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Embouteillages monstres, travaux secrets… 6 arguments faux contre le « plan vélo » de Paris

Avec la réduction à une voie pour les véhicules motorisés sur les berges de la Seine, la polémique sur la place de la voiture dans la capitale fait émerger nombre de contrevérités.

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Publié le 06 septembre 2017 à 13h46, modifié le 06 septembre 2017 à 16h09

Temps de Lecture 22 min.

Sur la nouvelle piste cyclable qui longe la Seine, à Paris, le 4 septembre.

La rentrée politique a coïncidé dans la capitale avec la rentrée des polémiques. En cause, le « plan vélo 2015-2020 », voté… en 2015 et dont la maire de Paris, socialiste, Anne Hidalgo, assure qu’il sera mis en place avant la fin du mandat en 2020, mais qui commence à s’appliquer, avec l’installation de nouvelles pistes cyclables. Diversement appréciées, sinon des Parisiens, du moins d’une part des journalistes de la capitale.

Ainsi, la rentrée 2017 a réservé une place de choix à la question, avec des éditoriaux, comme celui d’Alba Ventura sur RTL, ou des prises de positions sans nuance de personnalités politiques. L’objectif du plan est de faire passer Paris de 700 km de voies cyclables à 1 400 km en 2020, et, ce faisant, de basculer une partie des déplacements vers le vélo (de 5 % à 15 % en cinq ans).

Précisons par honnêteté que l’auteur de ces lignes fait partie des utilisateurs quotidiens de la « petite reine ». Néanmoins, partisan ou non de la bicyclette, on peut revenir sur beaucoup d’arguments anti-« plan vélo ».

1. Non, le « plan vélo » n’a pas été « lancé en secret » et a même été voté à l’unanimité

Parmi les reproches des adversaires de la maire de Paris, celui d’imposer un projet voté en catimini. On peut ainsi lire dans L’Opinion, sous la plume de Nicolas Beytout, que Mme Hidalgo « s’épanouit dans l’action coup de poing » et de « travaux lancés en secret ».

Le principe du « plan vélo » était inscrit dans le programme de la maire lors des municipales 2014, pas de surprise donc (page 62 de « Paris qui ose ») : « Le kilométrage des pistes cyclables sera aussi doublé, avec de grands itinéraires continus : une voie nord-sud, une voie reliant les bois, une autre sur les Champs-Elysées, une grande rocade autour de Paris et des liaisons vers la métropole par les portes de Paris, le long des voies ferrées et de la Seine. »

Le vote du plan vélo lors des séances des 13 et 14 avril 2015, comme annoncé dans le compte rendu municipal, s’est effectué à main levée et à l’unanimité, précise le journaliste du Monde Olivier Razemon, qui assistait au vote : « Il n’y a pas eu d’opposition, et Hidalgo a annoncé, après avoir un peu hésité, “à l’unanimité”. »

A la suite du vote, « des élus de droite étaient en salle de presse pour se féliciter du résultat », dont Philippe Goujon (LR), Maud Gatel (UDI-MoDem) ou Edith Gallois (UDI-MoDem), précise notre confrère. Lors de la discussion du texte, Jean-François Legaret – maire Les Républicains du 1er arrondissement – « avait émis des réserves quant à la piste rue de Rivoli mais n’avait finalement pas voté contre le plan », se rappelle M. Razemon.

Difficile donc de parler d’une surprise ou d’un plan voté en cachette.

2. La mairie et la région proposent bien des alternatives

« L’anticipation et la concertation ne font pas partie des plans », a-t-on pu entendre sur RTL, ou « aucune alternative n’est proposée » parmi les détracteurs de la politique municipale, peut-on lire dans Le Parisien. Il existe pourtant des alternatives, très nombreuses, à l’automobile à Paris et dans la proche banlieue :

  • 3 890 km de lignes de bus, avec des couloirs réservés pour fluidifier leur passage ;
  • la Ville de Paris est la première capitale d’Europe la mieux dotée en matière de transports en libre-service (Autolib’, Vélib’, etc.), avec 105 vélos pour 10 000 habitants et 19 voitures pour 10 000 habitants, rapporte Le Parisien ;
  • la ville propose des aides à l’achat d’un véhicule propre (Paris et proche banlieue) ;
  • Paris dispose d’un métro de grande qualité : 100 % de la population est couverte par un moyen de transport en commun à moins de 1 km ;
  • Enfin Paris et la petite couronne bénéficient d’un tramway périphérique – dont la construction est presque terminée – et qui reliera à terme tous les arrondissements périphériques.

Comme le rappelait La Tribune en 2014, comparée à Londres par exemple, Paris brille par une capacité moyenne trois fois supérieure dans ses rames – jusqu’à atteindre saturation sur certaines lignes aux périodes de pointe. Le vélo est justement une des alternatives aux transports en commun, si des pistes cyclables sont en nombre suffisant.

