Vinyle, nouvelle idylle ?

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Vinyle, nouvelle idylle ?

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Depuis 2007, le vinyle réapparaît dans les rayons des mégastores. Face à l’ascension du téléchargement, les majors, qui l’ont par le passé précipité dans les abîmes, le remettent en avant. Comme une bouée lancée sur la mer de la musique dématérialisée. Mais peut-on pour autant parler de retour ? Ou s’agit-il d’un effet d’annonce pour compenser la mort programmée du CD dont les ventes baissent chaque année de 10 à 15% ? Un coup d’épée dans l’eau pour tenter désespérément un sauvetage de l’industrie de la musique ?
Retour sur la bataille des supports

Albums du label Born Bad
Albums du label Born Bad

Au milieu des années 90, le CD est à son apogée, il a supplanté la K7 et le vinyle. Les seuls à cette époque à s’intéresser encore à la galette noire, ce sont les DJ. Si le vinyle n’a pas disparu des magasins, il ne représente plus qu’un à deux mètres linéaires dans les mégastores. Et, on continue à le dénicher chez les « bouclards », terme souvent utilisé dans le milieu pour désigner les disquaires, qui proposent de l’occasion et des rééditions.

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A la fin des années 90, le vinyle attire un nouveau public , lié à un phénomène musical branché et au développement d’internet. La mouvance trip-hop, avec des groupes comme Massive Attack, Daft Punk ou encore Fatboy Slim, pioche dans des vieux morceaux de soul, funk et jazz. Ces extraits inconnus du grand public suscitent la curiosité d’une nouvelle clientèle qui les retrouve par le biais d’internet et cherche chez les disquaires les albums originaux. Les prix flambent .

Pour autant, ce n’est qu’en 2007 que les prémices d’une hausse des ventes se font sentir. En conséquence, **les mégastores redonnent de l’espace aux vinyles et les majors s’adaptent, ** explique Fabrice Bonnet , responsable marketing d' EMI France :

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Fabrice Bonnet /EMI
Fabrice Bonnet /EMI

Aujourd'hui,** "le vinyle n'est pas un objet populaire et il ne fait pas de retour fracassant. Toutefois il gagne en visibilité et en reconsidération. "** Les majors référencent des artistes contemporains et font revivre leur catalogue. Fabrice Bonnet :

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Les ventes restent dérisoires Toujours est-il que les ventes de vinyles sont encore dérisoires par rapport à celles du CD. MPO, seule grande entreprise de pressage qui a survécu en France, depuis l'arrivée du disque en plastique, voit les quantités en volume diminuer. En 2010, l'usine implantée en Mayenne a pressé 6 millions de vinyles, cette année, 5,5 millions et on en prévoit 4,5 millions en 2012. Pour Fredi , responsable vinyle, "c'est beaucoup ", seules deux autres usines en Europe atteignent ces chiffres. Un tiers de la production de MPO est destiné au marché français, un autre part en Allemagne et le dernier en Angleterre.

En revanche si la quantité diminue en volume, en référencement elle ne cesse d'augmenter :

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Vinyle
Vinyle

Impossible de chiffrer avec précision les ventes de vinyles en France, celles des indépendants n'étant pas comptablisées. Or ce sont ces disquaires qui distribuent nombre de labels. Toutefois, Fabrice Bonnet estime les ventes entre 400 000 et 600 000 exemplaires par an. Ce qui est marginal en comparaison avec les ventes de CD qui atteignent encore quelque 50 millions d'exemplaires. Mais selon lui, depuis trois ans, les ventes de vinyles progressent de 20% chaque année.

