Des années Filipacchi aux années Mao, l'histoire des "Cahiers" par Pascal Bonitzer et Thierry Jousse : épisode • 1/9 du podcast Nuit Cinéma des Cahiers, seconde

Cahiers du Cinéma N° 200 - Langlois
Cahiers du Cinéma N° 200 - Langlois
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Premier entretien de la "Nuit Cinéma des Cahiers" (2/2) avec Pascal Bonitzer et Thierry Jousse. Ils retracent l'histoire de la célèbre revue et présentent les archives de la nuit.

Avec

La disparition en 1979 de Jean Renoir, "le patron" des jeunes critiques des "Cahiers du cinéma" des années 50, coïncidait avec la fin d'une décennie saturée de politique qui avait bien failli être fatale aux "Cahiers". Comme on le vérifiera dès les années 80 : le maoïsme mène à tout, au pire comme au meilleur, à condition d'en sortir. Il incomba donc aux deux Serge, Daney et Toubiana, de tirer du bouillon une revue devenue presque illisible, pour la ramener à l'air libre et à sa vocation première : la critique d'un cinéma qu'elle avait un peu perdu de vue. Pour autant, aussi dogmatique et sectaire, délirant parfois, qu'ait été cet exercice en marge du cinéma, n'a-t-il pas été un tant soit peu profitable ? Pendant leur époque Mao, les "Cahiers" n'ont-ils pas été, là encore, de leur époque ? Des questions, parmi d'autres, auxquelles répondent Pascal Bonitzer et Thierry Jousse au cours de cette deuxième "Nuit Cinéma des Cahiers".

Cahiers du Cinéma N° 200 - Langlois
Cahiers du Cinéma N° 200 - Langlois

Le programme des archives s'ouvre en 1974, par un hommage rendu à Jean Renoir pour ses quatre-vingts ans. Il se poursuit avec Jean-Marie Straub que l'on entend avec Danièle Huillet en 1976. Marguerite Duras parlait en 79 de Césarée, des Mains négatives et d'Aurélia Steiner (Vancouver), alors qu'en 82 Jacques Rivette présentait Le Pont du Nord dans "Le cinéma des cinéastes". En 77, les anges descendaient du ciel de Berlin grâce à Wim Wenders qui s'entretenait avec Serge Daney. Cette deuxième Nuit se termine avec Olivier Assayas en 2009, présentant à Michel Ciment Présences - Écrits sur le cinéma, un recueil de ses textes critiques, dont beaucoup écrits entre 1980 et 85 pour les "Cahiers du cinéma" qui, comme bien d'autres, avaient alors définitivement tourné leur page marxiste-léniniste.

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À la question "à quoi ressemblait "Les Cahiers" dans l'immédiat après Mai ?", Pascal Bonitzer, arrivé en 69 à la rédaction de la revue, répond :

La revue ressemble à une sorte de friche, de champ qu'on re-laboure dans tous les sens. 'Les Cahiers' remettent en cause tout leur soubassement théorique de l'époque bazinienne. Bazin était le chantre de l'anti-montage et c'est le moment où 'Les Cahiers' redécouvrent les vertus du montage avec l'intérêt pour le film politique c'est à dire Eisenstein, le formalisme russe. Mais pas 'Les Cahiers' tout seuls.

Des années follement politiques des "Cahiers", au tout début des années 70, années qui faillirent leur être fatales, Pascal Bonitzer évoque certaines influences déterminantes :

Comment dire... on suçait la roue de 'Tel Quel', on a suivi aussi les virages. Parce qu'il y en a eu des virages. Il y a eu notamment ce virage en épingle à cheveux qu'a été la rupture violente de 'Tel Quel' avec le Parti Communiste et puis il y a le virage maoïste. La revue a subi ce virage différemment en essayant de dépasser même 'Tel quel' sur sa gauche et on a failli finir dans le ravin. Je file la métaphore là...

Thierry Jousse sur cette "sorte de furia théorique" des "Cahiers" :

Ce que je trouve assez fascinant avec le recul, et sans avoir été du tout partie prenante, c'est le fait qu'une revue fondée sur des signatures individuelles et sur la politique des auteurs, donc quelque chose de très 'individuée', de très singulier, se soit trouvée à ce moment précis, entre disons 72-73, sur un monde d'énonciation qui est devenu entièrement collectif et où il n'y avait pas non plus de signataires des articles. [...] Et du coup c'est très paradoxal je trouve pour une revue comme 'Les Cahiers', même si on en comprend parfaitement les raisons théoriques et historiques à ce moment-là, d'être arrivé à ce stade-là de disparition de l'auteur.

Pascal Bonitzer :

Un nom c'est lourd à porter quelquefois. On peut prendre l'exemple de Godard, je pense qu'à l'époque du groupe Dziga Vertov il commençait à trouver que le nom de Godard était lourd à porter, tout simplement. Et que il ne suffit pas de porter un nom, à un moment il fait le risquer. Et c'est ce qu'on a fait. Qu'est-ce qu'on a manqué exactement à l'époque ? Je pense que 'Les Cahiers' ont manqué par exemple le nouveau cinéma américain. On ne voyait pas les films américains, on a manqué toutes sortes de signatures qui se levaient à ce moment dans le cinéma américain puisque Hollywood aussi a été transformé au fond par la fin des années 60, par 68 et par le nouveau cinéma. Et ça pour le coup on l'a complètement manqué.

Les Nuits de France Culture
42 min
Les Nuits de France Culture
6 min
  • Production Albane Penaranda
  • Réalisation Virginie Mourthé
  • Avec la collaboration de Hassane M'Béchour

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