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«Pelléas», quel sortilège!

Les chanteurs ont intégré le langage de gestes et de lumières de Wilson à un point jamais atteint par les distributions précédentes. Charles Duprat/Opéra national de Paris

Debussy revu par Bob Wilson et Philippe Jordan: une réussite remarquable.

Quelle merveille que ce Pelléas et Mélisande! Coproduite en 1997 par Gerard Mortier au Festival de Salzbourg et Hugues Gall à l'Opéra de Paris, la mise en scène de Bob Wilson n'a pas quitté l'affiche depuis, passant en 2004 de Garnier à Bastille. On peut être parfois agacé par le systématisme des spectacles de Wilson, chorégraphies plastiques qui peuvent sembler abstraites et répétitives.

Mais s'il rencontre l'œuvre appropriée, on assiste à une véritable œuvre d'art. Et l'on ne nous ôtera pas de l'idée que la poésie symboliste de Wilson a rencontré dans la production de Debussy et Maeterlinck une âme sœur. Si cette cinquième reprise paraît aussi aboutie, c'est parce que les chanteurs ont intégré le langage de gestes et de lumières de Wilson à un point jamais atteint par les distributions précédentes.

L'excellence de la distribution

C'est aussi parce que la lenteur contemplative de la mise en scène a trouvé son prolongement idéal dans la direction hypnotique de Philippe Jordan, qui ose des tempi étirés jusqu'à l'extrême: le risque de dédramatisation est là, mais ce que l'on perd en violence et en lyrisme, on le gagne en sensualité morbide et en mystère des sonorités. Jordan «debussysait» Wagner, il «wagnérise» Debussy: rien que de très logique, dans deux univers que tout semble éloigner mais qui sont plus voisins que jamais. Sa complicité avec le superbe Orchestre de l'Opéra, déjà patente quinze jours avant à Pleyel dans la Symphonie n°1 de Mahler brillante et élégante mais manquant de chair et de sang, tourne ici à l'évidence.

Les sortilèges de la fosse ne doivent pas faire oublier l'excellence de la distribution, la plus homogène entendue dans cette production. Ancienne de l'Atelier lyrique, la Russe Elena Tsallagova est une Mélisande proche de l'idéal, virginale et lumineuse, dans un français très soigné. Stéphane Degout est un Pelléas parfait, viril et résigné, sans une once d'affectation. Vincent Le Texier trouve en Golaud l'un de ses meilleurs rôles, un concentré d'amertume. Magnifique Arkel de Franz-Josef Selig. On s'incline face à tant de beauté.

• Jusqu'au 16 mars. Opéra Bastille: 0 892 89 90 90. Diffusion sur medici.tv le 16 mars à 19 h 30 et en streaming jusqu'au 19 juin.

«Pelléas», quel sortilège!

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