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Musique / Danse / Entretien

Omkara II, une musique à trois dimensions

Ragunath Manet, le danseur-musicien indien, et Didier Lockwood, le jazzman violoniste français, font à nouveau entrer le corps et la musique en vibration. « Le rythme est là pour nous unir » proclame Manet et Lockwood répond avec « une musique en trois dimensions ». Dix ans après leur spectacle Omkara, la suite Omkara II est à l’affiche du théâtre de la Gaîté Montparnasse à Paris. Entretien à deux voix.

Quand l’invité de « Culture vive » fait un geste qui parle de son œuvre.  Aujourd’hui : Raghunat Manet et Didier Lockwood, "Onkara II"
Quand l’invité de « Culture vive » fait un geste qui parle de son œuvre. Aujourd’hui : Raghunat Manet et Didier Lockwood, "Onkara II" Siegfried Forster / RFI
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RFI : Comment un danseur indien rencontre un jazzman du nord ?

Didier Lockwood : Il y a une trentaine d’années, une de mes premières tournées c’était l’Inde, avec des concerts à Bombay et notamment des concerts à Pondichéry. Et c’est à cette occasion que Raghunath m’avait entendu. Et donc quelque vingt ans plus tard, puisqu’il y a onze ans, Raghunath Manet m'appelait pour me demander si on pouvait faire quelque chose ensemble. Cela a été Omkara I.

RFI : Vous n’êtes pas tout à fait un classique. Ce n’est pas si étonnant que cela, de vous retrouver sur scène, avec un danseur musicien indien, puisque vous avez toujours aimé les chemins de travers. Dès les années 1970, vous avec préféré faire du rock, plutôt que de rentrer au conservatoire. C’était avec le groupe Magma, et vous avez toujours aimé mêler et frotter les genres. C’est votre marque de fabrique ?

D.L. : Oui, parce qu’en fait, je n’ai peut-être pas suffisamment de courage et de patience pour aller au fond des choses, donc je butine. Comme un VTT, un violon tout terrain, un peu… Je butine tout ce que le monde de la musique, l’univers de la musique, peut m’apporter comme découverte.

RFI : Raghunath Manet, vous aimez aussi les mélanges ?

Omkara II, de Didier Lockwood et Ragunath Manet
Omkara II, de Didier Lockwood et Ragunath Manet

R.M. : Complètement. Je viens d’une tradition, la plus ancienne au monde, puisqu’il suffit de voir les théories de la danse ou de la musique, qui sont confondues chez nous, et écrites déjà au 10e siècle av. J.-C. Alors, même si on fait l’histoire de la théorie de la musique de jazz, ou musique contemporaine, ou musique classique, danse classique, de l’Occident… Elle n’est pas vieille ! L’Inde est un pays millénaire ! Qui a connu l’âge d’or, avant toutes les autres civilisations !
Nous avons enfermé cet héritage des Dieux dans les temples. Chez les maharadjahs jusqu’à aujourd’hui, on a conservé cette vieille tradition. Qui dit tradition, ça ne veut pas dire quelque chose qui est boîte de conserve ! C’est une tradition constamment vivante ! C’est de la richesse du monde ! Et ce n’est pas étonnant ! Je pense que c’est l’avenir de l’humanité : aller se ressourcer dans les arts traditionnels, parce que les arts traditionnels donnent le fondement des choses ! Et à partir de là on peut construire autant d’étages que vous voulez.
Allez voir le cinéma indien : on fait du hip hop, musique classique… Tout passe ! Cela veut dire que nous avons une façon de cohabiter avec le moderne, avec nos traditions.

RFI : Comment vous, Didier Lockwood, jazzman, pourriez-vous raconter la musique indienne ? Qu’est-ce qui fait le lien ? Qu’est-ce qui fait que ça marche, que cela rythme ensemble ?

D.L. : Quand on parle de rythme on parle de rapport au corps. C’est peut-être cette différence, la distinction qu’on peut faire entre la musique du nord de l’Inde et la musique du sud de l’Inde. Toutes les musiques du Sud, en général, sont rattachées au corps et à la danse. C’est cela qui vous donne cette impression d’énergie, parce que le corps parle à travers la musique. Le corps est vibration, la musique est vibration, et tout rentre en vibration. On n’est pas dans un concept cérébral intellectuel, conceptuel, mais simplement dans la mise en vie de tous nos instincts. Et dans la symbiose de nos instincts, qui va se faire à travers nos cultures différentes. C’est ce qui fait qu’au bout du compte, eh bien ce sont des métissages qui font les plus beaux enfants.
On arrive à se dépasser nous-mêmes et à créer – entre ces hiatus qui sont nos cultures différentes – une nouvelle vérité qui n’est pas la nôtre et qui est peut-être celle du public qui vient nous voir, parce que le public est très important.  On le sent, il rentre en vibration avec ce qu’on donne au niveau de l’énergie. La manière dont le public reçoit, cela nous fait dépasser et créer quelque chose qui est chaque soir différent.

RFI : Est-ce une musique hybride ? Est-elle plus indienne ou plus jazzy ?
 
R.M. : Elle est universelle. A un moment donné le rythme est là pour nous unir, et on reste dans nos différences. Et les différences font la richesse. A un moment donné chacun essaie de tendre vers quelque chose, ce qui fait qu’on ne peut pas être insensible.

D.L. : Ce qui pourrait faire la différence, c’est que la musique indienne est modale. Cela veut dire qu’on a une tonique, un bourdon, et on travaille sur ce bourdon. Si je jouais dans l’esprit indien, je jouerais toujours dans un raga par rapport à ce bourdon. Alors que là, j’utilise le système occidental de l’harmonie. Je passe des harmonies à l’intérieur. Donc, on passe dans une musique à trois dimensions. Ce qui fait l’intérêt de la chose c’est qu’on garde quand même l’esprit de la musique indienne, mais au-dessus, on y intègre toutes ces dimensions que la musique occidentale nous apporte. 

Omkara II, de Ragunath Manet et Didier Lockwood, avec la participation de
Aurélie Claire Prost (chant) et Murugan (percussions), à la Gaîté Montparnasse à Paris, jusqu'au 31 décembre 2011. 

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