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Written on Skin frise le chef-d'œuvre

Le compositeur George Benjamin a été accueilli par une ovation debout spontanée. Vincent PONTET/WikiSpectacle

AIX-EN-PROVENCE - La création envoûtante et sensuelle du compositeur britannique George Benjamin fera date dans l'histoire de l'opéra contemporain.

La création d'un opéra contemporain où le compositeur est accueilli au rideau par une ovation debout spontanée, cela n'arrive pas tous les jours. C'est exactement ce qui s'est passé lorsque George Benjamin est venu saluer sur la scène du Grand Théâtre de Provence après la première de son opéra, Written on Skin. Cela n'allait pas de soi. On connaît l'attachement de Bernard Foccroulle pour la création: depuis le début de son mandat aixois, il fait chaque année une place à l'opéra contemporain. Le risque était atténué: des formats chambristes, hors des lieux d'affluence du Festival.

Cette fois-ci, on joue dans la cour des grands: un opéra d'une heure trois quarts, avec orchestre symphonique, sur la scène du Grand Théâtre de Provence, auquel on réserve d'habitude les affiches de prestige. Commande passée conjointement avec Covent Garden, l'Opéra d'Amsterdam, le Mai florentin et le Capitole de Toulouse. Avec un effet d'attente décuplé par le fait que le compositeur britannique est un artiste rare, qui ne compose pas au kilomètre et se lançait là un défi inédit.

Bref, deux questions brûlantes: le spécialiste ne risquait-il pas d'être déçu, le public allait-il suivre? La réponse est non pour la première, et oui pour la seconde. On quitte la salle tellement sous le charme que l'on ne peut réprimer la vague impression d'avoir assisté à l'éclosion d'un chef-d'œuvre. Impression que l'on n'avait plus ressentie à ce degré-là depuis Trois Sœurs, de Peter Eötvös: on est si souvent déçu par l'opéra contemporain, qui paralyse les compositeurs et les fige dans l'académisme.

Histoire cruelle et initiatique

Rien de tel avec Benjamin, qui compose une musique tout à la fois envoûtante et sensuelle, parfaitement construite sur la durée et fortement contrastée selon les tableaux. On en suit la trame sans difficulté, mais ses permanents changements de couleur la préservent de toute monotonie. Le texte étonnant de Martin Crimp, au canevas très cinématographique, est toujours intelligible, sans que la ligne vocale se réfugie dans un récitatif permanent. Bref, on dirait que Benjamin a étudié tous les pièges posés par le genre pour mieux les déjouer.

Le fait que les personnages soient les narrateurs de leur propre histoire permet une profondeur de champ dont la mise en scène formidablement lisible de Katie Mitchell tire tout le parti ­possible. Sa maîtrise géométrique de ­l'espace rend justice aux sauts temporels entre aujourd'hui et le Moyen Age qui caractérisent cette histoire cruelle et initiatique, où un livre a le pouvoir de révéler et changer le destin des êtres.

À la tête d'un Mahler Chamber Orchestra formidablement virtuose, le compositeur à la baguette est le meilleur serviteur de sa propre musique (ce n'est pas toujours le cas!), et la distribution est parfaite: Barbara Hannigan est une fois de plus fascinante avec sa voix serpentine qui s'enroule autour de vous, le contre-ténor Bejun Mehta n'est pas moins envoûtant par les reflets irisés de son timbre, et Christopher Purves est terrifiant de brutalité. Un grand moment d'opéra contemporain? Un grand moment d'opéra tout court.

Jusqu'au 14 juillet. Diffusion sur Arte Live Web et Medici TV, le 14 juillet, France Musique, le 27 août.

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