La guerre des Molières aura bien lieu

La présidente de l'Académie fait face à la fronde de directeurs de théâtres privés, qui ont décidé de se retirer de la cérémonie.

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Laurent Laffitte, lors de la cérémonie 2011 des
Laurent Laffitte, lors de la cérémonie 2011 des "Molières". © Sipa

Temps de lecture : 3 min

Point de "guerre picrocholine" là-dessous. Ni la revanche de directeurs "frustrés" de n'être pas assez primés, comme l'avait laissé entendre le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand. Ni même, pensez donc, l'énième avatar du conflit "théâtre public-théâtre privé". Non. Les théâtres (29 selon les "dissidents", 22 selon les "légitimistes") qui appellent à "tourner la page des Molières" l'en assurent : leur mouvement ne vise pas à enterrer la cérémonie, mais, bien au contraire !, à la faire renaître, à la secouer, à la sauver de la sclérose.

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Selon Francis Nani, le directeur du théâtre du Palais-Royal qui, depuis le 29 novembre 2011, mène le mouvement, la soirée doit en effet être entièrement repensée. Pour lui, qui l'a vue naître il y a 25 ans et qui a passé plus d'un demi-siècle dans le métier, il est urgent qu'elle redevienne ce qu'elle fut lors de sa création : "une grande fête", destinée à donner l'envie du théâtre au public le plus large. Comme à l'époque où, raconte-t-il, le spectacle était dans la salle autant que sur scène, et où les spectateurs se gondolaient devant Poiret ou Serraut. "Aujourd'hui, la cérémonie est beaucoup trop longue, déplore-t-il. Il faudrait arrêter de la diffuser en direct, pour pouvoir couper au montage les discours qui emmerdent le monde. Et faire participer les spectateurs aux votes !"

Ennui

"Emmerdant" ? Le terme est fleuri. Mais qui aime bien... "Notre seule motivation, écrivent les frondeurs dans une mise au point à destination de la presse, est de travailler à la création d'une nouvelle soirée, avec l'ambition d'en faire un événement culturel, moderne et festif, capable de donner ou de redonner aux téléspectateurs le goût, l'envie, la curiosité de venir au théâtre, sans se cantonner dans le registre de la remise des prix et des discours convenus."

Les téléspectateurs sont-ils de cet avis ? Les audiences de la soirée, traditionnellement retransmise sur France 2, se dégradent chaque année. En 2011, malgré de louables efforts pour rendre la cérémonie plus vivante ("grâce au p'tit Laffitte, ça avait gagné en mieux", concède Francis Nani), les Molières avaient encore perdu un million de fidèles. Et le retrait des "privés" pourrait donner le coup de grâce : Rémi Pflimlin, président de France Télévisions, demande aux différentes parties de s'accorder et suspend à ces négociations sa décision de retransmettre ou non la soirée.

Négociations

Myriam Feune de Colombi, présidente de l'Académie des Molières, dit, elle, ne pas comprendre ce que cherchent les "dissidents". "Bien sûr que des améliorations peuvent être faites, que la cérémonie pourrait être plus vivante, plus courte. Mais au nom de quoi priver cette année de Molières les gens de théâtre ? Et pourquoi ? Pour créer une soirée à seule destination des grandes salles privées ?, s'indigne-t-elle. C'est une très belle manifestation, où les artistes sont récompensés par leurs pairs, où les petits et les grands sont au même niveau, où nous sommes tous réunis. Pourquoi mettre fin à un tel événement ?"

Dans une lettre adressée le 20 janvier aux membres de l'association, elle annonçait que la cérémonie 2012 aurait lieu "le 1er avril" "au théâtre des Folies-Bergère"... tout en demandant le soutien de chacun pour que les Molières "se déroulent, au-delà des dissensions, dans l'harmonie, la joie et la fierté de donner au public une image (...) forte et sereine de l'union et de la grandeur du théâtre français". D'union, il ne semble guère y en avoir aujourd'hui. Mais la présidente peut du moins se vanter d'avoir réuni autour de sa cause des noms prestigieux : Claude Brasseur, Zabou Breitman, Michel Galabru, Michel Leeb, André Dussolier, Isabelle Carré...

Les frondeurs assurent que l'Académie a fermé la porte à toute discussion ; Myriam de Colombi jure à l'inverse d'avoir proposé une concertation - "pour toute réponse, nous avons reçu du Fonds de soutien au théâtre privé une lettre annonçant qu'il retirait sa subvention (50 000 euros) à l'association". Pas de guerre picrocholine ? Reste à en convaincre le public, que ce conflit très parisien pourrait laisser froid.

Commentaire (1)

  • Toth

    Je découvre qu'une guerre serait déclarée entre les partisans de la continuité dans la tradition et ceux d'une certaine nouveauté. J'aime le théâtre, j'aime y aller, mais il y a quelques années que je ne regarde plus l'ennuyeuse cérémonie des Molières. Je suis donc d'accord avec le constat des "modernistes" tout en n'étant pas favorable à un montage complet et un différé de l'émission. L'idéal serait peut-être un léger différé permettant de couper les longs plaidoyers publicitaires pro domo tout en assurant un quasi direct. Le réalisateur de l'émission prenant le risque de déplaire à certains lauréats et à leurs amis. Mais peut-être est-ce, là aussi, trop demander en matière d'indépendance aux puissances d'argent ?