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Billet de blog 7 février 2012

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Faut-il continuer à statufier Truffaut ?

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La chaîne ARTE (dont la programmation s'est bien améliorée ces derniers mois) diffusait hier soir, en hommage à François Truffaut, son dernier film "Vivement dimanche" (1983) et l'une de ses premières oeuvres "Tirez sur le pianiste" (1960).

La relecture de ces deux films devrait modifier sensiblement la cote d'estime de ce cinéaste, considéré comme représentatif du cinéma français qu'il a d'ailleurs incarné dans les grands festivals jusqu'à son décès en 1984 .

En effet, autant on a pu apprécier le ton original et les trouvailles iconoclastes (Boby Lapointe) de "Tirez sur le pianiste", autant on reste confondu aujourd'hui face au traitement scolaire et à l'académisme bien-pensant de "Vivement dimanche" qui n'est en réalité qu'une déclaration d'amour du réalisateur à son actrice principale...

Pour ceux qui l'ont connu et fréquenté (j'en suis), Truffaut était un autodidacte doté d'une forte personnalité, un charmeur et un séducteur. Il s'était imposé au milieu parisien en s'opposant aux caciques de l'époque (Clouzot,Cayatte, Delannoy, Autant-Lara) par des articles au vitriol dans un hebdo à la mode "Arts" et dans "Les cahiers du cinéma" dont le credo était :" Le plus mauvais film américain est meilleur que le meilleur film français".

Passant de la plume à la caméra, Truffaut fera le même cinéma que celui qu'il a stigmatisé : il sera classique, pour ne pas dire académique, et "son bref passage dans le thriller ou la science-fiction catastrophique"*. Oublié Hitchcock auquel il consacra un grand livre, oubliées les grandes leçons de mise en scène des maîtres américains (Hawks,Siegel,etc)...Truffaut va se situer dans une tradition française fondée sur l'observation de la vie quotidienne et sur l'étude des caractères. Avec le cycle Doinel il règlera son compte avec le passé mais Jean-Pierre Léaud finira par absorber son créateur. Alors il appelera à sa rescousse écrivains (Irish, Goodis, James, Hugo, Rebatet) et cinéastes (Sacha Guitry) pour accomplir une oeuvre cahotique et inégale toutefois marquée par deux films qui restent des joyaux à l'épreuve du temps : "Jules et Jim" (1961) ou le triomphe de Jeanne Moreau, et "Le dernier métro" (1980) qui doit beaucoup à l'écriture de Suzanne Schiffman.

Comment peut-on statufier un cinéaste dont la carrière repose sur un malentendu ? Comment peut-on béer d'admiration pour un réalisateur qui s'est appliqué à réaliser des films de cinéphile, sans profondeur ni véritable originalité ? En réalité, Truffaut est à l'image de la société française bien-pensante. En s'inscrivant modestement dans le sillage de Jean Renoir, il pourra encore faire l'objet d'étude dans les écoles de cinéma.

Mais n'oublions pas tout de même Alain Resnais, Louis Malle, Jacques Demy, Jean-Luc Godard et Jean-Pierre Mocky.

François Truffaut restera sans doute comme l'un des personnages de son film "La nuit américaine" (1973) : un météore surévalué.

* Tulard (Dictionnaire du cinéma, Robert Laffont)

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