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Théodore Dubois sort du bois

Directeur du Conservatoire élu à l'Académie des Beaux-Arts en 1894, Théodore Dubois a dû attendre l'âge de la retraite pour se consacrer à la musique. Bianchetti/leemage

En pleine année Debussy, un compositeur français inconnu fait une percée au rayon classique. Retour sur le plus improbable des «revivals».

Cette année, on fête le 150e anniversaire de Debussy. 2013 sera, pour la France, l'année Poulenc. C'est pourtant un outsider qui fait en ce moment l'objet de toutes les attentions. Son nom? Théodore Dubois. Avec pas moins de dix-sept parutions discographiques d'ici à la fin 2013, la publication récente de ses Souvenirs et celle future de son Journal, un festival de deux mois orchestré par le Palazzetto Bru Zane de Venise, ce «soldat inconnu» de la musique française connaît un spectaculaire regain d'intérêt. Aparté, le label qui monte, a fait de son Paradis perdu (un oratorio qui n'a guère à envier à certaines pages de Gounod) son disque phare du printemps. Vanessa Wagner vient de livrer un enregistrement live aussi émouvant que passionné de son second concerto pour piano. Et le Brussels Philharmonic, qui ne touche plus terre depuis le succès de la bande originale du film The Artist, s'attelle à sa Symphonie no 2.

Une mauvaise réputation

Mais est-il vraiment un inconnu, celui que la plupart des musiciens professionnels connaissent au moins de nom pour avoir planché sur son Traité d'harmonie? Pour Alexandre Dratwicki, ­directeur scientifique du Centre de musique romantique française et auteur de ce «revival Dubois», «cet ancien directeur du Conservatoire de Paris, assimilé au milieu officiel de la fin du XIXe siècle, cristallise deux enjeux majeurs: la redécouverte de compositeurs célébrés en leur temps mais aujourd'hui oubliés du grand public; et la réhabilitation d'artistes qui, en raison d'une méconnaissance, souffrent dans le milieu musical d'une image catastrophique».

Sa mauvaise réputation, Théodore Dubois la doit avant tout à sa position privilégiée de directeur du Conservatoire élu à l'Académie des beaux-arts en 1894. Or «c'est une chose que d'être académicien, ironise Alexandre Dratwicki. C'en est une autre que d'être académique». Une position qui, selon le chercheur, l'aura desservi jusqu'au bout: «Dubois n'a eu le temps de se consacrer à sa musique qu'une fois atteint l'âge de la retraite, en 1905. De fait, nombre de ses compositions parurent has been pour l'époque.»

Plus audacieux que Wagner

Mais il la doit aussi à son satané Traité d'harmonie. Geoffroy Jourdain, chef des Cris de Paris, a enregistré le Paradis perdu. Il se souvient de sa première rencontre avec l'équipe du Palazzetto. «Lorsqu'ils m'ont dit qu'ils avaient pensé à nous pour Dubois, j'ai souri. Comme tout le monde, je ne connaissais rien de sa musique. Je n'avais que le souvenir douloureux de ces heures passées à étudier son traité, qui enseigne l'harmonie comme on apprenait l'histoire ou la géographie au début du siècle dernier.» Pourtant, lui et ses chanteurs ont très vite été séduits par la richesse d'invention de sa musique. «Non qu'elle soit exempte de naïveté ou plus novatrice qu'un Debussy, mais, contrairement à la musique chorale de bien des compositeurs à venir, elle fourmille d'une multitude d'idées savamment organisées.» Pour Dratwicki, cette richesse d'invention n'a «rien d'étonnant de la part de celui qui enseigna la composition à Guy Ropartz ou Florent Schmitt».

Tous les grands professeurs ne font pas de grands musiciens. Alexandre Dratwicki le sait, d'ici à ce que le «génie de Dubois» soit unanimement reconnu, la route est encore longue. Question de temps, espère-t-il. «Ceux qui mettent encore en doute la légitimité de Dubois sont le plus souvent incapables de citer un seul de ses titres.» Il leur donne rendez-vous dans quelques mois, après la parution de sa Symphonie no 2. Dans le final, le compositeur y ferait montre «de chutes chromatiques que même Strauss ou Wagner n'auraient pas osées».

Festival Théodore Dubois à Venise, jusqu'au 27 mai. Rens.: www.bru-zane.com

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1 commentaire
  • pins22

    le

    que peut bien contenir ce traité d'harmonie et pourquoi nous a t'on changé notre fréquence musicale? 440HZ au lieu de 432HZ (subliminal avant tout car platon disait : qui sait contrôler son peuple, sait contrôler sa musique. ????

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