"Duch, le maître des forges de l'enfer" - Anatomie d'un génocidaire

Depuis le début des années 1990, Rithy Panh construit pierre à pierre une oeuvre extraordinaire - où l'on trouve aussi bien fictions que documentaires - autour du génocide perpétré par les Khmers rouges sur le peuple cambodgien de 1975 à 1979. Duch, le maître des forges de l'enfer est le prolongement logique de S21 : la machine de mort khmère rouge (2003), un documentaire terrifiant où le cinéaste interrogeait un survivant et plusieurs bourreaux sur les lieux mêmes du centre de détention où périrent plusieurs dizaines de milliers de Cambodgiens. Duch a été le directeur de "S21", son grand maître, et c'est en prison qu'il reçoit Rithy Panh : il a été condamné en 2010 à 35 ans de réclusion pour crimes contre l'humanité.

Lui-même survivant du régime khmer rouge - il raconte son parcours dans L'élimination (Grasset) -, Rithy Panh met Duch face à la réalité de ses crimes. Il filme ses justifications, ses délires théoriques, ses grands rires suraigus. Et puis, calmement, l'oblige à regarder des photos des victimes, des extraits de S21, des archives qu'il a lui-même remplies minutieusement, dans la folie administrative d'un régime génocidaire. Le résultat est un film d'une exigence absolue, à la fois portrait sans concessions d'un criminel, méditation d'un survivant et interrogation du mystère le plus radical qui soit : celui du génocide.