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Sorti en catimini, le rapport qui voulait sauver le spectacle vivant risque la polémique

Parmi les mesures proposées pour soutenir un secteur en crise, celle de supprimer les subventions inférieures à 15 000 euros.

Par Nathaniel Herzberg

Publié le 26 mars 2012 à 14h04, modifié le 26 mars 2012 à 14h55

Temps de Lecture 3 min.

Trouver de l'argent pour le spectacle vivant. Résumé de façon lapidaire, voilà le défi qu'ont tenté de relever deux directeurs de théâtre, un patron d'opéra et un membre de la Cour des comptes. Défi impossible, par temps de crise et de recettes publiques en berne ? A voir la discrétion avec laquelle le ministère de la culture a glissé sur son site, sans la moindre publicité, ce rapport pourtant fort attendu par la profession, la question s'impose.

De l'argent, donc, et plus particulièrement de l'argent public. Ainsi va une économie qui "repose en grande partie sur la subvention publique de l'Etat et des collectivités territoriales",soulignent Serge Dorny, Jean-Louis Martinelli et Bernard Murat, respectivement directeurs de l'Opéra de Lyon, du Théâtre des Amandiers, à Nanterre, et du Théâtre Edouard-VII, à Paris, et Hervé-Adrien Metzger, conseiller-maître à la Cour des comptes.

Chaque année, l'Etat donne 720 millions d'euros au spectacle vivant. Les collectivités territoriales en accordent le double. Une situation "particulièrement enviable" pour nombre de pays voisins, admettent les rapporteurs, mais qui "ne doit pas masquer les limites, les signes d'essoufflement et les besoins de rénovation des politiques publiques".

Saupoudrage

C'est que "l'Etat intervient trop et trop peu". En trente ans, les disciplines soutenues se sont multipliées. Au théâtre, à la danse et à la musique se sont ajoutés le cirque, les arts de la rue, les arts numériques. De nouvelles compagnies, de nouveaux lieux sont aidés, produisant "une dispersion des soutiens et une dilution souvent préjudiciable aux efforts consentis et aux buts recherchés". Certes, des efforts ont été entrepris ces dernières années pour lutter contre ce "saupoudrage". Mais la mission veut aller plus loin, supprimer toutes les subventions inférieures à 15 000 euros.

Créer, c'est bien, mais montrer, c'est mieux. Comme d'autres avant eux, les rapporteurs s'inquiètent du manque de diffusion des spectacles : en moyenne 24 représentations sur trois saisons, tournées incluses, dans le théâtre public, moins encore dans la danse. Quant aux orchestres permanents, "ils ne circulent que très peu". Sans apporter de réelles solutions, le rapport invite à soutenir la diffusion en région, à l'étranger, mais aussi sur les supports audiovisuels et numériques.

Pour offrir un élan au secteur, le rapport réclame d'abord l'élaboration d'une "loi d'orientation". Un symbole qui marquerait "l'attachement de la nation au spectacle vivant". Mais qui imposerait aussi des "dispositions normatives et structurantes" : définition et liste des disciplines, missions des structures labélisées, rôle des différents acteurs publics (ministères, collectivités).

Pour redonner aux théâtres les marges artistiques perdues depuis dix ans, soutenir l'émergence de nouveaux talents, favoriser la diffusion, un obstacle demeure : l'argent. Augmenter les subventions publiques ? Illusoire. Doper les ressources propres ? Le rapport n'écarte pas la possibilité d'augmenter le prix de certains billets ou de développer la location d'espace ou la commercialisation de produits dérivés. Mais les gains potentiels restent mineurs.

Sept pistes retenues

C'est ailleurs dans des ressources "extrabudgétaires" qu'il faut prospecter. Les rapporteurs ont évalué divers dispositifs. Ils en ont évacué deux : la taxation de la publicité en ligne, "séduisante mais difficile à appliquer" ; et la création d'une taxe sur la billetterie, qui renchérirait le coût du ticket, alors même que les subventions visent à le faire baisser.

Sept pistes sont en revanche retenues. Créer une redevance d'exploitation commerciale des oeuvres du domaine public, une sorte de droit d'auteur éternel qui reviendrait à la collectivité. Instaurer une "contribution compensatoire" pour les services de télévision qui ne diffusent pas assez de spectacle vivant. Etablir une taxe de 2 % sur le chiffre d'affaires des parcs d'attraction. Affecter au spectacle vivant, sur le modèle de ce qui vient d'être proposé pour le Centre national de la musique, une part de la taxe acquittée par les fournisseurs d'accès à Internet au bénéfice du Centre national du cinéma (CNC). Etendre le dispositif du "1 % artistique" (qui réserve 1 % du budget de certaines constructions publiques à la réalisation d'une oeuvre plastique) à l'ensemble des bâtiments d'Etat et affecter les nouvelles recettes au spectacle vivant. Créer une taxe de 0,3 % sur le chiffre d'affaires de l'industrie hôtelière dans les villes et pendant les périodes de festival. Attribuer enfin au spectacle vivant une partie des successions en déshérence.

De quoi mettre en place un fonds de 150 millions à 250 millions d'euros annuels. Un fonds qui ne devrait pas se substituer à l'action de l'Etat, avertissent les rapporteurs. Le ministère de la culture devra continuer à assurer le fonctionnement des institutions. Au fonds, il appartiendra de sélectionner "des projets" en privilégiant trois axes : l'émergence, le décloisonnement des disciplines et la diffusion.

Un programme qui ne tient pas de la révolution, assurent les quatre rapporteurs. Plutôt de la "métamorphose". Ce qui est "plus difficile à réussir", avertissent-ils.


Sur le Web : www.culturecommunication.gouv.fr.

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