A Montréal chez Cœur de Pirate

Cœur de Pirate est tendue. « Je fais mon premier concert ce soir et je n’ai pas encore acheté ma robe », explique-t-elle, en venant nous chercher dans un café à deux pas de chez elle, à Montréal. Un problème de fille, comme il y en a plein dans son deuxième album, « Blonde », qui sort aujourd’hui, après avoir pris la première place pour les téléchargements la semaine dernière. Un album intime dont il vaut mieux discuter à la maison. « Désolée, c’est un peu le bordel. » Pas plus qu’un appartement de célibataire finalement. La salle de bains déborde de produits de beauté laissés en vrac. La cuisine affiche un mot d’ordre : « Ne mange pas trop. » Pour le reste, il y a encore du boulot. « Je suis là depuis peu de temps. Ici, on est sur le Plateau de Montréal. C’est un ancien quartier ouvrier qui s’est embourgeoisé. Comme je ne conduis pas, c’est pratique, près du centre-ville. Mes parents vont vendre leur maison, donc le piano avec lequel j’ai écrit mes chansons. Il fallait que je le récupère. Alors j’ai choisi l’appart en fonction de l’instrument. » Un tapis en atteste, prêt à l’accueillir, juste à côté d’un vélo posé contre le mur.

Ce pied-à-terre constitue la première grosse dépense de Béatrice Martin, 22 ans. Elle était à peine majeure quand Cœur de Pirate a pris le dessus avec un premier album vendu à plus de 600 000 exemplaires, essentiellement en France. « Ici, au Québec, cela a mis plus de temps, j’étais considérée comme une artiste branchée. Ma chanson

Comme des enfants

ne passait pas à la radio. » Chez nous, le morceau lui a valu en 2010 la Victoire de la musique de la chanson de l’année décernée par le public. « J’étais mal ce soir-là, j’avais peu confiance en moi et je me disais :

Pourquoi moi ?

En plus, cela n’allait plus très bien avec mon copain. »

Depuis quatre ans, Cœur de Pirate se confond souvent avec Béatrice Martin, qui sépare difficilement vie privée et vie publique. « Maintenant, je fais du yoga pour me calmer. Le succès m’est tombé dessus à une époque où j’étais invisible, je n’avais pas d’amis, je n’appartenais à aucune bande. Je pratiquais le piano tous les jours, ça m’a isolée aussi. Après l’album je ne me suis dit : Bon,

je ne suis pas toute seule alors.

»

Ses premières chansons avaient été écrites comme une thérapie, journal intime des dix-huit premières années de Béatrice Martin. Le deuxième résume les histoires d’amour malheureuses de Cœur de Pirate depuis trois ans. « Avec les mecs, c’est bizarre. Je m’accrochais à des musiciens parce qu’ils comprenaient la situation dans laquelle j’étais. » La chanteuse a vécu avec Fabrice Riballier, un Français du groupe Naive New Beaters. Elle en a fait l’une des grandes chansons de son disque, « Place de la République ». Puis elle a craqué sur Jay Malinowski, avec qui elle a même enregistré un disque éphémère, en anglais, sous le nom d’Armistice. « Plus jamais je referai cela. On a commencé à travailler ensemble pour sortir ensemble. Il y avait des problèmes d’ego, je ne trouvais pas ma place en studio. Jay était plus âgé, j’étais fan de son groupe, Bedouin Soundclash, quand j’avais 14 ans et, là, ce n’était pas mes chansons, pour la première fois. » Leur histoire a fait les choux gras de la presse people. Leur rupture aussi. « Quand t’es en amour avec quelqu’un, t’as envie de le dire à tout le monde. Et quand c’est fini, t’es obligée de te justifier… »

Mais Cœur de Pirate aime être une « Blonde ». « Au Québec, ce n’est pas péjoratif comme chez vous. La blonde, c’est l’amoureuse, c’est ce que j’ai été. » A défaut de retrouver un chéri, elle va bientôt récupérer son piano : « Avant, c’était une béquille, aujourd’hui, c’est un vieil ami. Car je commence à accepter l’idée d’être artiste. »

Cœur de Pirate en concert le 8 décembre à Paris au Bataclan (complet) et le 19 mars au Casino de Paris. En tournée dès le 26 novembre.

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