Art abstrait: les Tchèques redécouvrent Kupka, un demi-siècle après sa mort

Mme Mladkova a amené en janvier à Prague une collection de 41 tableaux de Kupka qu'elle avait achetés à une historienne d'art américaine. Cet ensemble va prochainement compléter la riche collection déjà exposée dans son musée.
Mme Mladkova a amené en janvier à Prague une collection de 41 tableaux de Kupka qu'elle avait achetés à une historienne d'art américaine. Cet ensemble va prochainement compléter la riche collection déjà exposée dans son musée.

Temps de lecture : 3 min

Plus d'un demi-siècle après sa mort en France, les Tchèques redécouvrent après une longue période d'oubli Frantisek Kupka, l'un des pionniers de l'art abstrait, dont les tableaux figurent dans les collections des plus grands musées.

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"La continuité a été interrompue par le régime communiste qui voyait en lui un peintre bourgeois et un renégat", explique Lenka Jaklova, journaliste et membre du conseil municipal de Hradec Kralove, chef-lieu de la région natale de Kupka.

Ses tableaux figurent dans les musées les plus prestigieux comme le Musée national d'Art Moderne de Paris, le Guggenheim et le MoMA à New York. Mais nul n'est prophète en son pays.

"L'art abstrait a tardé à susciter un écho favorable en Republique tchèque, même parmi les amateurs d'arts plastiques, car les tendances artistiques étaient différentes ici", ajoute Mme Jaklova, coauteur d'un documentaire consacré au peintre.

"L'oeuvre de Kupka est largement plus compliquée que celle de la plupart des autres fondateurs de l'art abstrait comme Piet Mondrian, Kasimir Malevitch ou El Lisicki", affirme Jiri Machalicky, commissaire du Musée Kampa à Prague.

"Kupka s'appuie à la fois sur la saisie des formes de la nature, la méditation sur les rapports entre les corps célestes, la segmentation géométrique de l'espace, le spiritisme et l'inspiration musicale", analyse-t-il.

Né en 1871 à Opocno, Frantisek Kupka s'est installé à Montmartre à Paris en 1896, pour s'adonner à la recherche obstinée du chemin vers une nouvelle expression artistique, en dépit de l'incompréhension que suscita initialement son travail.

Il était l'auteur du premier tableau abstrait jamais exposé en France (Amorpha ou Fugue en deux couleurs, 1912), ainsi que de la première toile abstraite achetée par le Musée National d'Art Moderne (Plans Verticaux I).

"renégat"

Les travaux de ce "peintre bourgeois" et "renégat" sont aujourd'hui la gloire de la Galerie Nationale de Prague et des autres musées tchèques et s'arrachent lors de ventes aux enchères.

Une grande part du mérite en revient à la collectionneuse et mécène des arts Meda Mladkova, fondatrice du Musée Kampa. A 92 ans, elle oeuvre toujours inlassablement pour la reconnaissance du génie de Kupka dans son pays natal.

Exilée en Occident après la Seconde guerre mondiale, elle a connu personnellement le peintre, déjà gravement malade, alors qu'elle faisait ses études d'art à Paris dans les années 1950. En juin 1957, Mme Mladkova a été le témoin de ses ultimes instants, en 1957 à Puteaux, à l'ouest de Paris.

"Il parlait beaucoup de la Bohême", se souvient celle qui a regagné Prague après la "Révolution de velours" de 1989.

Mme Mladkova a amené en janvier à Prague une collection de 41 tableaux de Kupka qu'elle avait achetés à une historienne d'art américaine. Cet ensemble va prochainement compléter la riche collection déjà exposée dans son musée.

"Il y a des oeuvres particulièrement importantes dans le contexte de la création de Kupka, car on y trouve des signes prémonitoires de sa période abstraite", dit Mme Mladkova.

Une toile de Kupka provenant d'une collection privée, "La forme du bleu", sera mise à la mi-avril aux enchères à Prague, pour le prix d'ouverture record en République tchèque de 45 millions de couronnes (1,8 million d'euros).

Une autre preuve de ce nouvel engouement: la firme qui dessine les vêtements officiels de la délégation tchèque aux JO 2012 à Londres s'est inspirée de la "Fugue en deux couleurs".

L'urne contenant les cendres de l'artiste repose au cimetière du Père-Lachaise à Paris. Lenka Jaklova, coorganisatrice d'un symposium sur Kupka en 2008, s'efforce d'obtenir son transfert à Prague.

"L'année 2012 serait idéale pour ce geste, car cent ans se seront écoulés depuis la première exposition de ses tableaux au Salon d'Automne à Paris", rappelle-t-elle.

Selon Mme Jaklova, Frantisek Kupka pourrait trouver le repos au cimetière national de Prague-Vysehrad entourés de personnalités illustres de la culture, des lettres et des arts tchèques.

"Son urne y serait symboliquement placée près des cendres d'un autre grand artiste tchèque ayant vécu à Paris et ami de Kupka, Alfons Mucha", argue-t-elle.