Dans le Hindustan Times, Manas Chakravarty livre une analyse surprenante sur la déroute des Tigres de libération de l’Eelam tamoul (LTTE), confinés par l’armée sri-lankaise à une zone de 4 kilomètres carrés. Selon le journaliste indien, la défaite imminente des rebelles “ne peut pas être attribuée aux autorités sri-lankaises, puisque cela fait plusieurs décennies qu’elles combattaient la guérilla sans succès”. “Non, c’est sur les épaules de Prabhakaran lui-même [le chef des Tigres] que repose la responsabilité de la débâcle. Il y a un fait simple et terrible : il a commis le plus grave péché qu’un guérillero puisse commettre. Il est devenu gros.” Pour Chakravarty, c’est le signe qu’il est coupé de la base et qu’il a passé toutes ses années de clandestinité à s’empiffrer dans la jungle, bien loin du conflit réel.

D’ailleurs, “ce n’est pas la première fois qu’une révolution échoue parce que son meneur a pris trop de poids. L’organisation du Sentier lumineux a plongé le Pérou dans la terreur dans les années 1990 jusqu’à ce que son chef, Abimael Guzmán, soit capturé. Imaginez la surprise des soldats péruviens quand ils se sont rendu compte que le terroriste qu’ils avaient arrêté n’était pas une machine à tuer affûtée mais un gros poupon à l’allure de professeur. Toutes les tortillas à la crème avaient eu raison de sa silhouette. L’armée l’a tout de suite habillé avec des vêtements à grosses rayures horizontales pour qu’il ait l’air encore plus large et l’a montré en fanfare à la télévision. Cela contribua à la disparition rapide du mouvement, car personne, pas même un paysan péruvien, n’eut envie de prendre les armes pour un homme aussi ridiculement gros. Et cela vaut pour tous les révolutionnaires.” Bref, avoir une cause, c’est bien, mais il faut surtout avoir la ligne.