Le grincement du mécanisme d'une pendule précède le déclenchement d'une aiguille. Ding-ding. Suivent la sonnerie d'un réveil et des sons de cloches manipulées par les musiciens. Dans la matinée du mercredi 18 janvier, à la Maison de la musique de Nanterre, a lieu la première répétition générale de La Face cachée de la Lune, sous la direction de Thierry Balasse. Les bruitages en introduction à Time, l'un des dix titres du disque The Dark Side of the Moon (1973) de Pink Floyd, sont joués en direct. La succession des cloches dure un peu trop longtemps, de l'avis de tous. On reprend. Il faut aussi travailler l'intensité du son. L'une est trop près du micro, l'autre trop loin.
Plus tard, ce sera la recherche du juste rythme produit par une caisse enregistreuse, des bols métalliques avec des pièces à l'intérieur, qui va occuper les interprètes. Le mouvement cyclique, tout en contretemps de Money, avec sa ligne de basse entêtante est plein de pièges. "Le faire avec des samples aurait été une facilité, explique Thierry Balasse, 47 ans, directeur artistique de la compagnie Inouïe, qui a décidé de présenter sur scène la musique du disque le plus connu de Pink Floyd, mais je souhaitais pouvoir montrer comment à l'époque avait été créé l'environnement sonore qui va avec la musique de Dark Side."
A plusieurs reprises du spectacle, créé à la Maison de la musique les 27 et 28 janvier, on verra ainsi les déplacements des musiciens qui deviennent bruiteurs, des images de manipulations montrées en direct sur des écrans. Une scénographie qui, comme les lumières, est due à Yves Godin. Identifié à la musique électroacoustique - il a travaillé avec Christian Zanési, Michèle Castellengo, Pierre Henry, David Jisse avec La Muse en circuit... -, Thierry Balasse est aussi un grand connaisseur et amateur de rock et de pop. L'idée de travailler sur Dark Side of the Moon remonte à une dizaine d'années, "lorsque j'ai redécouvert mon synthétiseur Mini Moog. La rencontre, plus tard, avec Laurent Dailleau, passionné par l'album, a été décisive".
En soi, jouer Dark Side of the Moon sur scène n'est pas une gageure. Des dizaines de tributes bands, formations qui se consacrent à la musique d'un groupe star, le font depuis des années. Pour Thierry Balasse, il s'agit d'abord d'une réflexion sur le son, sa nature, le timbre. Et d'une double approche : décortiquer la moindre milliseconde du disque - y compris les défauts, ralentissements, fausses notes... - et en faire un point de départ vers d'autres univers.
Un an de travail de documentation, d'écoutes, de préparation sur les instruments d'origine aura d'abord été nécessaire. Puis trouver les musiciens "n'a pas été trop compliqué, mais il a fallu pour certains, venus du jazz, de la musique classique, par exemple, qu'ils mettent de côté des réflexes". Dépasser le disque passe par des parties improvisées-préparées. Un blues par la chanteuse Elisabeth Gilly et le guitariste Eric Löhrer, avant Money, une séquence d'échanges entres synthétiseurs et claviers (Balasse, Dailleau, Cécile Maisonhaute, Julien Padovani), un solo de basse (Olivier Lété) pour remplacer la partie de saxophone d'Us and Them... Au sortir des répétitions, cette face cachée aura fait entendre son exactitude. Sans que l'on sente un rendu froid et mécanique.
La Face cachée de la Lune, création à la Maison de la musique de Nanterre, 8, rue des Anciennes-Mairies. RER A Nanterre-Ville. Vendredi 27 et samedi 28 janvier à 20 h 30. De 4,5 € à 23 €. Nanterre.fr.
Autres concerts : Théâtre de l'Agora, Evry, le 3 février (Theatreagora.com) ; Théâtre de Chelles, le 4 février (Theatre.chelles.fr).
Sur le Web : le dossier de presse de La Face cachée de la Lune.
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