Entendu à la sortie du récital que donnaient, dimanche 26 février, à la Salle Pleyel, la soprano Natalie Dessay et le pianiste Philippe Cassard : "Ben, pour une fille qui a perdu sa voix, elle se débrouille encore vachement bien !", dit un monsieur à sa dame. Rectification immédiate : Natalie Dessay n'a pas perdu sa voix - loin de là. Elle a certes eu quelques soucis de cordes vocales, au cours de sa carrière, et l'attaque de certaines notes, celles du médium en particulier, "accroche" parfois un peu. Mais, ces peccadilles mises à part, quelle forme splendide pour celle qui ne cache pourtant pas vouloir prendre une année sabbatique, l'année de ses 50 ans (2015), "une année sabbatique à durée indéterminée...", dit-elle volontiers, en plaisantant à moitié.
Natalie Dessay a déjà chanté de la mélodie avec piano, ainsi qu'elle le rappelait récemment (Le Monde daté 26-27 février), mais c'est la première fois qu'elle l'enregistre et la donne dans de grandes salles de concert. Elle se disait trop "à nu" pour se sentir vraiment à l'aise en cet exercice. Pourtant, au sortir de ce splendide programme, entrecoupé de deux pièces pour piano seul, jouées par le "subtilissime" Philippe Cassard, main de velours et oreille de lynx, on se disait qu'on avait rarement assisté à une séance de mélodies aussi dense, forte et poétique.
Natalie Dessay dit manquer des accessoires de la scène. Mais elle recrée, par quelques gestes parfois théâtralisés, son décor intérieur, son paysage de fantaisie. Et elle nous les fait voir non par le truchement des mimiques mais par la lucarne magique de son regard, par la palette raffinée de ses voiles d'angoisse, de tristesse, de joie, relayé par le tissage du tapis sonore fourni par Cassard. Ce qui suffit pour pallier une voix au timbre fruité mais plutôt monochrome et une diction peu compréhensible sauf dans le médium.
A pleurer d'émotion
Ces mélodies pour voix haute de Debussy, dont les inédites que Dessay et Cassard viennent d'enregistrer (1 CD Virgin Classics), sont redoutables et exigent une technique impeccable : Dessay ne détonne jamais et, tout en donnant l'impression de s'en jouer, contrôle parfaitement l'extraordinaire plasticité de sa voix. En troisième bis, la soprano a donné un extrait de Lakmé, de Delibes, un ouvrage qu'elle ne chante plus depuis des années. L'élégiaque Tu m'as donné le plus doux rêve était à pleurer d'émotion juste, à la fois adieux et retrouvailles.
Sur le Web : www.natalie-dessay.com et www.sallepleyel.fr.
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