L'aura, l'aura pas ? Mercredi 7 mars, à la fin du ballet La Bayadère, de Rudolf Noureev, salué par des salves de rappels, un pied de micro argenté surgit devant l'immense rideau bleu nuit de l'Opéra Bastille, à Paris. Le public suspend ses applaudissements. Le directeur de l'Opéra de Paris, Nicolas Joel, et Brigitte Lefèvre, directrice de la danse, apparaissent. Deux minutes et deux blagues plus tard, c'est fait. Le premier danseur, Josua Hoffalt, 27 ans, a décroché le titre d'étoile de l'Opéra national de Paris. Standing ovation des 2 700 spectateurs de Bastille, émotion à gogo.
Secret de Polichinelle que cette nomination au grade le plus férocement désiré du ballet de l'Opéra ? Sans vendre la peau du tigre en peluche - Bayadère oblige ! - avant de l'avoir tué, les indices s'accumulaient. Hoffalt était distribué pour la première représentation d'une grosse production du répertoire classique entre deux étoiles, Aurélie Dupont et Dorothée Gilbert. Et, depuis le début de la saison, il a additionné les prises de rôle de premier plan dans Cendrillon, de Rudolf Noureev, et Onéguine, de John Cranko.
Il n'empêche qu'une mauvaise prestation dans La Bayadère, un cafouillage dans les pics techniques, un dérapage dans les portés auraient tout bonnement annulé l'annonce. Autant dire le stress vécu pendant les deux heures et demie que dure ce ballet monstre par Josua Hoffalt.
Dans son costume vert émeraude avec son turban assorti, Hoffalt a parfaitement assumé le rôle du guerrier Solor, ce qui n'est pas une mince affaire. Trop expressif, il devient ridicule ; trop effacé, il manque de coffre. Il a aussi négocié toutes les chicanes techniques. Pantomime précise, design du geste limpide, bon partenariat avec ses collègues féminines. "On sait toujours plus ou moins que l'on va être nommé étoile mais jamais exactement quand, commente Dorothée Gilbert, nommée en 2007. J'espérais beaucoup que ça se passe mercredi pour Josua. J'ai essayé de le soutenir le plus possible. Evidemment, ça ne change pas grand-chose au fond, ça ne l'a sans doute pas empêché de se demander si le directeur était dans les coulisses tout en ayant peur d'être déçu, mais j'ai fait au mieux."
Echelon suprême
La promotion au rang d'étoile est une anomalie dans le fonctionnement du Ballet de l'Opéra de Paris. Alors que l'on monte en grade dans la hiérarchie sur concours chaque année, c'est sur une proposition de Brigitte Lefèvre à Nicolas Joel qu'un danseur peut accéder à l'échelon suprême. Hoffalt a rejoint la petite équipe des huit étoiles masculines de la maison. Il sera à l'affiche de Dances at a Gathering de Jerome Robbins, au Palais Garnier, jusqu'au 31 mars, et de La Bayadère les 17, 20 et 22 mars. Cette dernière représentation sera filmée et diffusée en direct dans plus de cent salles de cinéma en France et en Europe.
Sur le Web : www.operadeparis.fr.
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