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Cent Paroles d’Aix, journal local alternatif

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Billet de blog 23 janvier 2012

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El Gusto ou l’espoir que la musique devienne un prélude à la paix

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Grand retour d’un orchestre composé de musiciens juifs et musulmans, séparés par l’histoire et qui, 50 ans plus tard, se retrouvent pour faire revivre leur passion de la musique chaâbi.IIs ne se sont pas revus depuis 50 ans, depuis la guerre d’Algérie.

Ils sont Juifs ou Arabes. Ils jouent du violon, de la mandoline, du piano, du luth, de la derbouka, du banjo … Ils aiment chanter cette musique qui fait oublier la faim, la soif et la misère qu’ils transcendent en joie de vivre. C’est ce qu’ils appellent El  Gusto.

Le documentaire de Wim Wenders Buena Vista Social Club avait fait connaître dans le monde entier les gloires de la musique afro-cubaine. Une réalisatrice algérienne de 30 ans a suivi la même démarche que le réalisateur allemand.

Safinez Bousbia, jeune femme irlando algérienne, en se promenant dans la Casbah en 2003, achète un jour un simple petit miroir peint dans l’échoppe d’un vieux monsieur ; ils sympathisent et il lui raconte sa vie d’avant, quand il jouait de l’accordéon dans le grand orchestre chaâbi dirigé par Sheik EL ANKA dans les années 50. L’aventure de ces grandes retrouvailles, on la doit à cette jeune femme, qui, bouleversée, part à la recherche de ces hommes, témoins d’un monde enfoui, séparés par la vie et la guerre. Elle en fera un film documentaire qui ravive la mémoire de cette musique qui avait le don de dépasser les différences religieuses et culturelles et où elle fera se rencontrer ces vieux musiciens pour les faire parler et jouer le chaâbi, la musique née dans la Casbah d'Alger dans les années 20.

Intitulé El Gusto (mot d'origine espagnole intégré dans le dialecte algérois, signifiant passion, goût, plaisir), son documentaire est l'aboutissement d'un long chemin : deux ans de recherche, puis deux ans de tournage. Il mêle témoignages des anciens musiciens, à Alger, Paris ou Marseille, répétitions dans la salle de classe de l'époque, et déambulation dans la basse Casbah

Le chaâbi

Pour  reconstituer  le même orchestre que celui des 40 musiciens de la 1ère classe de chaâbi au Conservatoire d’Alger, il s’agit de construire à nouveau une passerelle entre Alger la Blanche et Marseille la RadieuseC’est l’histoire d’hommes qui ont été les porteurs  d’une culture musicale, crée dans les années 20 par le grand maître  du chaâbi :  Sheikh El Anka. Ainsi, en 2012, grâce à El Gusto,le fils du dieu du chaâbi  Abdelhadi Halo, chef d'orchestre, se confronte aux derniers survivants de cette mémoire, qui renouent eux-mêmes avec leur jeunesse à 70 ans, voire 80 ans et plus

Le chaâbi (musiquepopulaire en arabe) est un style qu'on peut qualifier de révolutionnaire dans le sens où il a rendu la musique arabo-andalouse, considérée comme savante, accessible au plus grand nombre. Les premiers fondateurs du chaâbi, El Hadj Mrizek, Cheikh Nador et surtout El Hadj M'hamed El Anka, ont construit ce nouveau style en s'inspirant de la structure de la musique arabo-andalouse, et en introduisant de nouveaux rythmes et des textes de la poésie populaire.

« Quand on parle du chaâbi, c'est la musique d'Alger, et surtout, de la Casbah », explique Ahmed Bernaoui, chanteur et joueur de mandole (l'instrument roi du genre).

Cette musique avait également une dimension politique

car elle a permis à la société algérienne de se réapproprier une partie de sa culture, écrasée par la domination coloniale française. Quand la musique chaâbi est née, cela faisait un siècle que la France occupait l'Algérie.

Pendant la guerre d’Indépendance, les paroles des chansons en arabe véhiculaient des messages codés …

L'autre particularité de cette musique est qu'elle avait des adeptes aussi bien chez les Algériens que chez les Européens (Pieds-Noirs).

Renaissent les souvenirs d'une époque où musiciens juifs et musulmans parlaient le même langage, mais aussi les traumatismes et déchirements engendrés par la guerre d'Algérie.

« Étant juif et faisant de la musique arabe, on m'a dit qu'on était en guerre, qu'il ne fallait plus que je chante en arabe, raconte le guitariste pied-noir Luc Cherki. Mais je ne pouvais pas, c'était mon grand kif à moi ».

El Gusto en concert

Lors de leur première tournée, notamment à Londres, Paris ou Marseille, la presse a bien exprimé l'émotion ressentie par le public.

Voir le concert de l'orchestre El Gusto, c'est partager un grand moment d'émotion.

Les musiciens de l'orchestre représentent respectivement différentes écoles de la musique chaâbi des années 1940-1950 de la scène ''underground'' de la ville d'Alger. Par conséquent, ils s’honorent de présenter un orchestre composé de vieux maîtres du chaâbi, compagnons de rangs de la classe de la première école de musique chaâbi.

Pionniers de cette musique, mais aussi auteurs de certaines de ses plus belle mélodies, si généreux sur scène, ils retrouvent enfin la reconnaissance dont ils ont été privés, il y a 50 ans. Ils sont issus de cafés, d'échoppes d'artisans, de la casbah ainsi que de tous les lieux où a été jouée, écoutée et admirée cette musique.

Voir : http://www.youtube.com/watch?v=8incLTxVuqc

El Gusto présente un magnifique orchestre d'envergure qui transpose la joie et la bonne humeur des quartiers populaires.

Une seule note à la mandole, l'instrument de base de cette musique introduit le rythme sur lequel s'enchainent les banjos, les percussions, les violons ainsi que les autres instruments. L'orchestre entraine ainsi le public entre joie et mélancolie. Le public est ainsi transporté entre les grands classiques, véritable patrimoine, hérité des poésies écrites au 15ème siècle, et les chansons populaires du terroir, celles des pêcheurs, des dockers et des barbiers, tous amoureux de cette même musique. En plus du documentaire  sorti en France le 7 janvier, un disque a été enregistré en public à Marseille en 2007, lors du concert des retrouvailles entre ces musiciens. Deux concerts les 9 et 10 janvier 2012 à Paris au Grand Rex ont accompagné la sortie du documentaire. Ils ont réuni une bonne partie des musiciens du film, mais pas tous, car depuis le tournage en 2006 et 2007, quatre sont morts, et deux tombés gravement malades.

Que cette aventure très émouvante nous fasse espérer que l’art réussisse là où le reste a jusqu'ici échoué et devienne  un prélude à la paix

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