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Haïm : une histoire juive

Des ghettos de Lodz au camp d'Auschwitz, et jusqu'en Israël, une cavalcade de vie et de musique.

Par Nathaniel Herzberg

Publié le 02 mars 2012 à 13h55, modifié le 02 mars 2012 à 17h45

Temps de Lecture 2 min.

Derrière la voix de la récitante (Anouk Grinberg), les musiciens racontent l'histoire à leur manière.

Sur la scène du Vingtième Théâtre, le vieil homme salue. Pas comme la comédienne et les quatre musiciens qui l'entourent, rompus aux codes du métier. Plutôt à la manière d'un sportif, bras levés, sourire éclatant. Pour un peu, il ferait un tour d'honneur.

Haïm Lipsky n'a pas joué, ce samedi après-midi. Pas plus qu'il ne jouera le lendemain, et tous les week-ends, jusqu'au 3 juin. Mais ce spectacle est un peu le sien. Le violoniste, qui se tient à ses côtés et l'entoure d'un bras chaleureux, est son petit-fils, Naaman Sluchin. Et l'histoire, écrite et mise en scène par Gérald Garutti, qui vient de défiler pendant une heure trente, il la connaît mieux que quiconque : il l'a vécue.

Haïm. En hébreu, "les vies". Difficile de mieux tomber, tant il lui a fallu d'appétit de vivre pour arriver jusqu'à nous, et tant cette existence a connu de strates successives. Lodz, en Pologne, d'abord, et son faubourg ouvrier, Baluta. Un tiers de la population est juif. "Ceux qui sont là savent qu'ils resteront pour toujours, et c'est bien", sourit la récitante Anouk Grinberg.

Une famille de sept enfants, au coeur du yiddishland, la pauvreté comme quotidien, les blagues comme "recours contre les malheurs du temps". Et la musique, comme passion suprême. L'enfant est doué, très doué. La mandoline n'y suffit pas. Au marché, il achète un violon, regarde les musiciens des rues. Et apprend, seul. Puis enseigne, pour soutenir les siens. Derrière la voix de la récitante, quatre musiciens racontent l'histoire à leur manière. Des mélodies traditionnelles juives, des jaillissements de klezmer ou des pièces du répertoire classique, Mendelssohn, Schumann, Enesco, Bartok... Pas de décors. Pas besoin. Avec leurs instruments, Naaman Sluchin et ses compères, Dana Ciocarlie au piano, Alexis Kune à l'accordéon et Samuel Maquin à la clarinette, nous conduisent dans une masure miséreuse, une rue grouillante et joyeuse, ou une salle de concert silencieuse.

La suite, l'Histoire nous a appris à l'imaginer. La Pologne envahie par les nazis, le ghetto de Lodz, puis Auschwitz. Haïm Lipsky vivait pour le violon, le violon lui sauve la vie. Recruté dans l'orchestre du camp, il échappe au destin qui emporte ses parents, ses frères et soeurs. A la Libération, il rêve d'Amérique et toujours de musique ; ce sera la "Terre promise", l'Etat juif qu'il faut construire, et le métier d'électricien.

La musique pourtant ne l'a jamais quitté. A 90 ans, il joue toujours une à deux heures par jour. Surtout, il a transmis sa passion à ses enfants. Un fils violoncelliste et chef d'orchestre, une fille violoniste et une bordée de petits-enfants instrumentistes : le témoin est passé. Et circule encore, entre la scène et la salle du Vingtième Théâtre.

Les cahots ne manquent pas et les roues grincent dans ce spectacle composite. Entre un texte qui peine à décoller et une récitante qui pousse constamment le moteur, difficile parfois de trouver l'équilibre. Mais comme dans la vie d'Haïm, une force salvatrice emporte tout. La musique.


"Haïm - A la lumière d'un violon", texte et mise en scène de Gérald Garutti. Vingtième Théâtre, 7, rue des Plâtrières, Paris 20e. 01-48-65-97-90. Jusqu'au 3 juin. Le samedi à 15 heures et le dimanche à 20 h 30. De 5 € à 24 €. Sur le Web : Vingtiemetheatre.com.

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