Le rapport commandé par l'Opéra de Lyon arrive à point nommé dans une situation de récession et prouve que l'argent donné à l'opéra n'est pas forcément, comme le veut la croyance populaire, une mise de fonds à perte. Certes, il serait intéressant d'étayer ce rapport par d'autres du même type. Mais, en l'état, il prouve qu'un haut taux de satisfaction et de remplissage de salle n'est pas contradictoire avec une programmation inventive et exigeante.
Aussi, le "ronron" scandaleux de tant d'autres maisons lyriques est-il rudement mis à mal, celui, en particulier et au premier chef, de l'Opéra de Paris, qui semble vivre une ère muséale, glaciaire et passablement poussiéreuse. Tandis que tant de directeurs d'opéra s'abritent derrière la crainte de vider leurs salles par une programmation hors sentiers battus, l'Opéra de Lyon inflige une claque à ces lieux communs bien commodes.
La preuve est d'autant plus flagrante que l'âge moyen du public lyonnais est de 47 ans et que celui de l'Opéra de Paris, considérablement abaissé depuis l'ère de Gerard Mortier, connu pour ses propositions iconoclastes, est de deux ans plus jeune.
Manque d'imagination
Pourquoi son directeur actuel, Nicolas Joel, ne parvient-il pas, sur les mêmes principes, à faire de sa maison un lieu artistique véritablement international et créatif ? Est-il acceptable de voir l'Opéra de Lyon coproduire plusieurs spectacles avec le Metropolitan Opera de New York (dont certains auront été vus à Lyon avant New York) quand l'Opéra de Paris se contente souvent, en guise de "nouvelles productions", de la location ou du rachat de mises en scène d'autres opéras européens ?
Nicolas Joel dit volontiers qu'il préfère une production éprouvée à une nouvelle mise en scène ratée. L'ennui est que les productions venues d'ailleurs le sont aussi (ratées) le plus souvent et que les nouvelles productions ne le sont pas moins.
Passons sur le manque d'imagination de l'Opéra de Paris, qui fêtera les 100 ans de la mort de Jules Massenet avec Manon, l'un de ses deux opéras les plus connus. Mais pourquoi la première institution lyrique française présente-t-elle, parmi ses rares créations en vingt ans, un troisième ouvrage de Philippe Fénelon, compositeur estimable mais sans envergure internationale ?
Pourquoi les esthétiques proposées sont-elles si univoques alors que Lyon peut à la fois passer commande à un jeune avant-gardiste, Jérôme Combier (Terres et cendres, créé en mars 2012), et à un compositeur plus consonant, tel Thierry Escaich (dont l'opéra sur un livret de Robert Badinter sera créé en 2013) ?
L'Opéra de Paris aurait sûrement intérêt à commander un tel rapport qui, peut-être, nous apprendrait que le public parisien n'est pas celui qu'on croit et que Nicolas Joel, à ce stade de son mandat, s'est lourdement trompé...
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