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Wikileaks : l'embarras de Washington au sujet des anciens détenus de Guantanamo

La décision annoncée par Barack Obama de fermer "aussitôt que possible" le centre de Guantanamo a suscité d'autant plus de réactions diplomatiques à travers le monde que Washington a approché plusieurs pays susceptibles d'accueillir des détenus en instance de libération.

Par Patrice Claude

Publié le 29 novembre 2010 à 22h31, modifié le 25 avril 2011 à 07h53

Temps de Lecture 3 min.

Les conditions de captivité dans le camp de Guantanamo font toujours polémique.

La décision annoncée par le président Barack Obama dès après son élection, de fermer "aussitôt que possible" le centre de détention controversé à Guantanamo (Cuba), a suscité d'autant plus de réactions diplomatiques à travers le monde que Washington a approché plusieurs pays susceptibles d'accueillir des détenus en instance de libération.

Selon un télégramme classé "secret" et daté du 5 février 2009, obtenu par WikiLeaks et révélé par Le Monde, le ministre de l'intérieur du Koweït, cheikh Jaber Al-Khalid Al-Sabah, donne un conseil fatal au diplomate américain qui le reçoit : "Laissez-les mourir." Il reste à ce moment-là quatre prisonniers koweïtiens à Guantanamo. "S'ils sont pourris, ils sont pourris", note le ministre qui ajoute : "Il vaut mieux s'en débarrasser. Vous les avez capturés en Afghanistan, renvoyez-les là-bas en pleine zone de guerre."

A propos de sept trafiquants iraniens de haschisch capturés dans le Golfe quelques semaines plus tôt par la marine américaine alors que leur bateau faisait naufrage, le prince-ministre "sourit largement", et dit : "Dieu voulait les punir et vous les avez sauvés. Ils sont maintenant votre problème. Vous auriez dû les laisser se noyer." Tous les diplomates approchés par leurs homologues américains ne sont heureusement pas sur cette ligne brutale. En février 2009, environ 500 des 800 détenus "originaux" ont été libérés et rapatriés dans leur pays d'origine. Les Américains cherchent des pays d'accueil pour une soixantaine de détenus libérables, mais qui ne souhaitent ou ne peuvent rentrer chez eux.

UNE PUCE ÉLECTRONIQUE SUR LES ANCIENS DÉTENUS

La Lituanie a accepté de prendre deux Ouzbeks. La France, la Suède et d'autres pays européens ont également accepté de recevoir une poignée d'ex-détenus non-nationaux. C'est que, conformément aux ordres du président Obama, il n'est pas question de renvoyer chez eux des prisonniers qui auraient à craindre pour leur santé, voire leur vie. L'une des conditions posées par l'administration américaine aux pays "receveurs" est la latitude qui doit être laissée aux autorités américaines de pouvoir rencontrer, voire réinterroger, les détenus libérés. Le 11 juillet 2007, le Libyen Mohammad Abdallah Mansour Al-Rimi, qui a été renvoyé chez lui dix mois plus tôt, est retrouvé avec plusieurs dents en moins et une mauvaise blessure à la main gauche.

Un autre, Abou Soufiane Ibrahim Ahmed Hamouda, également libéré le 26 septembre 2006, demeure introuvable. L'attaché diplomatique américain à Tripoli soupçonne le pire et envoie une note à Washington : "Le gouvernement libyen réclame un accès aux détenus libyens qui sont encore à Guantanamo. Nous devons explicitement conditionner cette demande aux visites d'anciens prisonniers que nous réclamons." Le 15 mars 2009, John Brennan, le conseiller antiterroriste de M. Obama, est reçu en son palais de Riyad par le roi Abdallah d'Arabie saoudite.

Un détenu de la prison de Guantanamo est escorté par deux soldats américains, le 6 décembre 2006.

Pour ne pas perdre la trace des anciens détenus élargis, le roi a "une idée" qu'il propose aussitôt à son visiteur. Il s'agit d'implanter sur les intéressés une puce électronique contenant plusieurs informations sur eux et permettant de les pister via Bluetooth. On fait ainsi avec les chevaux et les faucons, dit le roi. Brennan, qui a de l'humour, rétorque que certes, c'est une idée, mais "les chevaux n'ont pas de bons avocats".

MAUVAIS TRAITEMENTS ET TORTURES EN TUNISIE ?

La Tunisie, outrée par le projet américain d'obtenir, pour 12 prisonniers tunisiens de Guantanamo, des pays d'asile en Europe plutôt que de les rapatrier chez eux, réagit différemment. Le 19 juin 2009, le ministère des affaires étrangères tunisien convoque les ambassadeurs d'Allemagne, d'Italie et d'Espagne. Un diplomate de haut rang n'y va pas quatre chemins : la Tunisie veut récupérer ses nationaux et demande poliment aux trois pays cités de rejeter la demande américaine. Washington craint ouvertement que ses "libérables" soient maltraités dès leur retour chez eux.

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Le 22 juin, le chef de la mission américaine à Tunis reçoit ses trois homologues européens plus le Français, le Britannique et le Canadien. Sa mission ? S'informer sur la pratique de la torture dans son pays de résidence. Selon le télégramme américain du lendemain, ni le Français ni l'Espagnol n'ont rien dit. L'Italien ne "voit pas pourquoi" les rapatriés seraient torturés.

L'ambassadeur du Canada, soutenu par celui du Royaume-Uni, est plus net : les dénégations tunisiennes sur la pratique de la torture sont "des conneries". Il a, personnellement, des preuves directes de mauvais traitements et de tortures pratiquées, pendant des mois, précise-t-il, sur un détenu. L'Allemand est d'accord avec lui : quiconque se retrouve en prison en Tunisie pour terrorisme "risque la torture".

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