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Le chorégraphe Sidi Larbi Cherkaoui, qui présente au Festival d'Avignon sa dernière création dans le cadre grandiose de la carrière de Boulbon, en pleine garrigue, a été inspiré par ce lieu où les pierres lui apparaissent comme "l"éclatement d'un puzzle".
"Puz/zle", programmé à partir du 10 juillet, est le nom donné à sa chorégraphie. "Tous ces morceaux de pierre, j'avais l'impression d'un puzzle qu'on pourrait assembler pour créer une montagne", évoque-t-il. Il dit avoir éprouvé "le besoin de rendre vivantes ces pierres"."Il y a quelque chose de très fort dans cet élément à l'opposé de la chair", juge-t-il.
La carrière de Boulbon, située à une quinzaine de kilomètres d'Avignon, est utilisée comme lieu de spectacle dans le cadre du Festival d'Avignon depuis sa découverte en 1985 par le metteur en scène britannique Peter Brook, qui y a joué "Le Mahabharata".
"Je me sens faire partie d'une génération d'artistes qui ont quelque chose à voir avec la carrière de Boulbon", affirme Sidi Larbi Cherkaoui qui vient pour la quatrième fois dans la cité des papes.
Chaos
Pour lui, la carrière s'apparente à "un cratère" où il "voyait les danseurs comme des fourmis qui essayent de trouver un ordre", dit-il.
Sidi Larbi Cherkaoui, qui s'interroge sur le besoin d'ordre chez l'être humain, avoue qu'en tant que chorégraphe, il est également "obsédé" par celui-ci. Selon lui, "les danseurs sur scène essaient d'ordonner le chaos" jusqu'à obtenir un ordre glacé immédiatement remis en cause.
Mais pour l'artiste qui s'inscrit en permanence dans le mouvement, "ordre et chaos, c'est pareil. Tout dépend de la capacité à regarder".
Le chorégraphe se méfie de ce qui "fige le regard". "En tant qu'être humain, on cherche un sens et on a tendance à penser qu'un sens est quelque chose qui ne bouge plus, un endroit fixe. Je crois plutôt qu'un sens est une direction, un mouvement, non un espace ou un objet à conquérir", décrit-t-il.
"Je crois que c'est la recherche de l'ordre qui est importante. C'est pour cela que le spectacle s'appelle puzzle. Un puzzle n'existe que quand toutes les pièces ne sont pas encore à leur place. Quand tout est à sa place, ce n'est plus un puzzle, c'est une image"
Onze danseurs participent à cette chorégraphie, accompagnés par six chanteurs corses du groupe A Filetta, d'une chanteuse libanaise, Fadia Tomb El-Hage, et d'un percussionniste japonais, Kazunari Abe, également flûtiste.
"Les chanteurs corses, c'est comme des grands frères", déclare Sidi Larbi Cherkaoui qui a déjà travaillé à deux reprises avec eux.
Cet assemblage artistique est aussi lié, selon lui, au fait de se trouver dans le sud de la France: "la musique corse chante les montagnes, c'est une réponse à la géographie", loue-t-il. Il a choisi Fadia Tomb El-Hage parce qu'il sentait un" rapport avec le fait d'être emmuré" et pensait "aux murs entre Israël et le Liban".
"Quand je voyais ces pierres, j'aimais beaucoup le rapport de ces six hommes qui chantent comme une voix parce que leurs voix se mélangent de telle manière que ca devient une pensée et Fadia qui chante toute seule comme tout un choeur", s'émerveille-t-il avant d'ajouter:"J'aimais bien ce rapport entre le collectif et l'individu".
Musique populaire, chants sacrés, danse contemporaine et arts traditionnels du monde entier se mêlent dans le travail du chorégraphe, flamand par sa mère et marocain par son père.
A 36 ans, il appartient à la génération montante des chorégraphes flamands formés notamment à l'école d'Alain Platel et d'Anne Teresa de Keersmaeker. Il a fondé en 2010 sa propre compagnie, Eastman, et vient de présenter à Paris une création "Tezuka", inspirée par l'auteur culte de mangas japonais.