Marek Halter jeudi à la Halle aux Grains

L'Orchestre du Capitole rend hommage à Viktor Ullmann, victime de la barbarie nazie. Son concerto pour piano est joué jeudi soir pour la première fois en France.

Viktor Ullmann, mort à Auschwitz en 1944, avait composé en 1939 à Prague un Concerto pour piano. Déporté au camp de concentration de Terezin en 1942, comme beaucoup d'intellectuels et d'artistes, le compositeur n'entendra jamais son œuvre en concert. La pianiste d'origine ukrainienne Nathalia Romanenko fait revivre la partition d'Ullmann, lors d'un concert de l'Orchestre national du Capitole dirigé par Joseph Swensen. L'écrivain Marek Halter apporte son soutien à ce beau projet. « Le chant de la musique est plus puissant que le silence », dit-il. Entretien.

Qui est à l'origine du projet de création du concerto de Viktor Ullmann ?

J'ai écrit un livre sur « Le Kabbaliste de Prague ». En me rendant dans cette ville, j'ai su qu'Hitler voulait transformer Prague en une sorte de Jurassic Parc, un musée de la race juive éteinte. Cet endroit est le seul en Europe à conserver un vieux cimetière juif et une ancienne synagogue. Les nazis n'ont rien détruit pour cette raison. Je savais qu'il existait un camp de concentration près de Prague : Terezin, une ancienne forteresse. J'ai appris l'histoire des compositeurs enfermés dans ce camp lorsque Nathalia Romanenko, pianiste qui m'avait été présentée par Mstislav Rostropovitch, est venue m'apporter des documents et, surtout, les billets des concerts organisés à Terezin. Les musiciens enfermés là continuaient à écrire, à jouer de la musique. Ils espéraient sans doute pouvoir survivre. Sur un bout de film tourné par les nazis dans le camp, on peut voir Viktor Ullmann diriger un orchestre. Tous ceux qui l'applaudissent portent une étoile jaune.

Comment l'Orchestre national du Capitole s'est-il associé à cette histoire bouleversante ?

Lorsque Nathalia m'a dit : « Nous ne laisserons pas Hitler avoir le dernier mot contre la musique », j'ai pris contact avec Thierry d'Argoubet, le délégué général de l'Orchestre du Capitole. Je lui ai raconté cette histoire et demandé si l'orchestre était prêt à la faire connaître au monde. À la Halle aux Grains, la création française du concerto sera précédée de la projection du petit film tourné à Terezin. Je dirai quelques mots avant l'exécution de l'œuvre.

La musique peut-elle permettre de lutter contre la barbarie ?

Le pouvoir de la musique dépend de deux choses : de la manière dont on l'écoute et de qui l'écoute. Les nazis venaient écouter la musique parce qu'ils l'aimaient. Ils envoyaient ensuite les compositeurs à la mort. En plaçant cet événement sous le signe de l'art comme ouverture à la liberté, on donne une autre dimension à la musique. Je suis extrêmement ému en pensant au concert de jeudi. C'est la première fois que l'on va jouer l'œuvre d'un compositeur assassiné. Cet état d'esprit résonne comme un manifeste contre la barbarie.

Halle aux grains jeudi 8 mars à 20heures. 5 € à 44€. Tél. 05 61 63 13 13.