REMANIEMENT - Alain Juppé, poids lourd pour les armées

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© Fabien Cottereau / Photopqr Sud Ouest
© Fabien Cottereau / Photopqr Sud Ouest

Temps de lecture : 3 min

Avec la nomination d'Alain Juppé au poste de ministre de la Défense, Nicolas Sarkozy retrouve une tradition gaullienne : celle consistant à nommer à ce poste exposé et prestigieux des hommes politiques de premier plan. Ceux qui furent, sous la Ve république, ministre de la Défense et Premier ministre n'étaient que deux jusque-là ; deux piliers du gaullisme : Pierre Messmer qui, de 1960 à 1969, occupa ce poste avant de s'installer à Matignon de 1972 à 1974, et Michel Debré, son successeur à l'hôtel de Brienne de 1969 à 1973, après avoir été Premier ministre.

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Avec ce remaniement, Alain Juppé, locataire de Matignon de 1995 à 1997, occupe le second rang protocolaire du gouvernement, et avec cela, le nouveau ministre de la Défense gagne neuf places, devient ministre d'État et guérira le petit complexe qu'avaient nourri les militaires avec son prédécesseur Hervé Morin sur ce point. Ministre poids lourd, le maire de Bordeaux devra surtout faire comme tous les autres : montrer qu'il est capable de défendre... son budget ! C'est à ce tournant-là qu'il est attendu, tout comme il devra asseoir son autorité - dans les jours et les semaines qui viennent - sur des chefs militaires qui n'aiment rien tant que faire comprendre à leurs ministres qu'ils ne prennent leurs ordres qu'à l'Élysée. Le nouveau titulaire de la Défense devra également gérer des dossiers industriels complexes, la situation afghane, les questions relatives à l'Europe de la défense et à l'Otan. Tout en sachant que c'est à l'Élysée que les décisions sont prises par le chef des armées. Qui a choisi son nouveau ministre en toute connaissance de cause...

Désarmement nucléaire

Voici un an, Alain Juppé avait signé avec Michel Rocard, Alain Richard et le général Bernard Norlain, un appel au désarmement nucléaire, qu'on nomme également "l'option zéro". De la part d'anciens Premiers ministres, il ne fallait pas s'attendre à un brûlot antinucléaire, et le texte est conforme pour l'essentiel à des propositions si bien connues aux États-Unis qu'elles ont été reprises par le président Barack Obama. S'agissant de la France où la dissuasion nucléaire est un dogme quasi religieux, la proposition d'Alain Juppé a choqué.

Et pourtant ! Ceux qui lui contestent le droit de s'exprimer sur ce point ont en réalité quelque mal à percevoir que la dissuasion nucléaire mourra de sa belle mort si elle ne fait l'objet dans l'opinion publique d'aucun débat ni d'aucune discussion sur ses fondements politiques et sa pertinence stratégique. Le message vaut autant pour des militaires devenus de chauds partisans de cette arme après l'avoir tant combattue que pour une classe politique dont l'intelligence est calcifiée, sur ce sujet, depuis des décennies. Tous ceux-là verront dans l'arrivée d'Alain Juppé un problème ennuyeux, mais commettront une erreur d'analyse.

Lien transatlantique

Il est vrai qu'il a réfléchi sur cette question de l'arme nucléaire et qu'il possède un avis. En 1995, il avait proposé sans succès à l'Allemagne de bénéficier du parapluie nucléaire français, ce qu'il appelait la "dissuasion concertée". Et dans ce même discours, il ajoutait : "Je crois qu'à l'heure où nous nous fixons comme objectif de parvenir à une politique de défense commune avec nos partenaires européens, dont la Grande-Bretagne, tout en parvenant à la rénovation du lien transatlantique, nous devons apprendre à introduire la dimension collective comme un facteur constitutif de notre doctrine."

Quinze ans plus tard, à l'heure où la France et le Royaume-Uni entrent dans une démarche de rapprochement nucléaire, constatons que ce n'était pas si mal vu... Il ajoutait alors : "On ne construit pas une politique de défense sur de bonnes intentions ou sur des émotions. Tant que d'autres pays posséderont des armes nucléaires, la France, bien évidemment, en conservera. Cette position est inspirée par la prudence, la sagesse et l'expérience." L'an dernier avec Michel Rocard, il ne demandait pas l'abandon unilatéral de la bombe par la France, mais appelait à l'engagement d'un processus en constatant que "la pertinence stratégique de la dissuasion connaît des angles morts de plus en plus larges."

On notera aussi pour la petite histoire que dans le couple Juppé, ce n'est pas le ministre qui a fréquenté le plus longtemps l'hôtel de Brienne. Avant de devenir son épouse, Isabelle Legrand-Bodin a longtemps suivi les affaires de défense pour les quotidiens Le Matin de Paris, puis La Croix, et était accréditée au ministère. Elle pourra le lui faire visiter sans trop de difficultés...

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Commentaires (70)

  • BRT

    Abolir le Code des marchés, certainement pas, mais le réformer profondément (ne fut - ce que pour l'adapter aux critères du développement durable en privilégiant la proximité), sûrement.

  • VLT2L

    Pas la peine de gratter trop longtemps et trop profondément. Dans un premier temps, il n'y a qu'à abolir le Code des marchés publics qui oblige à dépenser plus cher et bêtement en favorisant les grosses boîtes éloignées plutôt que les PME de proximité.

  • BRT

    "Il faut cesser de tirer à boulets rouges sur les crédits militaires : bien pensés ils concourent à la prospérité générale en faisant travailler des industries de pointe qui ne pourraient progresser sans cela."
    Ne pourrait-on envisager de mieux dépenser en dépensant moins ? Je suis convaincu que si on gratte bien, on s'apercevra que des intermédiaires inutiles et des dépenses qui n'ont pas de véritables liens avec la défense peuvent être économisées, sans nuire à l'investissement dans l'économie française.