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Et avec un ticket à 1,90 euro (14,90 euros le carnet de 10), Paris propose un service meilleur marché que la capitale britannique (tarif variable mais situé globalement entre 3,80 euros et 6,50 euros selon la formule). Enfin, selon le bilan des déplacements 2014, 97,9 % des métros sont à l’heure ; un chiffre qui baisse à 87,5 % pour le RER et 88,6 % pour le Transilien, le bus s’en sort un peu mieux avec 90,6 % de ponctualité.

3. Non, le « plan vélo » n’a pas créé les embouteillages

« Cette politique met les nerfs en vrille des usagers de la route pris dans des embouteillages croissants », peut-on lire dans Le Figaro, ou des « embouteillages parfois créés sciemment » sur Atlantico.fr sans pour autant fournir de preuves.

Pourtant, le fait de réserver un peu plus d’espace à Paris aux piétons et aux vélos n’a eu qu’un léger impact sur la formation des bouchons, comme le confirment les études, puisqu’il « fallait 10,5 minutes pour traverser le boulevard Saint-Germain le matin en décembre 2015 [contre] 12,1 minutes en décembre 2016 », soit une minute et trente-cinq secondes de plus, environ 10 %, après une période en novembre 2016 où le temps est monté à 14,8 minutes explique Le Parisien. Des chiffres avec un recul d’un an qui semblent accréditer la thèse de « l’évaporation » d’une partie du trafic défendue par l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France : moins de voies = moins d’automobiles.

Par ailleurs, la circulation à Paris est un problème presque aussi ancien que la capitale française elle-même : le 10 mai 1610, Henri IV est assassiné par Ravaillac rue de la Ferronnerie car la royale voiture est bloquée par… un encombrement de charrettes. La situation empire manifestement à partir des années 1960, et ce malgré la refonte du paysage parisien pour faire circuler plus d’automobiles, avec la création des voies sur berges, ou quand, en 1964, le gouvernement envisageait de transformer le canal Saint-Martin en autoroute urbaine.

La situation ne semble guère s’améliorer en 1999 quand Canal+ réalise Autofolies, un documentaire sur les embouteillages à Paris rempli de discussions fleuries entre usagers de la route. Jusqu’à 2017 où pour la rentrée, la députée Aurore Bergé (LRM) a réalisé une vidéo en direct en longeant la piste cyclable qui longe les berges du 16arrondissement. La porte-parole du groupe LRM à l’Assemblée y commente avec ironie l’absence de cyclistes… sur une piste qui n’a pas encore été ouverte à la circulation, comme l’a rappelé Christophe Najdovski, maire adjoint aux transports :

4. Non, favoriser le vélo ou les transports en commun plutôt que l’automobile n’est pas une mesure « anti-pauvres »

« Interdire les véhicules anciens revient à chasser les pauvres de Paris », pouvait-on lire dans Le Monde en juin 2016 sous la plume du réalisateur François Margolin, ou dans Le Figaro, où Eloïse Lenesley estime que « ce sont les défavorisés qui trinquent ; ceux qui habitent en banlieue ».

Les chiffres donnent tort à tous les deux, puisque selon un sondage réalisé par MV2 auprès de 1 127 usagers de la route en novembre 2015 pour la Mairie de Paris, 64 % des automobilistes qui circulent dans le centre de Paris appartiennent aux catégories socioprofessionnelles supérieures (CSP+).

Par ailleurs, selon le même sondage, 80 % des automobiles circulant dans le centre de Paris ne transportaient qu’une seule personne.

5. Ce sont les automobiles qui ralentissent les véhicules de police ou de secours, pas les voies cyclables

Dans une lettre adressée à la maire de Paris au début d’août 2017, le préfet de police de Paris s’est inquiété de la transformation d’une voie de circulation automobile en piste cyclable à double sens. Michel Delpuech y déplore « l’arrêt et le stationnement de véhicules de livraison, de dépannage qui régulièrement neutraliseront l’usage de la voie bus [qui est aussi la voie des secours] » mais dont le caractère « libre pour la circulation » doit être garanti par… le préfet de police.

Les voies cyclables à double sens, à l’image de celle du bassin de l’Arsenal ou des voies sur berges piétonnisées, sont également des voies d’urgence et peuvent être empruntées par les véhicules de secours.

6. Ce sont les voitures qui prennent toute la place

« Il n’y en a plus que pour les vélos », peut-on entendre dans la rue ou « la voiture c’est le diable [pour Hidalgo] » sur RMC ou encore « dogmatisme aveugle » dans Le Figaro. Et pourtant, s’il y a une politique de rééquilibrage en faveur des piétons et des vélos, celles qui occupent tout l’espace à Paris, ce sont les automobiles : elles occupent 50 % des espaces publics pour seulement 13 % des déplacements. Et elles restent inutilisées 95 % du temps, selon Data Gueule.

Dans la rue, une Clio (1,7 m × 4 m) occupe 7 m2 bien qu’elle soit qualifiée de citadine, face aux 7,6 m² du plus « compact » des SUV (1,78 m × 4,3 m), et parfois plus de 9 m² pour une berline (1,9 m × 4,8 m). En comparaison, un vélo n’a qu’une emprise au sol de 1 m² (60 cm × 1,75 m)… et les voies qui lui sont réservées dans la capitale représentent modestement 3 % de la totalité de l’espace public.

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