Il faut cesser de parler de Benjamin Beilman comme d'«un génie de 19 ou 20 ans». Né le 25 novembre 1989, le jeune violoniste américain avait donc 20 ans lorsqu'il remporta le Concours international de Montréal en juin 2010. Mais il aura - déjà! -- 22 ans dans quelques jours.

Donc, ni 19 ou 20 ans, mais 22. Pour ce qui est du «génie», il faut être prudent. Les génies, comme les chefs-d'oeuvre, sont plus rares qu'on ne pense. Invité par le Festival Bach de Montréal, il complétait l'intégrale des Sonates et Partitas pour violon seul dont l'Allemande Isabelle Faust avait donné les deux tiers la semaine dernière. Il jouait la première Sonate et la première Partita au centre d'un programme complété par - et dans cet ordre - la sixième et la troisième des six Sonates avec clavier. En nous reportant à l'époque de Bach, «clavier» signifie ici clavecin. Mais cette partie était jouée au piano par le jeune Coréen Yekwon Sunwoo, partenaire habituel du violoniste.

À cet égard, on imagine la surprise du grand Johann Sebastian qui, en ouvrant le programme de «son» Festival, apprend qu'il est l'auteur -- et je cite -- de «Sonates pour violon et piano». Bach connut le pianoforte de Silbermann, mais le nom de l'instrument n'était pas encore abrégé en «piano». Le seul «piano» qu'utilisa Bach -- encore que rarement --, est le terme de dynamique opposé à «forte».

Par ailleurs -- et c'est là une notion élémentaire de musicologie -- , Bach a bien indiqué ces sonates «pour clavier et violon», c'est-à-dire que le violon vient s'imbriquer, en quelque sorte, dans l'écriture de clavier. L'importance que Bach accorde au clavier est d'ailleurs illustrée dans la sixième Sonate. Un mouvement entier y est confié au clavier seul; il comporte deux reprises et le pianiste les exécuta toutes les deux.

 L'impression laissée par ce récital se ramène à peu de chose. M. Beilman traversa son programme avec une articulation et une justesse à peu près irréprochables, mais sans imagination et sans style précis, évitant d'ornementer les reprises ou les omettant tout simplement. Au violon seul, le niveau de la pensée était très inférieur à celui de la semaine dernière. Dans les oeuvres à deux instruments, on se surprit plus d'une fois à écouter surtout le piano, incisif et pénétrant. Peut-être Bach l'a-t-il voulu ainsi?

BENJAMIN BEILMAN, violoniste, et YEKWON SUNWOO, pianiste. Mardi soir, salle Bourgie du Musée des beaux-arts. Dans le cadre du cinquième Festival Bach de Montréal.

Programme :    

Sonate pour clavier et violon no 6, en sol majeur, BWV 1019

Sonate pour violon seul no 1, en sol mineur, BWV 1001    

Partita pour violon seul no 1, en si mineur, BWV 1002    

Sonate pour clavier et violon no 3, en mi majeur, BWV 1016