culture | critique L’euphorisant symphonisme de Théodore Gouvy

Georges MASSON. - 11 janv. 2012 à 05:00 - Temps de lecture :
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Ce fut une re-création. Jacques Mercier, le directeur artistique de l’Orchestre National de Lorraine, vient de boucler la boucle de son intégrale des six symphonies de Théodore Gouvy en terminant, c’est curieux, par les deux premières, à la tête de la Deutsche Radio Philharmonie de Sarrebrück-Kaiserslautern. Parfait symbole de la double culture de ce compositeur né prussien, lycéen messin, naturalisé français, mort à Leipzig et inhumé à Hombourg-Haut où il vécut dans la Villa familiale devenue l’Institut qui porte aujourd’hui son nom et qui abrite ses œuvres. Au rebours des compositeurs français du XIX e siècle qui se sont investis plus particulièrement dans le répertoire lyrique, Gouvy, installé à Paris, avait choisi a contrario, une forme de continuation de la filière orchestrale allemande assez peu explorée chez nous sinon par Berlioz, Franck, Lalo et Saint-Saëns. Ce qui ne veut pas dire qu’il pompait chez Haydn, mais qu’il mâtinait les deux tendances, avec un charme et une limpidité toute latine, dont l’enregistrement qu’en a réalisé Jacques Mercier (chez C.P.O.) reflète cette dualité stylistique, lui, le Lorrain, qui navigue si bien, musicalement parlant, de l’une à l’autre des deux rives du Rhin. Encore que, sous sa baguette, la gémination qui apparaît dans l’opus 9 en mi bémol comme dans l’opus 12 en fa, datés des années 1845, semble donner la primauté à la dentelle hexagonale, plus qu’à la pâte sonore souvent attribuée à la tradition germanique.

Fourmillantes échappées sonores

Ce fut une découverte, certes, mais elle n’était pas inattendue. La structure générale de la première symphonie ne se départit pas du schéma classique bien biseauté, et révèle la nature toute de primesaut d’un musicien de vingt-six ans, qui se repaît de formules convenues et cependant agréables et que l’oreille anticipe. Tout comme l’ouïe devance les montées en échelles harmoniques et l’inusable processus des lignes ascensionnelles, comme elle se délecte des effluves mendelssohniennes, et, de temps à autre, du grand geste sonore à la Carl-Maria von Weber. Mais ne boudons pas notre plaisir, même si l’Allegro initial ne comporte pas de développements, bien que le second thème s’en distingue par une double accélération, celle du tempo et de la rythmique, habile et dynamique. Au second mouvement, l’Andante penche vers le Lied en phase avec le romantisme ambiant. Et le Final est tout d’alacrité et d’effusion, comme on en retrouvera dans ses symphonies ultérieures. Plus fouillée que la première, la seconde ne se départit pas d’une carrure beethovénienne tout en s’émancipant du moule viennois, baignant dans ce bienheureux optimisme, suivi d’un Scherzo tournant en boucle et fourmillant de ses échappées sonores. L’Andante est plus intériorisé, mais sans la profondeur interrogative de Ludwig van, et développe ses longs phrasés avant d’aborder son Final nécessairement pétillant.

L’écoute de ces œuvres qui sortent des limbes après un long purgatoire, est savoureuse et euphorisante, de par la touche que leur apportent les pupitres rhénans, d’habitude plus appuyés, et qui répondent bien aux pulsions et impulsions que leur imprime la baguette du chef. On retrouve cette ardeur juvénile dans les symphonies plus tardives, dans lesquelles. Théodore Gouvy a toutefois mûri sa plume.