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Castellane: la secte du Mandarom définitivement condamnée à remettre en état un pan de colline

Près de trois décennies après le début des procédures, la secte basée dans les Alpes-de-Haute-Provence est définitivement condamnée à remettre en état en pan entier de colline dans le Verdon. 

C’est peut-être la fin d’un feuilleton judiciaire qui n’a que trop duré. La cour de cassation de Paris a définitivement condamné la secte du Mandarom à remettre en état un pan entier de la colline du Verdon sur la commune de Castellane. Selon les informations de BFM DICI, la cour de cassation a confirmé en octobre 2020 le verdict de la cour d'appel de Grenoble, rendu deux ans plus tôt.

Dans les années 90, la secte du Mandarom a fait ériger un temple-pyramide contre l'avis du Conseil d'État. Depuis, de nombreux habitants se battent pour que les adeptes de l’Aumisme remettent en état un morceau de colline défiguré par des constructions spirituelles. Dans son arrêt datant du 30 octobre 2018, la Cour d’Appel avait estimé que les travaux pour cette construction avaient été réalisés non seulement "en contravention avec le Plan d'occupation des sols (POS)" mais aussi "au mépris des règles d'urbanisme" entraînant ainsi "une atteinte grave tant à la sécurité qu'à l'environnement". 

A la condamnation, s’ajoutait aussi un versement de 50.000 euros de dommages et intérêts et de 20.000 euros pour les frais de justice à une association de défense de l'environnement (l’Association Interdépartementale et Intercommunale pour la Protection de la Retenue de Fontaine l'Evêque). 

"Cela fait 28 ans que ça dure"

Suite à cette condamnation, la secte du Mandarom s’était pourvue en cassation. Cour qui a donc confirmé les sanctions. 

"C’est un vrai soulagement pour nous. Nous ne lâcherons pas. Nous irons jusqu’au bout. Cela fait 28 ans que ça dure, alors je reste déterminée. La secte rendra tout ce qu’elle a pris au Verdon et à ses habitants" témoigne sur BFM DICI, Josette Ferrato, membre de l’association qui s’est rendue encore sur place ces derniers jours pour constater que la secte n’avait, pour l’instant, entrepris aucun travaux. 

"Aujourd'hui, le Vajra triomphant a réglé pour partie les dommages et intérêts, mais à notre connaissance, il n'a pas entrepris les travaux de remise en état, conformément au rapport d'expertise" explique Catherine Cohen-Seat, avocate historique des riverains. "L'arrêt était clair. 500 euros de pénalité par jour de retard. Et le retard a commencé en décembre 2019. Au 15 avril 2021, nous sommes à 497 jours et 248.500 € de pénalité" énumère Catherine Cohen-Seat. 

S'il a épuisé tous ses recours judiciaires, le Mandarom peut encore saisir la Cour Européenne des Droits de l'Homme. Une cour qui avait déjà été saisie dans les années 2000. En 2013, la France avait même été condamnée par la CEDH pour des redressements fiscaux qui ont porté atteinte, selon la cour, à la liberté de religion.

"C'est peut-être ce qu'il fera. Depuis le départ, le Varja estime que nous ne respectons pas le droit de croyance. En tout cas, s'il n'y a pas d'exécution des travaux, nous pourrons saisir le Juge de l'exécution de Grenoble. Tout simplement pour faire appliquer la loi" conclut l'avocate des époux Ferrato.

Le Mandarom déplore "des injustices patentes"

Contacté, le Mandarom ne voit pas la situation de la même manière. "En tant que minorité religieuse à l’égard de laquelle la discrimination de l’Etat français a été reconnue par la CEDH en 2013, et même si nous n’avons reçu aucun argent pour le préjudice commis, nous savons que lorsque les injustices sont patentes, il y a heureusement des procédures qui offrent un espoir de les faire cesser" explique Christine Amory, présidente de l'Association du Vajra Triomphant. 

"Nous poursuivons donc, non pas un quelconque 'combat judiciaire', mais bien les voies de recours et de droit qui nous permettent de défendre pacifiquement notre dignité et la possibilité d'exercer notre religion" ajoute-t-elle.

Les travaux de remise en état vont-ils débuter et quand? Le Mandarom va t-il s'acquitter des pénalités de retard? La CEDH sera t-elle saisie de nouveau? Ni l'association, ni leur avocat (Maître Renaud-Jean Chaussade de Delsol Avocats), n'ont pour l'instant répondu à nos sollicitations sur ces points. 

"Castellane n'était connue que par le Mandarom"

De son côté, la municipalité de Castellane ne connaît que trop bien le dossier. "Durant des années, Castellane n'était connue que par le Mandarom. Là, depuis la mort de Gilbert Bourdin, qui était considéré comme le gourou, notre commune est de nouveau connue pour ses attraits naturels et touristiques" se félicite Bernard Liperini, maire de la commune. 

Un maire qui reconnaît ne pas pouvoir faire grand-chose pour faire rénover la montagne. "Notre devise, c'est la loi et rien d'autre. Ce que je peux affirmer, c'est que plus aucune construction ne se fera sur ce site de la Baume. Le PLUI (Plan Local d'Urbanisme Intercommunal) doit entrer en vigueur avant la fin de l'année".   

Aujourd'hui, une dizaine de personnes vivent encore au Mandarom. Une communauté fondée par Gilbert Bourdin en 1969 pour "mettre fin au règne du mal cosmique".  Dès 1977, la communauté a entrepris des travaux pour élaborer un site où toutes les religions sont représentées (un "Temple Lotus" de 11 mètres de haut, un Bouddha assis ou une statue de 17 mètres de haut du " Christ cosmique").

La statue du gourou dynamitée il y a 10 ans

Il y a vingt ans tout juste, le 6 septembre 2001, une statue de 33 mètres représentant le gourou, considéré comme "messie cosmoplanétaire", était dynamitée devant de nombreuses caméras. Une statue qui, selon les riverains, "avait été installée en toute illégalité en 1990". "Faux" rétorque les membres du Mandarom en brandissant "documents et permis de construire".  C'est en tout cas à cette époque que les époux Ferrato avaient déposé une plainte pour que cette statue soit détruite.

La statue géante à l'effigie de Gilbert Bourdin, dynamitée en 2001.
La statue géante à l'effigie de Gilbert Bourdin, dynamitée en 2001. © BORIS HORVAT

Depuis 1992, le projet d'un temple-pyramide est porté par les membres du Mandarom, qui se sont donc heurtés à la combativité de Robert et Josette Ferrato, ainsi que de nombreux autres riverains. 

Gilbert Bourdin, considéré comme le gourou des troupes, est décédé en 1998. Il a fait l'objet de plaintes pour "viols et agressions sexuelles", déposées par deux anciennes membres du Mandarom. L'action publique a néanmoins été abandonnée suite au décès de Gilbert Bourdin, qui n'a donc jamais été reconnu coupable de ces faits. 

Valentin Doyen