P. de la Morinerie (WeSpecialty) : “Le marché des risques maritimes semble avoir atteint l’équilibre”

Patrick de La Morinerie, dirigeant et co-fondateur de WeSpecialty

INTERVIEW – Patrick de la Morinerie, dirigeant et co-fondateur de WeSpecialty, fait le point sur l’actualité de l’agence de souscription et ses perspectives de développement. Il revient également sur le contexte macro-économique, entre conséquences de la guerre en Ukraine et impact de l’inflation sur le marché du transport.

Comment se porte aujourd’hui WeSpecialty ?

Avec l’acquisition de Cogeas, le nouveau groupe WeSpecialty doublera quasiment la taille de son portefeuille pour un volume de primes annuelles de près de 40M d’euros. En proforma, nous enregistrons à fin juin 2022 une croissance de notre activité cumulée de 12%, ce qui est très satisfaisant.
Aujourd’hui, le transport pèse 85% de notre volume de primes contre 15% pour les risques politiques et notre activité de conseil.
L’acquisition de Cogeas complète harmonieusement notre ligne de produits actuels, tant en assurance transports qu’en assurance de risques politiques. Elle nous permet également d’avoir une approche commerciale en régions. En particulier, cette opération assoit notre base d’assurés avec près de 1 000 clients en portefeuille, des sociétés du CAC aux traders en matières premières, en passant par de très nombreuses ETI et PME. Toutefois, les portefeuilles de nos deux entités ne seront pas fusionnés et conserveront leurs mandats respectifs distincts.
Notre dynamique de progression est forte et favorisera l’ouverture d’autres lignes d’assurances de spécialités sur le marché français.

Avez-vous prévu d’étoffer votre gamme de garanties ?

Nous venons justement de lancer une offre “Contract Frustration” couvrant les éventuelles pertes financières en cas de défaut d’un acheteur public envers son vendeur dans le cadre d’un contrat commercial.
Cette ligne “Contract Frustration” est aujourd’hui notre sixième ligne de produits et vient ainsi enrichir notre offre risques politiques, aux cotés des garanties violences politiques/terrorisme, des garanties confiscation/nationalisation.
Cette nouvelle offre fait de WeSpecialty l’un des principaux acteurs de l’assurance du risque politique sur le marché français. D’autres couvertures autour des assurances de spécialités sont par ailleurs à l’étude.

Êtes-vous en phase avec votre plan de développement ?

Nous sommes aujourd’hui parfaitement en phase avec nos ambitions. Sur le plan de la croissance externe, nous sommes régulièrement amenés à regarder des dossiers d’acquisition, parfois à l’étranger, et nous examinons s’ils peuvent compléter ou élargir de façon cohérente notre offre dans l’assurance de spécialités.
Sur le plan de la croissance interne, nous sommes toujours prêts à étudier la candidature d’experts du marché de l’assurance des spécialités souhaitant rejoindre un écosystème entrepreneurial pour lui apporter une compétence additionnelle.
Notre nouvelle offre “Contract frustration” (voir ci-dessus) est par exemple emmenée par Jean-François Dauvergne – en complément de sa structure IBS avec qui nous collaborons – et pour laquelle Tokio Marine Kiln nous a donné mandat de souscription sur le marché français.
Nous avons aussi des recrutements internes prévus pour accompagner le développement de notre portefeuille actuel.

Avez-vous prévu de travailler avec de nouveaux porteurs de risques ?

Nous travaillons aujourd’hui avec une vingtaine d’assureurs, ce qui fait de nous l’une des plus importantes MGA tricolores. Lorsque nous projetons de lancer une nouvelle ligne d’activité, nous privilégions bien évidemment nos mandants actuels dans un esprit de loyauté et de partenariat pérenne pour nous développer avec eux. En cas de manque d’appétit nous sommes alors amenés à rechercher de nouveaux mandants.

Quelles sont les conséquences de la guerre en Ukraine sur le marché maritime et transport ?

L’impact des sanctions nous privent de certains clients ou de certains trafics de marchandises jusqu’alors non négligeables. Nous ressentons également des tensions sur l’économie, dans les domaines de la logistique, de l’énergie, et de la production agricole… Le monde fait face à un choc énergétique, une baisse des stocks disponibles et dans certains pays une crise alimentaire, tout cela dans un climat inflationniste très fort (entre +6 et +10% selon les pays).
Le commerce mondial sera moins dynamique en 2022(+3,2%) et 2023 (+2,9%) qu’en 2021 (+6,1%), ce qui se traduira par une moindre progression des volumes transportés qui avaient vu une très forte reprise post pandémie. Le fort regain de l’inflation est aussi une préoccupation pour les assureurs, notamment sur le niveau de sinistralité future à couvrir du fait du renchérissement des remplacements de biens endommagés.
Le marché transports a également constaté un regain de sinistralité induit par le blocus en mer d’Azov, ce qui ne permet pas à certains assurés traders par exemple d’honorer une partie de leurs contrats de vente sur des marchandises produites en Ukraine en les laissant sans moyen d’exportation.

Comment voyez-vous l’évolution du marché des risques maritimes dans les prochains mois ?

Nous avons assisté ces dernières années à des très fortes hausses de taux de primes accompagnées souvent de contractions des garanties, en réponse aux fortes pertes endurées par les assureurs de ce marché. Leur objectif visait à restaurer des marges estimées nécessaires pour faire face au coût du capital, laissant poindre un regain d’appétit de souscription.

Que pensez-vous du sujet ?