La fin des réseaux de distribution explique aussi, pour Fredi , que de plus en plus d'artistes souhaitent une sortie vinyle :

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Le réseau indépendant

MB
MB
© Radio France

Si le vinyle n'a pas totalement disparu depuis l'avénement du CD, c'est bien grâce aux indépendants, labels et disquaires. Amoureux de la chaleur du son analogique jamais ils ne feront le choix du froid numérique. Mais comme l'explique Fredi , également ancien DJ, peu de bouclards ont survécu. Notamment ceux spécialisés dans la musique Hip Hop qui ont souffert de l'arrivée du Serato, logiciel permettant aux DJ de mixer à partir de fichiers numériques :

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Mathieu Berthet
Mathieu Berthet

Par plaisir du son et de l'esthétique de l'objet, les labels indépendants n'ont jamais cessé de sortir des vinyles. Pourtant produire une galette est un investissement financier conséquent puisque les ventes ne sont pas assurées. Mathieu Berthet possède un studio de gravure vinyle, MB Factory. Il fait état des coûts de fabrication :

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Alors que l'industrie du disque est déjà en pleine crise, Jean-Baptiste Guillot crée Born Bad Records en 2006,** un label de rock'n roll "viril, primitif et dérangeant "** . Auparavant, il a travaillé dix ans pour des majors, mais lassé et amer il décide de poursuivre son épopée musicale en solo. Indépendant et intransigeant, Jean-Baptiste a une seule ligne de conduite : l'absence de compromis . Aussi, à la question "Y-a-t-il un retour du vinyle ?", il répond sans détour :

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Label Born Bad 2
Label Born Bad 2
© Radio France

Les deux tiers des albums vendus par les groupes que Jean-Baptiste Guillot produit le sont en vinyle. Pour y parvenir, il s'appuie sur un réseau de disquaires indépendants et sur la réputation de son label. Ses groupes parviennent à vendre à l'international et font des tournées à l'étranger. Le vinyle a toujours été et restera " le support de la marge " :

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Pour le fondateur de Born Bad, le vinyle n'est rien de plus qu'un "produit manufacturé " et la tendance actuelle à la sacralisation l'agace :

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Un retour du vinyle donc, mais très modeste. Les ventes restent marginales et sont pour l'essentiel le fruit du travail des indépendants, disquaires et labels, qui jamais n'ont abandonné ce support. Mais, ironie du sort, les grandes majors qui l'avait délaissé, le chérissent à nouveau. A l'heure de la dématérialisation, le CD se meurt et avec lui, l'industrie de la musique. Or, il faut bien trouver de quoi vendre. Alors pourquoi ne pas créer l'illusion que le vinyle est tendance, culte et sacré ?

> En complément, Jeremy Henry, du studio de mastering La villa, explique les étapes de création d'un vinyle
> Depuis la rentrée de septembre, Radio France propose Radio vinyle. Un musicien ou chanteur est invité à fouiller dans la discothèque de Radio France, qui compte quelque 450 000 galettes. > Archie Shepp a ouvert le bal de cette série, pour l'émission d'Alex Dutilh, Open Jazz , sur France Musique. Retrouvez ici photos et vidéo de ce moment avec Archie Shepp.

Puis Lulu Gainsbourg a pioché dans les archives pour France Inter. La vidéo de Lulu Gainsbourg.

La musique en chiffres

Le syndicat national de l'édition phonographique donne les chiffres du marchés, propose des dossiers sur la musique et le numérique, fait état des classements des meilleures ventes...

Les études de l'observatoire de la musique

L'Observatoire de la musique analyse l’économie générale de la filière musicale, de ses ressources financières et commerciales ainsi que l’évolution des conditions générales de ses systèmes de production, de diffusion et de commercialisation.

Le blog de Michel Alberganti

Un billet de Michel Alberganti : "Requiem pour les majors", autrement dit "les majors sont déjà mortes… mais elles ne le savent pas."

Le disque vinyle entre au musée

Un article des Inrocks sur une exposition à la Maison Rouge à Paris en 2010. Celle-ci présentait des disques 33 tours d’artistes plasticiens, reflétant la variété des expérimentations sur le langage et le son à partir des années 1920 et pendant tout le XXè siècle.