Grèce: Une nouvelle vague radicale de cinéma qui surfe sur la crise

Le plus connu internationalement,
Le plus connu internationalement, "Canine" (Dogtooth), de Giorgos Lanthimos, multi-récompensé dans les festivals et premier film grec à atteindre le seuil des Oscars étrangers depuis "Iphigénie" de Cacoyannis en 1977, est un huis clos d'une noirceur extrême inondé d'une lumière presque irréelle

Temps de lecture : 3 min

"Ce qui nous unit, c'est la crise": Pour la réalisatrice et productrice grecque, Rachel Athina Tsangari, la nouvelle vague du cinéma hellène, récompensée au festival de Venise après les Oscars, est façonnée par la tragédie contemporaine traversée par la Grèce.

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Qualifiés de "bizarres" ou de "radicaux", les nouveaux films grecs, dont le dernier opus "Alpeis" (Alpes) de Giorgos Lanthimos vient de remporter le prix du meilleur scénario à la Mostra, sont l'oeuvre d'une génération sans moyens financiers, qui s'est totalement affranchie de l'ombre tutellaire de ses grands prédécesseurs, les Michel Cacoyannis, le père de "Zorba le Grec", ou Theo Angelopoulos, 76 ans, Palme d'Or à Cannes en 1998.

Leurs scénarios sont très différents. Beaucoup décortiquent la sacro-sainte famille grecque, disloquée, en cours de dislocation, ou en recomposition, comme "Strella" de Panos Koutras, qui montre un transsexuel à la recherche de son fils.

Le plus connu internationalement, "Canine" (Dogtooth), de Giorgos Lanthimos, multi-récompensé dans les festivals et premier film grec à atteindre le seuil des Oscars étrangers depuis "Iphigénie" de Cacoyannis en 1977, est un huis clos d'une noirceur extrême inondé d'une lumière presque irréelle où un couple élève ses trois enfants totalement coupés du monde extérieur dans une villa moderne et cossue entourée de hauts murs dans une banlieue verdoyante anonyme.

Le film est une féroce dénonciation du fonctionnement d'une dictature à l'échelle d'une cellule familiale, où manipulation mentale, désinformation, menaces, perversion du langage et mensonges sont utilisés par les parents pour maintenir leurs enfants dans une soumission absolue.

"Nous sommes une génération de cinéastes grecs qui pour l'essentiel ont fait leurs études à l'étranger, vivent à présent en Grèce et communiquent immédiatement avec le présent du pays" en travaillant avec très peu de moyens, dit à l'AFP Rachel Athina Tsangari, qui est aussi aussi productrice de "Alpeis".

"Attenberg", qui sort en salles en France le 21 septembre, met en scène une jeune fille shootée aux documentaires animaliers qui parvient avec peine à établir des relations avec les autres et notamment avec son père malade, qu'elle finit néanmoins par aider à mener à bien la seule chose qu'il ait jamais réussi, sa mort.

Le décor, une cité ouvrière grecque des années 70 quasi vide, est le symbole, selon la réalisatrice, de la perte de "l'utopie moderniste de nos parents", des rêves qui ne se sont jamais réalisés.p

Baigné de chansons de Françoise Hardy, le film alternant humour et absurde expose une solitude moderne, une impossibilité d'aimer, de se donner. "Elle est de ma génération, elle n'essaie même pas de construire quelque chose, elle essaie juste d'aimer, c'est ce que nous cherchons tous en ce moment" dit la réalisatrice à l'AFP.

Dans "Apnée" de Aris Bafaloukas, récompensé au festival de Salonique en 2010, la solitude et la tragédie planent également, celle d'un jeune plongeur en apnée de 23 ans issu d'un milieu social modeste, amoureux d'une jeune bourgeoise, militante chez Greenpeace.

"Nous appartenons tous à une génération de cinéastes issue du court métrage" relève le réalisateur.

"Ils font des films à tout petit budget, mais ils ont de grandes idées", dit à l'AFP Yannis Zoumboulakis, critique cinéma au quotidien To Vima.

"Ils ont arrêté de chercher des subventions qui étaient l'alpha et l'omega du cinéma grec auparavant", ajoute-t-il.

Néanmoins, alors que la Grèce plonge un peu plus chaque jour dans la crise, rendant impossible tout financement public du cinéma, le découragement affleure dans les rares interviews données par Giorgos Lanthimos.

"Je pensais que le succès de +Canine+ allait améliorer les choses, mais je ne le pense plus", a-t-il dit récemment au quotidien britannique The Guardian, qui titrait sur la "vague bizarre du cinéma grec".

"Je ne sais pas encore combien de temps les gens vont se sacrifier pour l'art".