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Un compositeur dans l'air du temps

Portrait de Claude Debussy, 1885. Marcel Baschet, Portrait de Claude Debussy, 1885, Paris, musée d'Orsay

Si certains compositeurs, comme Mozart, étaient pour le moins vagues dans les indications portées sur leurs partitions, Debussy truffait chaque mesure d'annotations précises. S'il suffisait de les res...

Si certains compositeurs, comme Mozart, étaient pour le moins vagues dans les indications portées sur leurs partitions, Debussy truffait chaque mesure d'annotations précises. S'il suffisait de les respecter à la lettre, toutes les interprétations de sa musique se ressembleraient, or il existe autant de lectures debussystes que de personnalités d'artistes! C'est que ces indications elles-mêmes, il faut commencer par les interpréter…

Il ne semble pas qu'il existe une évolution chronologique dans la façon de jouer Debussy. On a longtemps opposé une manière ancienne, revendiquant l'impressionnisme en noyant les notes sous la pédale du piano pour créer un flou artistique, et une manière moderne faisant ressortir la clarté et les lignes de force de la musique: Walter Gieseking vs Robert Casadesus, pour s'en tenir aux seuls pianistes. Rien n'est plus éloigné de la réalité. De tout en temps, il a existé des approches diverses.

Aujourd'hui, Jean-Efflam Bavouzet triomphe avec un Debussy structuré, dosé, pensé, tandis que Nelson Freire cherche davantage la délicatesse du toucher, la suggestion des atmosphères. Pour Philippe Bianconi, ce n'est pas une contradiction: «La poésie n'exclut ni la clarté ni la précision. Si, dans mon travail d'interprète, je ne peux faire l'économie d'une recherche analytique sur l'écriture et la forme, j'espère me situer dans la lignée de ceux qui privilégient une approche poétique.» Avant d'ajouter: «Je n'aime pas appliquer le terme d'abstraction à l'écriture debussyste car il peut faire supposer un côté purement cérébral, à mon avis totalement étranger à une musique d'une si grande sensualité.» Même son de ­cloche chez le chef d'orchestre Stéphane Denève, qui a enregistré l'intégrale Debussy avec l'Orchestre royal d'Écosse.

Le choix des instruments

Le travail sur la sonorité passe aussi par le choix des instruments. Dans son intégrale chez Decca, Philippe Cassard joue un piano Bechstein de 1898, la marque préférée du compositeur: «En la jouant, il m'a semblé comprendre ce que Debussy pouvait ressentir, entendre et éprouver», précise-t-il.

À l'orchestre, on se rend compte que les instruments d'aujourd'hui, infiniment plus précis et virtuoses que ceux d'autrefois, ne retrouvent pas toujours les timbres très typés de ceux des enregistrements d'avant-guerre, avec hautbois couinants et bassons nasillards. Le moyen, selon Stéphane Denève, de «s'affranchir d'un style trop opulent, trop cinémascope: je milite pour un Debussy théâtral, sensuel, visuel, chantant, allant, où toutes les lignes s'entendent, où rien n'est noyé.»

Quant à Philippe Jordan, il déclarait à propos de sa prochaine direction de Pelléas à l'Opéra de Paris: «Je vais surtout utiliser la transparence et la clarté.» Y aurait-il tout de même un air du temps?

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