Arthur H. chante "L'or noir" à l'Odéon

"Arthur le nègre", voilà comment l'écrivain haïtien Dany Laferrière présente Arthur. H dans le livret qui accompagne le CD de L'or noir, tout juste sorti chez Naïve.

Laferrière est un des auteurs, avec Aimé Césaire, René Depestre, Édouard Glissant, James Noël, des textes que le chanteur lit ce vendredi sur la scène de l'Odéon en compagnie de son musicien, le fabuleux Nicolas Repac. Moment magique, et rare, puisque, tout en assurant la tournée de son dernier album Baba love, Arthur H. émaille son planning, de Manosque à Montréal, de Sète à Port-au-Prince, de ce récital musical.

Arthur le nègre, vraiment ? Il raconte comment tout a commencé aux Antilles, dans cette Caraïbe francophone qui l'inspire. À 15 ans, Arthur orchestre sa fugue, ou plutôt son refus du retour au pays natal : il est en vacances en Guadeloupe avec son père, Jacques Higelin, quand il lui annonce brutalement qu'il ne rentrera pas en France (et au lycée). Coluche, qui est du voyage, rassure son copain Jacques : tout cela n'est-il pas bien normal à cet âge... L'adolescent va passer quatre mois dans une liberté totale. "Je venais d'un monde en noir et blanc, je découvrais la couleur ; j'ai bu du rhum, goûté aux champignons hallucinogènes, et fait l'amour."

Transmutation du français

Le contexte de cette initiation marque profondément son imaginaire, et si ses albums en témoignent déjà, ce récital met au jour une intimité secrète avec des textes parmi les plus difficiles à dire, dont le célèbre Cahier d'un retour au pays natal de Césaire. C'est avec lui que Arthur H. se battait il y a deux ans déjà dans les couloirs du théâtre de l'Odéon qu'il retrouve aujourd'hui. Le poète martiniquais Édouard Glissant avait convié alors comédiens et diseurs à lire sur cette scène son Anthologie poétique du Tout-Monde. Le chanteur accepte de remplacer un comédien au pied levé. Mais... au pied du mur, se demande comment être à la hauteur du défi. Il pense à Jean-Louis Trintignant dont il a vu les spectacles sur Apollinaire, puis les poètes libertaires : "Je suis en quelque sorte son disciple, ou plus exactement son apprenti. Cette façon qu'il a de dire sans effets, de ne pas se mettre en avant, mais seulement au service des mots, a fait naître en moi l'envie souterraine de lire des textes, un jour." On retrouve d'ailleurs Trintignant dans son dernier album Baba Love.

Cet impromptu de l'Odéon lui vaut tant de "vibrations positives" que le chanteur décide de poursuivre l'aventure avec ces textes de poètes venus d'un monde qui l'inspire. "C'est une poésie très alchimique, je ressens fortement cette sensibilité noire, cette transmutation du français." Pour celui qui voit en la musique noire américaine "la plus grande révolution culturelle du XXe siècle", la poésie ressort de cette même "fertilisation de l'âme noire dans le monde blanc". "Notre vision de la culture est tellement cérébrale que cela nous limite. J'ai été frappé par Deleuze disant qu'un grand danseur est un philosophe."

Rituel

Avec L'or noir, sur les douces sonorités d'une flûte harmonique ou d'une guitare qui sonne comme une kora, Arthur H. a composé, avec Nadine Eghels pour le choix des textes, un parcours en trois actes, mis en espace par Ken Higelin : la terre, la mort, l'amour. "Le récital correspond à une envie de partager un espace large, où naissent des images. Autour d'un petit rituel sans prétention, je cherche à faire en sorte que la poésie soit agréable à écouter, fluide, alors qu'il est si difficile aujourd'hui de lire un livre de poésie..."

Le livret qui accompagne le CD est déjà une mini-anthologie qui invite à poursuivre le voyage. Le chanteur y écrit de cette aventure : "C'est comme caresser la terre avec tout l'amour possible et voir des tourbillons de poussière s'élever vers le ciel pour devenir des soleils."