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Terre errante - Gwennaël Gaffric nous parle du nouveau Liu Cixin
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Terre errante - Gwennaël Gaffric nous parle du nouveau Liu Cixin

A l'occasion de la parution de Terre errante le nouveau récit de Liu Cixin le 15 janvier prochain aux éditions Actes Sud, nous avons posé quelques questions à son traducteur Gwennaël Gaffric.

Actusf : Terre errante de Liu Cixin sort ce mois-ci aux éditions Actes Sud et vous en êtes le traducteur. Pouvez-vous nous dire quelques mots au sujet de son intrigue ?

Gwennaël Gaffric : Des astrophysiciens ont découvert que le Soleil subira bientôt un « flash de l’hélium », qui entraînera la destruction de notre planète.
La nouvelle raconte comment l’humanité se prépare à fuir cette catastrophe, en transformant la Terre en vaisseau spatial !

Actusf : Ce texte est-il en lien avec la trilogie du Problème à trois corps ? Y-a-t-il des thèmes communs ? Lesquels ?

Gwennaël Gaffric : Les deux œuvres ne se situent pas dans le même univers, et la trilogie (2006-2010) est postérieure à la publication de « Terre errante » (2000). Il y a cependant des thématiques communes, comme cet intérêt pour ce qui se passe « avant » la catastrophe : la manière dont l’humanité s’organise, s’associe, se divise et finalement se transforme dans l’attente d’un bouleversement qu’elle ne peut déjà plus contrecarrer.

Actusf : Est-ce des thématiques récurrentes dans la sf chinoise ? Pourquoi ?

Gwennaël Gaffric : C’est toujours un peu piégeux de vouloir essayer de définir ce que seraient les particularités « nationales » d’une littérature. Liu Cixin lui-même, par exemple, se défend souvent d’être « représentatif » de la SF chinoise. Mais il y a un courant de hard SF en Chine assez visible avec des auteurs comme Liu Cixin, Wang Jinkang ou Jiang Bo.
Pour ce qui est de la SF chinoise en général, je pointerais deux spécificités, mais il y en a d’autres : la relative rareté de dystopies sociales, mais c’est une particularité moins culturelle que politique, en raison d’un contrôle plus intense du contenu des textes (il n’y a qu’à voir du côté de Hong Kong et de Taïwan) et, ensuite, peut-être même surtout par rapport à la SF américaine, un usage bien moindre de la figure du personnage providentiel, du sauveur messianique, relativement absente chez Liu Cixin, et dans ses nouvelles en particulier, comme « Terre errante ».

Actusf : Terre errante a été adaptée en film pour Netflix en 2019 (The Wandering Earth). Est-ce une adaptation fidèle ? Savez-vous si l’auteur a participé au projet ?

Gwennaël Gaffric : L’adaptation a pris beaucoup de libertés, avec l’aval de l’auteur (du moins c’est ce qu’il a dit publiquement). Il a aussi rencontré plusieurs fois le réalisateur et le producteur.
Le film remplit aussi un cahier des charges qui n’était clairement pas celui de la nouvelle, publiée il y a vingt ans, ce qui en fait à mon avis un film plus intéressant d’un point de vue sociologique qu’artistique.

Actusf : Liu Cixin écrit en chinois et vous traduisez en français. Quelles sont les difficultés ? J’imagine que les figures de style, la poésie ou même le rythme doivent être très différents. Comment travaillez-vous ?

Gwennaël Gaffric : À chaque texte (et à un degré moindre, chaque auteur) sa stratégie. Pour faire simple, parce que je pourrais écrire des centaines de pages sur la question, traduire du chinois vers le français présente l’inconvénient et l’avantage de devoir faire des bonds un peu plus loin qu’entre des langues plus proches. Le mauvais côté, c’est que cela demande un effort de réécriture assez important, mais le bon côté – qui l’emporte largement à mon avis – c’est de bénéficier d’un éventail de choix très large, et d’avoir la liberté de tenter, d’expérimenter.
Je crois que ce qui importe avant tout, c’est de faire en français ce que le texte que l’on traduit fait à sa langue. Par exemple, Liu Cixin fait preuve d’un lyrisme époustouflant quand il évoque l’univers, mais je trouve qu’il est un peu plus emprunté dans ses descriptions des rapports entre les êtres humains. C’est à moi d’essayer de rendre dans un même texte cette poésie et cette gaucherie.

Actusf : Vous arrive-t-il d’échanger avec Liu Cixin lorsque vous travailler à traduire l’un de ses textes ?

Gwennaël Gaffric : Nous avons échangé à plusieurs reprises par courriel, mais le plus souvent sur des détails, surtout pour la transcription de certains noms étrangers qu’il avait inventés. Je l’ai aussi consulté sur le titre du troisième tome ou encore sur la version de ses romans qu’il souhaitait voir traduite en français (il y a plusieurs éditions). Contrairement à la plupart des autres écrivain/écrivaines que j’ai eu la chance de traduire, je ne l’ai encore jamais rencontré. Il est extrêmement sollicité depuis quelques années.

Actusf : Quels sont vos projets pour 2020 ?

Gwennaël Gaffric :  Plein de choses, mais en ce qui concerne la traduction : un roman de Baoshu – La Rédemption du temps – une fanfiction inspirée de la trilogie de Liu Cixin, qui va paraître en mars chez Actes Sud ; un recueil de nouvelles de Liu Cixin, toujours chez Actes Sud ; un recueil de nouvelles du Taïwanais Chi Ta-wei (traduites avec d’autres), déjà connu pour Membrane ; un projet autour de nouvelles hongkongaises, et puis je suis invité pendant un mois en février pour une résidence de traducteur au Musée de la littérature nationale à Taïwan, l’occasion idéale pour relancer des projets de traduction de longue date d’œuvres de Wu Ming-yi et de Kao Yi-feng (La Guerre des bulles).

Actusf : Enfin, si vous aviez un conseil à donner à ceux qui souhaitent se lancer dans la traduction, ce serait lequel ?

Gwennaël Gaffric : Lire !! Et ne pas oublier les traductions, quelle que soit la langue de départ.
Et, si possible, lire aussi tout ce qu’a écrit l’auteur/l’autrice que l’on s’apprête à traduire pour comprendre comment l’œuvre en question s’inscrit dans son parcours d’écriture, comment est-ce qu’elle renouvelle sa langue…

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