culture | critique De la pluralité des mondes sonores habités

Georges MASSON. - 01 févr. 2012 à 05:00 - Temps de lecture :
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Le pianiste concertiste Thierry Pécou est en résidence à l’Arsenal de Metz.   Photo DR
Le pianiste concertiste Thierry Pécou est en résidence à l’Arsenal de Metz. Photo DR

Le mouvement de balancier de l’avant-gardisme, qui avait touché les extrêmes de ce que l’on pouvait explorer sur le terrain de la « contemporaine », poursuit furieusement son retour inverse vers des gestes musicaux qui dépassent aujourd’hui le postmodernisme pour s’installer dans une sorte de passé-présent où tout le monde il est beau tout le monde il est gentil. Plusieurs concerts, qui se sont succédé à l’Arsenal de Metz, viennent de sonner le tic-tac de cette nouvelle inflorescence sonore qui se déguste dans la relaxation aux antipodes du diktat de jadis.

Le récent concert dans le cadre de la résidence de Thierry Pécou ratisse large, comme si la recherche occidentale n’avait fourni que de la matière hautement sophistiquée et fait avancer la fouille des nouveaux champs sonores et rythmiques. Jusqu’à ses précédents concerts, le compositeur ne nous avait pas vraiment convaincus avec ses pièces qui nous semblaient élémentaires, avec leur rythmique d’abécédaire et leur écriture sans surprises.

A la recherche du temps perdu de la musique ?

Sans vouloir copier le concept de pluralité des mondes habités de Flammarion, c’est à une autre prospective sonore universelle à laquelle se livre Thierry Pécou, remplumé de ses « Perroquets d’azur » et dont ses nouvelles pièces sont d’une étonnante effervescence et parfumées d’essences inconnues.

A la recherche d’une manière de temps perdu de la musique, et avec cette ambition roborative d’une planétarisation croisée des vibrations et des résonances, mais pas n’importe laquelle, il a convoqué les Percussions claviers de Lyon et l’Ensemble Variances. Au-delà de la globalisante world music qui fricote trop avec le show-biz, il a choisi un autre filet de pêche tout aussi rassembleur mais moins omnipotent, en brassant les cultures traditionnelles séculaires qu’il amalgame en un geste global fuyant l’exotisme un peu trop… exotique. Il faut avouer que cette kaléidoscopie sonore a un impact sur l’oreille, ses éléments de langage musical étant véhiculés dans un maelström euphorisant et à la dynamique surprenante. Au menu du jour libellé Le Mexique est en fête, Thierry Pécou proposa L’Arbre aux fleurs pour cinq percussions à base de marimbas et de vibraphones, qui nous entraînent dans mille combinaisons ondulatoires, douces, ouatées ou claquantes, avec leurs progressions répétitives (un zeste de Phil. Glass…) les musiciens faisant goûter à l’auditeur cette poétique de l’ailleurs.

Dans son Tremendum, Thierry Pécou booste ses partenaires, avec cette éruption de diable au piano, dans ce qu’il appelle son concerto-carnaval, où il picore un peu chez Milhaud et chez Stravinsky, avec cette once de Debussy, on est presque dans l’impressionnisme exotisant, et où l’on se repaît d’une sorte de baroquisme jubilatoire tenant à la fois du macabre et de la fiesta brésilienne. Gabriela d’Ortiz, cette musicienne de la Sierra Madre, se complaît, elle aussi, dans la douceur onduleuse de son Papaloapan, naviguant entre ses glissandos, ses martelés, ses petites plages de mystère et d’attente immobile, jusqu’aux mini-bruits au pianisme délicat, puis dans l’exaltation de son Rhône aux climats contrastés, la séance ayant été ouverte avec Guillermo Diego, à l’ambiance assez identique, entre chicanes, batifolages, rythmes à cloche-pied, un peu stravinskystes. Mythes antiques repeints aux couleurs du monde ? Divertissant en tout cas.