On peut à la fois se retrouver sur scène et sur la sellette : c'est le cas de l'Orchestre national d'Ile-de-France (Ondif). Le 20 février, la phalange francilienne sera l'invitée des Victoires de la musique classique au Palais des congrès, à Paris, à 20 h 35 (en direct sur France 3 et sur France Musique) - et le premier orchestre symphonique français à subir une baisse de subvention drastique.
"La nouvelle est tombée au conseil d'administration du 4 octobre 2011, explique la directrice générale de l'Ondif, Fabienne Voisin. La direction régionale des affaires culturelles a annoncé sa décision de réduire notre subvention de 700 000 € en quatre ans (soit 175 000 € annuels de 2012 à 2015). Celle-ci passera donc de 2,2 millions à 1,5 million d'euros à partir de 2015." Une pétition a aussitôt été lancée pour dénoncer une décision mettant en danger l'avenir de l'orchestre. Elle a notamment été signée par le président de la région Ile-de-France, Jean-Paul Huchon, principal pourvoyeur de fonds de l'orchestre : 7 850 000 euros annuels sur un budget global de 10 millions d'euros.
Du côté de l'Etat, on plaide le recadrage budgétaire annoncé l'an dernier par le ministère de la culture. "L'Ondif était en position de leader il y a trente ans, affirme la directrice de la DRAC, Muriel Genthon, mais nous avons vu émerger des projets nouveaux qui réclament des aides supplémentaires."
Dans une lettre du 5 janvier adressée à la direction de l'orchestre, Muriel Genthon pointe clairement les postes sur lesquels devront porter les efforts. Lesquels concernent certes frais de communication, réception et autre prime d'habillement, mais aussi les activités liées à la musique de chambre, la saison d'été et les événements exceptionnels. Les plus problématiques : "le recrutement relatif aux postes de musiciens permanents vacants (hors solistes)" et surtout "l'action culturelle". Comment honorer une qualité artistique si l'on doit faire appel à des intermittents ? Comment garder un chef d'orchestre - Enrique Mazzola devrait succéder en septembre au septennat de Yoel Levi - si on lui enlève "immédiatement les moyens d'accomplir la mission qui lui a été confiée ?", s'inquiète le Syndicat national des musiciens Force ouvrière au conseil d'administration du 9 novembre 2011.
Le but avoué de ce désengagement de l'Etat : "Proposer aux collectivités territoriales (villes, communautés d'agglomérations, conseils généraux) les conditions de nouveaux partenariats au-delà du simple contrat de cession." Soit, en langage courant, faire payer les villes et les huit départements de la région Ile-de-France. "Nous n'avons rien caché de tout cela à Fabienne Voisin lors de son recrutement en juillet 2011, affirme Muriel Genthon. Elle savait qu'elle aurait à faire face au défi de revoir les acquis et trouver des perspectives liées à de nouvelles formes d'intervention." Fabienne Voisin évoque une simple conversation de trottoir. Quant aux 95 musiciens de cet orchestre né en 1974 (basé depuis 1996 à Alfortville, dans le Val-de-Marne), ils se sentent désavoués.
Bernard Vandenbroucque, violoncelliste à l'Ondif depuis 1982 et secrétaire du comité d'entreprise, de déclarer : "C'est ignorer tout simplement la spécificité de cet orchestre au service de la démocratisation de la culture. Chaque année, nous diffusons la musique classique devant 90 000 banlieusards sur tout le territoire francilien, soit une centaine de concerts, dont 70 dans une cinquantaine de villes d'Ile-de-France. Nous ne sommes pas un orchestre comme les autres !" Cela n'avait pas échappé au très sérieux mensuel britannique Gramophone, dont le numéro paru en avril 2009 avait classé l'Orchestre national d'Ile-de-France dans le "Top Ten des orchestres les plus engagés au monde".
Sur le Web : www.orchestre-ile.com.
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