Un impressionnant silence, déchiré à intervalles réguliers par le claquement d’une fixeuse métallique, a marqué lundi 14 septembre la fermeture de la dernière portion encore ouverte de la clôture anti-migrants hongroise, à la frontière avec la Serbie.
Journalistes du monde entier, policiers et militaires hongrois ont observé sans un mot les gestes du policier qui a fixé à la nuit tombée les barbelés au wagon obstruant le chemin de fer qui constituait le dernier point de passage non officiel, près de la petite ville de Röszke, à l’endroit exact où passait le rideau de fer il y a près de vingt-six ans.
Il aura fallu à peine quelques heures aux forces de l’ordre hongroises pour boucher cette brèche de quarante mètres de large sur une clôture censée couvrir les 175 kilomètres de frontière. Depuis quelques semaines, des milliers de migrants empruntaient tous les jours cette voie tolérée par les autorités hongroises, avant d’être arrêtés, gardés quelques heures dans un camp de fortune, puis transportés vers l’Autriche. Vers seize heures, les policiers ont subitement bloqué le passage, interrompant dans leur course une mère avec ses deux enfants, soudainement bloqués côté serbe.
Rapidement, des dizaines d’autres migrants l’ont rejointe, au départ désarçonnés, voire en larmes. Mais ils ont ensuite été redirigés par la police hongroise vers un poste-frontière officiel situé à quelques centaines de mètres. Jusqu’a minuit, les policiers hongrois laissaient passer par ce poste tous les migrants qui se présentaient, avant de les amener à la gare pour prendre normalement un train direct pour l’Autriche. Retenu par la police hongroise dans un bus en attendant ce fameux train, Ahmed Lababidi, 19 ans, ne cachait pas son bonheur « d’avoir eu la chance de passer la frontière avant minuit ».
Au total, 9 380 migrants et réfugiés ont traversé la frontière dans la seule journée de lundi et près de 200 000 sur toute l’année 2015, selon les autorités hongroises.
Suivez la situation sur place avec notre journaliste Jean-Baptiste Chastand :
« Nous avons tout fait pour arriver avant mardi »
A cette heure, entrait en effet en vigueur une nouvelle loi voulue par le premier ministre ultraconservateur hongrois, Viktor Orban, pénalisant de trois ans de prison ferme toute traversée illégale de la clôture. « Nous avons tout fait pour arriver avant mardi », raconte dans un anglais parfait cet étudiant en psychologie syrien venu d’Alep, qui voyage avec son père. Il espère continuer sa route le plus vite possible pour aller « sans doute en Allemagne ». Les nouvelles des renforcements des contrôles dans tous les pays européens sur sa route l’inquiètent toutefois fortement.
Mais ce n’est rien en comparaison du sort des milliers de migrants qui n’ont pas pu franchir la frontière hongroise à temps. Des dizaines ont dû passer la nuit côté serbe, avant finalement de pouvoir à nouveau rentrer au petit matin. Certains d’entre eux ont tenté de découper la clôture dans la nuit mais ont été immédiatement arrêtés, selon la télévision hongroise. Si elle a pénalisé la traversée de la clôture, la Hongrie n’a pas pour autant dit qu’elle allait leur barrer complètement la route. Il est donc probable que des postes-frontières officiels leur restent ouverts. Mais, selon les ONG hongroises, les migrants seront contraints d’y déposer une demande d’asile, alors que la plupart ne souhaitent en fait que traverser la Hongrie.
Ni les ONG, ni les envoyés du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés présents à la frontière lundi soir ne savaient quel serait le sort de ces demandeurs d’asile. La Hongrie a seulement dit qu’elle comptait examiner les demandes en quatre semaines et refouler systématiquement les déboutés. Un retour à la situation du mois de juillet, quand les migrants demandaient l’asile en Hongrie avant de fuir immédiatement vers l’Allemagne, est donc probable. « Tout va dépendre de comment sont retenus les migrants. Seront-ils dans des centres fermés ou ouverts ? Nous n’en savons rien », explique Aniko Bakonyi, du comité Helsinki, qui surveille le respect des droits de l’homme.
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