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Billet de blog 20 novembre 2010

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Ben Laden revient en France

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Oussama Ben laden est de retour. Très précisément, c'est en France qu'il revient. On l'a cru à un moment enseveli sous les ruines de collines de Tora-Bora perdues aux confins de l'Afghanistan et du Pakistan, dans les mystérieuses zones tribales du Waziristan ou du Balouchistan. On nous disait bien que des drones l'avaient certainement tué, lui parmi d'autres islamistes et talibans.

Il revient donc, sort de son silence pour invectiver la France. Son antenne auto-proclamée d'Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) revendique l'enlèvement de cinq français au Niger et demande aujourd'hui à la France de traiter avec le fantomatique Sheikh de l'islamisme mondial. Aux confins de la Mauritanie, de l'Algérie et du Niger, ce groupe affiche des motivations d'ordre religieux et politique, donc, plus qu'économique. Même s'il peut s'agir d'un écran de fumée destiné à faire monter les enchères, il reste inquiétant de voir la France propulsée au rang de cible première de la mouvance Al Qaeda.

Les Américains rappellent par Daniel Benjamin, chargé du terrorisme au Département d'Etat : «Nous ne voulons pas nourrir les animaux sauvages parce qu'ils reviendront pour en avoir plus». C'est signifier à la France qu'il ne faut plus abonder le trésor de guerre des preneurs d'otages, déjà riches à millions de précédentes rançons. La difficulté des ministres en charge du dossier (Michelle Alliot-Marie et Alain Juppé qui s'est exprimé sur le sujet) est donc bien plus importante que dans une affaire plus classique comme celle du Nigéria ou celle de Somalie.

Contrairement aux journalistes otages en Afghanistan, on n'a pas reproché leur présence dans des zones dangereuses à ces français. Et pour cause, ils contribuent à l'exploitation des réserves d'uranium du Niger, indispensable au fonctionnement de la filière nucléaire française. On peut se demander, d'ailleurs, pourquoi cette richesse ne rapporte que si peu à ce pays, l'un des plus pauvres du monde, alors que la France en tire des bénéfices énormes. C'est sur le terreau de la misère que naissent les frustrations et les extrémismes. Aux confins sahéliens du désert, un Dieu de violence plante ses racines dans l'absence d'avenir de peuples écartelés par d'absurdes frontières.

Le relatif silence médiatique sur ses affaires est bien-sûr explicable par la nécessaire discrétion indispensable dans ce genre d'affaires. Cependant, il convient aussi de s'interroger, en interne, sur les raisons de l'hostilité grandissante des musulmans à l'encontre de la France. L'accumulation des mesures stigmatisant cette religion dans notre pays (débat sur l'identité nationale, loi inutile sur la burqa, propos de Brice Hortefeux sur les Auvergnats, discours de Grenoble...) et le caractère illisible de la politique étrangère dans la monde arabe sous Bernard Kouchner, ont fait passer la France au statut de pays ennemi des musulmans. Cela se ressent dans l'opinion publique des pays arabes, mais aussi en France.

Les Français musulmans, surtout les plus jeunes, se sentent agressés dans leur identité, dans leur culture. Ils se vivent victimes d'amalgames et d'un racisme d'Etat, que le mot Kärcher symbolise désormais. La détestation de Nicolas Sarkozy peut rapidement devenir la détestation de la France, dont il est le représentant officiel. De cette haine recuite, à l'héroïsation de Ben Laden, il n'y qu'un pas, que beaucoup ont déjà franchi.

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