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Des Indes galantes savoureuses

À Toulouse, l'opéra-ballet de Rameau bénéficie d'une belle réalisation.

Que faire des Indes galantes ? Cet opéra-ballet, où le conflit entre la déesse des plaisirs et celle de la gloire se résout par une sorte de «faites l'amour, pas la guerre» sur fond d'exotisme, ne raconte pas une histoire suivie mais se décompose en «entrées»: les Turcs, les Incas, les Fleurs, les Sauvages sont les univers successifs qui ont inspiré à Rameau sa flamboyante musique.

Au Capitole de Toulouse, la chorégraphe Laura Scozzi a trouvé une solution. Elle transpose les actions dans des environnements qui nous sont familiers: le prologue allégorique nous transporte dans un paradis terrestre où la nature est inviolée, le tableau des Turcs dans un Proche-Orient où un leader mafieux rackette les candidates à l'émigration, celui dans Incas chez les narcotrafiquants d'Amérique latine, celui des Fleurs dans une république islamique où les femmes sont traitées comme des objets, et les Sauvages sont les capitalistes qui déforestent pour construire. Ainsi raconté, on peut se demander si le trait n'est pas forcé, et si les Indes galantes en demandaient tant. Mais la réalisation est tellement savoureuse et virtuose qu'on se laisse entraîner.

Des habitants de l'Éden, nus comme des vers et ravis de la crèche, à la caricature de l'American way of life, en passant par les trois impayables assistantes de Cupidon, maladroites et gaffeuses, le timing est de l'ordre d'un gag et d'un effet spécial à la minute: irrésistible. Et quand il s'agit de redevenir sérieux, cela peut devenir glaçant, comme cette charge assez courageuse contre un certain islamisme qui dégrade la femme sous couvert de religion.

D'abord pris à contre-pied, le public toulousain se laisse assez vite gagner par cette vitalité. Malheureusement, la réalisation musicale n'est pas tout à fait à ce niveau. Non que les Talens lyriques de Christophe Rousset sonnent mal, au contraire. Mais où sont l'éclat symphonique et l'audace pré-berliozienne de l'orchestre de Rameau? Ils sont ici trop cadrés, pour ne pas dire étriqués.

On a entendu ce répertoire mieux dit et chanté, même si Hélène ­Guilmette parvient à émouvoir et si le style de Cyril Auvity et Thomas Dolié mérite tous les éloges. Décidément, c'est la tête pleine d'images que l'on sort du Capitole.

Capitole de Toulouse, jusqu'au 15 mai. Tél.: 05 61 63 13 13.

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