manifesté par les éditeurs pour Le Condottière le rendit si amer, qu'en décembre 1960, il écrivait à son propos, à son ami Jacques Lederer : "merde à celui qui le lira (...). Le laisse où il est pour l'instant du moins. Le reprendrai dans dix ans, époque où ça donnera un chef-d'oeuvre ou bien attendrai dans ma tombe qu'un exégète fidèle le retrouve dans une vieille malle t'ayant appartenu et le publie ".

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Tapuscrit du Condottière
Tapuscrit du Condottière

Qu'on ne s'y trompe pas, ce roman n'est pas un génial et magnifique inédit. Mais il a une indéniable valeur du point de vue de l'histoire littéraire perecquienne et intéressera vivement les amoureux de l'auteur de La Vie mode d'emploi :

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