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La vengeance de Zidane par Adel Abdessemed

L'artiste français Adel Abdessemed a transformé le coup de tête de Zidane à Materazzi en sculpture monumentale devant le Centre Pompidou. Effet choc et succès déjà très public.

Devant le Centre Pompidou à Paris, une faute de légende deviendra-t-elle une statue légendaire? Elle est énorme, bizarre, lisse, mate, noire et funèbre comme la force obscure de Dark Vador ou comme Han Solo congelé par le méchant Jabba dans le caisson cryogénique de La guerre des étoiles ? En donnant un coup de tête à l'Italien Materazzi, Zidane mit fin à toute victoire de la France au championnat du monde, un dimanche soir de l'été 2006. Cette vengeance pour une insulte de trop, parfaitement exécutée par un athlète à la technique incomparable, mit fin aussi à la carrière sportive du grand footballeur. L'artiste français Adel Abdessemed, 41 ans, en a fait une sculpture monumentale, couple géant et ennemi, bronze creux haut de 4 mètres, qui transforme les deux joueurs en taureaux furieux. Le public incessant de Parisiens, d'amateurs d'art et de touristes qui défile sur la piazza pavée en pente, prend déjà des photos in situ de cette oeuvre inattendue, cernée de petites barrières.

«J'ai reçu la violence du geste de Zidane, depuis l'écran, en plein visage. J'ai voulu montrer le côté sombre du héros, le goût du destin inéluctable et l'immédiateté retentissante d'un geste», dit au Figaro cet artiste connu, lui aussi, pour ses uppercuts visuels. La violence est l'un des grands thèmes de ce plasticien, bohème chic toujours en pantalon d'ouvrier bleu roi. Né à Constantine en 1971, Adel Abdessemed a commencé sa production artistique en Algérie à Batna (1986-1990) et intégré l'École des Beaux-Arts d'Alger en 1990. Il l'a quittée en 1994 à la suite de l'assassinat, la même année, du directeur Ahmed Asselah et de son fils tués dans l'enceinte de l'établissement. Adel reprend sa course de l'art aux Beaux-Arts de Lyon (1994-1998), à la Cité internationale des arts de Paris (1999-2000), obtient une bourse pour P.S.1, le module contemporain du prestigieux MoMA à New York ( 2000-2001). Il travaille à Berlin, cité chérie des artistes (2002-2004) où il exposera le gigantesque squelette humain en lévitation de Habibi, puis alterne Paris et New York en artiste à la cote internationale.

Géant populaire

Nommé pour le Prix Marcel Duchamp 2006, ce rebelle-né n'a pas été lauréat. Mais son aura de perturbateur visuel a continué de grandir, d'exposition de groupe en exposition personnelle. Sa dernière vidéo où les danseuses sont mises à nu, leurs burqas lentement détricotées au son d'une sensuelle mélopée orientale, a été montrée lors de la Triennale du Palais de Tokyo. Collectionné depuis la première heure par François Pinault qui a acheté dès sa conception les quatre Christ en fil de fer barbelé vus à Colmar et à Beaubourg (Decor), Adel Abdessemed a été suivi très tôt par les talents scouts comme Caroline Bourgeois, ex-directrice du Plateau, le Frac Ile-de-France à Paris, commissaire de nombreuses expositions de la collection Pinault, de Lille à Venise. Le Magasin, centre d'art contemporain de Grenoble a exposé très tôt ses oeuvres chocs (2008), comme l'incroyable tresse de trois avions qui occupe aujourd'hui, comme un animal marin, le Forum du Centre Pompidou. Son premier galeriste, le Parisien Kamel Mennour, a déjà exposé son avion aplati comme un gâteau oriental à la Foire d'Art Basel à Miami. Farouchement volontaire et indépendant, Adel Abdessemed est défendu désormais par le marchand allemand de New York, David Zwirner qui règne sur un espace somptueux, tout au long de la 19e rue à Chelsea.

Monstre sacré ou sacré monstre? Cette dernière oeuvre n'est pas sans rappeler les sculptures monumentales, fort polémiques, de Damien Hirst. Il n'est pas dit qu'elle convainque le monde de l'art. Philippe-Alain Michaud est le commissaire de la rétrospective du Centre Pompidou qui s'ouvre le 3 octobre au public avec un titre choc: Adel Abdessemed, Je suis innocent. Il s' y emploie de toute sa science dans le catalogue fort cérébral et référencé. Le coup de tête que Zidane porta à Materazzi, a la «soudaineté et le délié d'un geste de calligraphie», avait écrit Jean-Philippe Toussaint dans La Mélancolie de Zidane (Editions de Minuit, 2006). «Abdessemed fait une allégorie zarathoustrienne du désir de déclin», un «geste fou» par lequel «l'idole s'humanise, le regard tourné vers la terre , à la manière d'Adam chassé du Paradis selon Masaccio. Le public n'en demande pas tant et clique déjà, comme un fou, devant ce géant populaire.

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4 commentaires
  • BHari

    le

    AA se fourvoie...de mauvais goût, tout simplement..

  • géraaaAAArd

    le

    Pas sûr que ce coup de tête soit son plus beau coup de génie...à voir...
    Cependant, sa pluie de forets noirs "black rain", son squelette géant "Habibi" ou encore sa voiture calcinée sont très puissants et montrent que l'on a affaire à une grande pointure.

  • bonbon12

    le

    Nul

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