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Jouer à quatre n'est pas toujours invivable!

Le Quatuor Borodine, créé en 1945:la légende russe.

Le genre du quatuor à cordes-avec ses deux violons, son alto et son violoncelle - représente une quintessence musicale.

Quatuor… Le mot même est ambigu. Il désigne tout à la fois un genre (on écoute un quatuor de Beethoven) et la formation qui joue (on va entendre le Quatuor Artémis). Ambiguïté aussi sur le statut des musiciens qui le composent: l'entité que l'on connaît sous le nom de Quatuor Prazak forme un tout, un instrument unique composé de quatre archets, pourtant il se compose d'individus. Comme souvent, le collectif dépasse la somme des individualités. Le genre du quatuor à cordes - avec ses deux violons, son alto et son violoncelle - représente une quintessence musicale: il est exclu de se réfugier dans le spectaculaire comme le peut le grand orchestre, mais on y communie à plusieurs tout en étant à nu.

Première étape:former une équipe. Souvent, les membres se sont connus au conservatoire:c'est le cas du Quatuor Modigliani. Là, c'est l'épreuve de vérité: l'entente doit être humaine, entre des personnalités souvent très contrastées, mais surtout musicale, condition pour créer un son. Un pianiste est seul à construire son interprétation, un chef impose la sienne à tout un orchestre. En quatuor, il faut se mettre d'accord. Il n'est pas rare que se détache un leader naturel:c'est souvent le premier violon (Norbert Brainin chez les Amadeus, Günter Pichler au Quatuor Alban Berg), mais pas forcément, surtout quand les deux violonistes alternent, comme chez les Emerson.

Ils s'arrêtent dans chaque bar

Les Modigliani sont clairement un quatuor de premier violon mais, au Quatuor Diotima, la colonne vertébrale, c'est l'altiste. Les choix sont démocratiques, mais il faut parfois trancher. Il faut pouvoir tout se dire, y compris les vérités les plus cruelles:par exemple lorsque l'un des musiciens n'est pas à la hauteur des attentes: des amitiés ont ainsi été brisées. Mais l'amitié n'est pas nécessaire pour parvenir à cette osmose musicale. Les membres du Quatuor Amadeus, qui donnaient 180 concerts dans l'année, se détestaient! Les Berg ne se fréquentaient pas en dehors du travail. Cela peut vite devenir invivable:on finit par détester les tics de chacun.

La vie de quatuor est une ascèse, même s'il fallait, autrefois, accompagner le Quatuor Borodine de l'hôtel à la salle de concert pour éviter que les quatre Russes s'arrêtent en chemin dans chaque bar. Le Quatuor Ysaÿe a tenté d'anticiper cette saturation, en diminuant le nombre de concerts:ils ne se retrouvent que pour des sessions intensives, puis reprennent leur indépendance. Le quatuor n'en est pas moins une activité à plein-temps:difficile, par exemple, de la concilier avec une place de musicien d'orchestre. C'est alors une question de choix personnel: Eichi Chijiiwa préféra quitter le Quatuor Diotima pour conserver son poste à l'Orchestre de Paris, au contraire de Franck Chevalier qui démissionna de l'Orchestre national de France pour se consacrer au quatuor. Certains solistes renommés, cependant, ne résistent pas à la tentation de jouer ce répertoire fascinant en créant des quatuors plus occasionnels:c'est ainsi que l'altiste Tabea Zimmermann et le violoncelliste Jean-Guihen Queyras, des stars, se retrouvent régulièrement au sein du Quatuor Arcanto.

L'époque où quatre musiciens passaient ensemble quarante années de leur vie, comme les Amadeus, semble révolue. Les changements au sein d'une équipe sont aujourd'hui plus banals: comme les divorces!

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