Bourbon-Lancy - Loto du patrimoine De l’Hôtel du pou volant à la Maison Sévigné

En plein cœur du quartier médiéval, la maison Sévigné attire l’œil des passants, car rarement des pans de bois ont été si soigneusement sculptés. Depuis presque cent ans, une famille a décidé de la sauver. Isabelle Cimetière représente la 3e  génération à se battre quotidiennement pour elle. Le loto du patrimoine peut l’y aider.
Meriem SOUISSI - 10 juil. 2018 à 05:00 | mis à jour le 30 janv. 2019 à 16:01 - Temps de lecture :
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Cela fait trois générations de Cimetière à aimer et préserver la maison Sévigné, qui fut pour certains des sept enfants de Gaby Cimetière leur maison natale.  Photo Meriem SOUISSI
Cela fait trois générations de Cimetière à aimer et préserver la maison Sévigné, qui fut pour certains des sept enfants de Gaby Cimetière leur maison natale. Photo Meriem SOUISSI

« Mon père est tombé amoureux de cette maison, il devait avoir 7 ans », explique Isabelle Cimetière, devant la façade de cette maison Sévigné aux pans de bois si finement sculptés qu’ils tranchent avec les habituelles demeures du genre. Le quartier dans lequel se trouve la maison n’a plus rien à voir avec ce qu’il était autrefois, fleuri, pimpant, soigneusement entretenu. « Ce quartier est si mal famé que mon père n’avait pas le droit d’y entrer. » Pourtant, à la faveur d’un incendie qui mobilise les adultes, Gaby Cimetière s’y faufile et c’est ainsi que naît le coup de foudre pour la maison qui pourtant n’est pas au mieux de sa forme.

De riches hôtes, des têtes couronnées et des indigents

Celle qui a dû accueillir de riches seigneurs et peut-être des têtes couronnées est devenue “l’Hôtel du pou volant” comme l’ont surnommée les habitants. Bourbon-Lancy est depuis longtemps une ville d’eau réputée. On lui prête des vertus sur la fertilité des femmes, et Catherine de Médicis y vient si souvent qu’elle engendrera dix marmots. Mais des vertus de l’eau ou de celles du beurdin, les avis divergent.

Dans les années 20, la maison abrite une dame qui loge des indigents. Et de pauvres à pouilleux, le pas est vite franchi. En 1852, un incendie a privé la demeure d’un étage, le toit rafistolé fuit, les murs sont lépreux. Et pourtant, un antiquaire parisien prend idée d’acheter cette maison et sa voisine, pour les dépecer et vendre les bois aux USA. « Le Touring-club prévient la mairie de Bourbon, qui a son tour prévient le ministre des Beaux-arts qui classe d’office la maison le 20 avril 1921 », explique la propriétaire. Elle est donc sauvée mais toujours en mauvais état. Et en 1933, Gaby Cimetière convainc son père, entrepreneur dans le bâtiment, de l’acheter pour la sauver. La passion pour la demeure devient familiale. « Mon père et mon grand-père ont fait un travail de titans dans cette maison, en la consolidant avec des tirants. Elle n’a pas de fondation, elle est juste posée sur le rocher et donc très fragile aujourd’hui encore. »

Gaby Cimetière, devenu antiquaire par passion, en fait sa maison de jeune marié puis son magasin. Il met sa patte dans toute la rue, peint un enduit fausses briques en face, installe la fontaine et son petit Bacchus, sculpte volontiers quelques poutres, dessine le beurdin du beffroi et crée ainsi, en plus de la maison, un ensemble cohérent et un écrin pour son bijou de bois. En 1977, Pierre Lagarde, producteur de l’émission Chef-d’œuvre en péril, distingue le quartier et son restaurateur. C’est enfin une reconnaissance du travail effectué.

Âme du quartier et vedette des touristes

Elle est aujourd’hui l’emblème de Bourbon, celle qu’on n’oublie pas pour les photos de mariage ou les publications touristiques. Et même si on ne visite pas l’intérieur qui ne garde que quelques pans de bois, bien plantée sur la rue, elle s’offre à la vue de tous et des touristes qui multiplient les selfies ou prennent un malin plaisir à tirer la sonnette figurant joyeusement un beurdin sculpté par un autre Cimetière. Gaby a eu sept enfants, il y en a toujours un pour donner la main.

Aujourd’hui encore les désordres de construction continuent, il faut faire vite car elle reste fragile. Il faut reprendre la toiture pour faire cesser les infiltrations. Un projet soutenu par la Direction régionale des affaires culturelles a pour but de reprendre la pente d’origine de la toiture tout en gardant la charpente. Les travaux sont urgents, il faut donc trouver l’argent.